Les Américains ne s’intéressent pas aux élections européennes, entre Russie, Venezuela, Iran, Chine, Corées et leur propre élection. Ils ont une vague idée, grâce aux interventions de Nigel Farage, que quelque chose se passe du côté du Brexit. Dans la même veine, ils viennent de découvrir avec surprise qu’il y a eu des élections en Inde et en Australie. Mais ils sont plus conscients des prochaines cérémonies du débarquement de Normandie, fidèles à l’idée que l’exceptionnelle Amérique a sauvé le monde libre.

Le New York Times a, cependant, gardé un œil sur l’Europe, titrant, ce 19 mai : « L’élection européenne va permettre de jauger le pouvoir du populisme. »

C’est aussi la conclusion de Steve Bannon qui, pour ses détracteurs, est le proconsul américain de l’Europe grâce à son « Mouvement », à moins qu’il ne soit - inspiré par Julius Evola, qu’il dit bien connaître - l’ambassadeur d’Eurasia (selon Orwell) auprès d’une Océania anglo-saxonne à reconvertir à la culture traditionnelle. Bref, Bannon semble voir ou prévoir quelque chose en cette prochaine élection européenne. Une sorte de « séisme » électoral et culturel qui résultera du fait que les « populistes » semblent mieux coordonner leurs actions et mettre de côté leurs contradictions en vue de leur reconquista.

Certes, le Parlement européen n’a aucun pouvoir, ni de proposition de loi, ni de censure. Et, vu le nombre de ses membres et les règles de répartition du temps de parole, le député lambda aura moins d’une minute pour s’exprimer, aucun dialogue n’étant évidemment possible. Il s’agit simplement d’une chambre d’enregistrement occupée par des politiciens méritants bien payés, récompensés ainsi par leurs patrons. Mais tout est dans le symbole, ce que Bannon connaît bien. Dans son interview récente du Parisien, il insiste sur le rôle de la France dans la stratégie de son « Mouvement », qu’il coordonne à partir de Londres où il s’est installé :

« [en 2017] le mouvement populiste d’insurrection a été stoppé net par Macron, qui a été choisi par le système. La révolte nationale populiste semblait finie. Mais le week-end prochain, vous aurez une situation où Matteo Salvini, Marine Le Pen et Nigel Farage peuvent être à la tête de trois des quatre plus gros partis présents au Parlement européen. Tout a changé en deux ans. C’est pour cela que la France est si importante : je ne suis pas un fan de Macron mais il adhère à ce qu’il dit. Son discours de septembre 2017 à la Sorbonne était la conclusion logique du projet européen de Jean Monnet. Il veut les États-Unis d’Europe et a, de fait, pris la tête de la liste Renaissance : il n’y a même pas le visage de la tête de liste sur ses affiches ! C’est un référendum sur lui et sa vision pour l’Europe. »

Il précise : « Avec Salvini, Le Pen et Orbán, il y a désormais une alternative structurée. Le Pen a raison : la politique n’est plus structurée entre droite et gauche mais entre ceux qui pensent que l’État-nation doit être dépassé et ceux qui pensent que c’est un bijou. Donc, la semaine prochaine, les gens auront un vrai choix. »

Il suffit parfois de peu, d’un simple ferment venu d’ailleurs. Un Lawrence d’Arabie, en somme. Après tout, ce dernier avait coordonné les tribus arabes dans leur lutte contre les Ottomans… avant de se faire avoir par MM. Sykes et Picot. Alors, Bannon, catalyseur des Européens ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:50.

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21 mai 2019 à 13:52

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