[TRIBUNE] L’UE applique-t-elle l’État de droit ou le fait du prince ?

Qu’il me soit permis, en tant qu’ancien ambassadeur de Hongrie grandi dans la culture juridique française, d’apporter ma contribution au débat actuel sur l’État de droit. L’État de droit n’est autre que l’inverse du fait du prince.
Sous le fait du prince, les citoyens sont gouvernés par un prince qu’ils n’ont pas choisi et dont ils subissent passivement les décisions, sans avoir le moyen de les influencer. Certes, il faut espérer que le prince gouverne dans l’intérêt de ses sujets, mais rien ne le garantit.
Sous l’État de droit, les citoyens sont gouvernés par un ensemble de règles – dont la base est le suffrage universel – qu’ils ont librement choisies au travers d’élections libres tenues sans contrainte et qui s’appliquent uniformément à chacun d’entre eux d’une manière réglementée et connue d’avance, dans le respect du principe de non-rétroactivité de la règle de droit. Dans la mesure où ces critères sont satisfaits, il faut admettre pour postulat que le citoyen, par l’exercice de son suffrage, ne votera pas dans un sens attentatoire à ses propres intérêts.
Dévoiement et instrumentalisation de la notion d’État de droit
Quels sont ces intérêts ? Comme l’a récemment très bien écrit Jean-Éric Schoettl, dans les colonnes du Figaro, le libre exercice des libertés publiques, c’est-à-dire vivre, se déplacer, travailler, mener une vie privée et familiale, contracter, entreprendre, exprimer son opinion, ainsi que leur condition première : la garantie de la sûreté. Sous l’État de droit, le citoyen est en mesure de contrôler l’application de ces critères par la répétition des élections à intervalles réguliers.
La réalisation de ces critères suffit amplement à épuiser la définition de l’État de droit. On nous dit parfois que les citoyens peuvent se tromper, qu’une catégorie d’électeurs est inculte ou manipulée ; c’est conceptuellement faux : l’électeur ne peut être « manipulé » que par son ressenti, et par son environnement. C’est ce qui le différencie d’un robot. Prétendre qu’il a « mal voté » n’a démocratiquement aucun sens.
On ne peut que regretter le dévoiement de la notion d’État de droit, et son instrumentalisation à des fins politiques. Aucun État de droit n’a jamais comporté l’obligation de consentir à des politiques particulières (immigration, LGBT, etc.). Il ne peut être invoqué pour stigmatiser quiconque sur un plan politique ; pire : justifier des « sanctions ». Hélas, l’institution qui devrait en être le gardien suprême – l’Union européenne – s’en affranchit en permanence, épuisant la notion non plus de l’État de droit mais du fait du prince. Le cas de la Hongrie est emblématique. Deux exemples.
L’année dernière, la Commission a contesté la présence de personnages politiques (ministres et secrétaires d’État) dans les conseils d’administration des universités et a privé celles-ci du droit aux fonds Erasmus+ et Horizon. La Hongrie a obtempéré, les intéressés ont démissionné. Mais ce « n’était pas suffisant » [sic]. La Hongrie cherche désespérément, depuis des mois, à savoir ce qui serait « suffisant », mais sans obtenir de réponse. Et les fonds Erasmus+ et Horizon sont toujours bloqués.
La Commission intente souvent contre la Hongrie des actions en « infraction aux règles communautaires » en sachant parfaitement que leur base juridique est fragile, voire inexistante, et qu’il s’agit davantage de controverses philosophiques que de questions de conformité à une règle de droit clairement reconnue par les deux parties, base de l’État de droit. Dans le cadre de cette procédure, elle « demande des explications » à la Hongrie. Ces explications sont données et redonnées mais, naturellement, jamais acceptées. Car ne sachant eux-mêmes à quoi se référer, les commissaires concernés ne trouvent toujours qu’une seule et même réponse : « nous ne sommes pas satisfaits », laissant l’infortuné État membre désemparé devant une situation sans issue. Ce petit jeu est indigne. L’ancien commissaire Reynders, chargé de la Justice [sic], a excellé dans cet exercice aussi peu juridique que possible. À la fin, on se demande quand ces commissaires daigneront être « satisfaits » : sans doute jamais, et nous retombons dans l’instrumentalisation de l’État de droit à des fins politiques.
Il me semble que, lorsqu’un différend apparaît – comme il est naturel – entre la Commission et un État membre, la moindre des choses soit de s’efforcer de le résoudre de bonne foi, pas de le faire durer en privant l’une des parties des moyens de répondre ou en jouant à cache-cache avec ce qu’on attend d’elle. La preuve négative n’a pas sa place, dans l’État de droit.
Cette seule et sèche expression « nous ne sommes pas satisfaits » est terrible : elle est un coup de pied au concept même de droit, elle montre l’arbitraire et le fait du prince dans toute leur hideur : elle est politiquement compréhensible, mais juridiquement scandaleuse.
Difficile, dans ces conditions, de satisfaire le prince. Mais n’est-ce pas ce qu’il cherche ?

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24 commentaires
On ne peut pas mieux décrire le dictat de l’UE dirigé par les idéologies de la bien-pensance prêt à punir ce qui ne pense pas bien.
Et oui, nous sommes sorti depuis longtemps de l’état de droit pour le bon plaisir de l’impératrice Von der Leyen
Sommes nous satisfaits de ce qui sort de Brussels?
Métaphore qui parle.
Etat de droit ou Fait du prince, l’Europe est en train de se suicider
Pareil pour le RN incapable de compromis et qui a commencé à se suicider en votant la censure
La pulsion de mort l’emporte sur la pulsion de vie
Je pense qu’en face du RN, la qualité première n’était pas non plus le compromis , mais la disparition ou au moins la neutralisation et que la motion de censure déposée était celle du NFP et ça, personne ne le dit, comme c’est curieux?
Le RN a censuré le budget qui n’était que taxe et non dégraissement de l’état, le compromis ne pouvait se faire sur ce paradigme
Si ce n’est que cela :le fait du prince.
Et combien sommes nous, à ne pas « être satisfaits » de l’Union Européenne et ses commissaires ?
Si on cherche les raisons de la désaffection des peuples pour les élections dans leurs pays respectifs elle est l’Europe. Une Europe dont les dirigeants sont non élus , où le parlement ne sert à rien et où la commission fait sa propre loi. A quoi sert de se déplacer pour voter pour des gens qui ne serviront à rien. Un jour les peuples se réveilleront l’Europe tremblera.
Quel beau modèle que la Hongrie qui a subi la tyrannie de l’URSS.
Comme l’histoire se répète,…tous les espoirs sont permis
« vous avez juridiquement tort puisque vous êtes politiquement minoritaires » a-t-on entendu à l’assemblée nationale en 1981 par un député fraichement élu ; pas d’état de droit sans le sens du Bien Commun .
« Sous le fait du prince, les citoyens sont gouvernés par un prince qu’ils n’ont pas choisi et dont ils subissent passivement les décisions, sans avoir le moyen de les influencer. »
Le fait du prince est devenu le fait de la princesse Ursula Von der Leyen , personnalité sans légitimité démocratique ,
Merci Monsieur l’Ambassadeur d’avoir osé poser cette question et d’y avoir répondu. Les pays d’Europe seront-ils sauvés de l’échafaud UE par les Magyars? Survivants entre le péril russe et l’empire Ottoman, ces guerriers ont su rester héritiers de leur mémoire. Sont-ils descendants des Khazars dont on nous dit qu’ils gouvernent le monde ou des tribus indo européennes de l’Oural, comme tous les Celtes, les Perses et autres… Ils ont su déjà, souvent, être le dernier rempart de la chrétienté contre l’empire Ottoman.
Souverainisme pour toutes les Nations, comme dans ma jeunesse !
À mort l’euro !
L’état de droit aurait du être celui ou les états n’auraient jamais du confier leur avenir à ces « non-élus »
L’Europe! , image de la démocratie dévoyée à des fins partisanes .Quand la technocratie s’affranchit du droit, quand les juges prétendent l’interpréter, quand les castes plient le droit à leurs privilèges , quand le fric remplace l’âme, la torpeur fait place à la sidération et demain à la révolte des peuples. L’Europe , construction machiavélique de l’Hégémonie US, sera demain le bouc émissaire de ses échecs. La symbolique poigné de main de Trump à Macron ne doit pas faire illusion, ce bras de fer signifie « tu cèdes ou je t’écrase »; Notre enfant roi manque de muscle, le pouce levé à la César ne suffit pas à satisfaire l’arène, demain Jupiter devra remballer son pouce avant de faire amende honorable.
La « lecture » des deux poignées de mains de Mr TRUMP avec l’auto proclamé « premier de cordée » que vous faites est très intéressante effectivement ! …
J’y rajoute ceci :
1 – la première « poignée de main », macron avance vers Mr TRUMP en « renvoyant » la main de Trump au delà de la ligne du dos … Ce qui « mécaniquement » ne permet pas à Mr TRUMP de « serrer la main » correctement ! … C’est une « agression symbolique » et un manque TOTAL envers une autre personne que de « serrer la main d’un hôte » de cette façon ! …
2 – La deuxième poignée de main, Mr TRUMP garde sa main en hauteur au dessus de celle de macron qui du coup « subit » la poignée de main … Mr TRUMP a « signifié » par ce geste : « JE suis au dessus de toi ! … »
On oublie surtout l’état du devoir..l’état régalien et juridique doit protéger la population