Tant mieux !

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Elle n’a pas mâché ses mots, la ministre des Armées. Interrogée dimanche sur Europe 1 au sujet de la guerre en Syrie, et notamment sur la chute de Raqqa qui ne serait plus qu’une question de jours, Florence Parly a tout simplement déclaré : "Ce que nous voulons, c’est aller au bout de ce combat. Et, bien sûr, s’il y a des djihadistes qui périssent dans ces combats, tant mieux." Comme on dit, ça, c’est dit ! Il ne me semble pas avoir entendu, de la part d’un politique en responsabilité, des propos aussi clairs sur un tel sujet. Entre nous, faut-il être de gauche pour se permettre de dire cela ?

Certes, on est loin de la très délicate injonction de Poutine à propos des terroristes tchétchènes : "Il faut les buter jusque dans les chiottes." On ne lui en demande pas tant, à Mme Parly. Loin, aussi, du célèbre et néanmoins apocryphe "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens", qui aurait été lancé en 1209 lors de l’assaut final sur Béziers durant la première croisade contre les Albigeois ! Là aussi, on ne lui en demande pas tant. Mais la déclaration de la ministre des Armées est bien loin du discours passe-partout hollandais. Du style 'On doit faire preuve d’unité et de sang-froid', phrase qui aurait pu tout autant avoir été prononcée dans un séminaire sur le management entrepreneurial que dans les vestiaires à la mi-temps d’un match de foot.

Parachutée au ministère des Armées après l’exfiltration manu militari de Sylvie Goulard, Mme Parly ne connaissait apparemment rien au monde militaire et à celui, plus large, de la Défense. Elle a su, en tout cas, rester prudemment à défilement de tourelle lors de l’affaire Macron-Villiers, ce qui, certes, accrédita l’idée qu’elle ne pesait rien politiquement. Mais en réalité, qui pèse politiquement dans le gouvernement Philippe ? On dit qu’elle a bossé ses dossiers durant l’été. Elle a, du reste, fait une intervention remarquée durant la quinzième université d’été de la Défense, le 5 septembre dernier, événement qui rassemble les principaux acteurs de la communauté de Défense : civils, militaires, politiques, administrations, industriels. À la fin de son discours, dans son évocation de nos ambitions de Défense, elle a souhaité une Défense qui inspire le respect de nos alliés et la crainte de nos ennemis". Ce qui est notable, dans cette phrase, c’est évidemment l’expression "crainte de nos ennemis". Il semble bien loin, le temps où nos politiques dans leurs discours se gardaient d’employer le mot « ennemi », sauf évidemment pour qualifier l’adversaire politique absolu – je veux parler du Front national !

À l’automne 2014, le général (2s) François Chauvancy écrivait sur son blog : "Il est vrai que désigner un être, un groupe humain, un État comme “ennemi” inspire la crainte en démocratie…. Il est cependant temps de se réapproprier sans complexe la notion d’ennemi..." Il poursuivait : "De fait, malgré les Livres blancs qui auraient dû l’identifier, l’ennemi n’existe pas pour la France." Et Charlie vint. Trois mois après… Et le discours a commencé à se désinhiber. Verba non acta ! Certes. Mais la politique, c’est aussi un discours.

Le prestigieux 501e régiment de chars de combat, titulaire de la Croix de la Libération, possède une devise terrible : "En tuer." Son cri : "501, France libre !" Tout est résumé.

"S’il y a des djihadistes qui périssent dans ces combats, tant mieux." Ça, c’est dit, donc. En tout cas, pour l’ennemi extérieur…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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