[Reportage] SOS Calvaires au Mont-Saint-Michel : une croix pour le millénaire

« Le Mont-Saint-Michel, une croix pour un millénaire hors du temps ! » affichait l'association SOS Calvaires, au programme de ce samedi 30 septembre, journée du triduum de l'archange saint Michel (fêté le 29) qui veille depuis mille ans sur le mont. Objectif atteint pour les plus de 500 participants qui, sous un soleil de plomb, auront vécu un petit moment de grâce suspendu, avec cette pose de calvaire restauré au pied de l'abbaye millénaire coupée du monde quelques heures par la grande marée d'équinoxe.

De quoi faire renaître l'espérance en une jeunesse, déconnectée des réseaux sociaux, imperméable aux  injonctions wokistes et immunisée contre ces accès de fièvre et de violence qui choisit plutôt de protéger, conserver, restaurer et construire. Et bien plus, encore... Car - mais le savent-ils vraiment, ces jeunes bénévoles de SOS Calvaires -, bien plus qu'entretenir un patrimoine qui sans eux se meurt, ils rebâtissent et retissent à petits points des liens immatériels capables de réconcilier le peuple de France avec sa culture profonde, ses racines et ses manifestations de ferveur populaire ? Et ce samedi, au Mont-Saint-Michel, c'est bien une part de l'âme française qui s'est dévoilée.

Histoire d'une restauration

Tout a commencé il y a quelques semaines, lorsque les responsables de SOS Calvaires, l'association qui « œuvre pour restaurer le petit patrimoine chrétien français, les oratoires, les fontaines et plus spécifiquement les calvaires », nous précise son président Julien Le Page, s'est émue auprès du recteur du Mont-Saint-Michel de la détérioration de la croix du parvis de Jérusalem installée depuis 1886. Son Christ s'abîmait et le bois de la croix pourrissait depuis des années. Encouragée et soutenue par la communauté Saint-Martin et les religieux des Fraternités Mmnastiques de Jérusalem (installés au Mont depuis 2001), c'est dans l'obscurité, une nuit du mois de septembre, que l'association opère. Il s'agit de décrocher de sa croix la statue en fonte du Christ qui pèse une centaine de kilos. Les touristes sont encore nombreux à arpenter les rues et le travail est délicat et dangereux. Quelques jours après sa restauration dans des ateliers situés au Lion d'Angers, le Christ rénové est prêt à retrouver sa place initiale.

Une association aux multiples calvaires

Cet événement SOS Calvaires « millénaire » du Mont-Saint-Michel est loin d'être la seule action de l'année pour les bénévoles de l'association. « Nous existons depuis 1987. De locale, notre association est aujourd'hui devenue nationale. Forts de 70 antennes et 400 bénévoles, nous restaurons aujourd'hui plus d'un calvaire par jour. Nous en sommes à 150 calvaires depuis le début de l'année et nous ouvrons des antennes quasiment tous les mois », souligne Julien Le Page.

Pose de la croix 

C'est à l'issue d'une marche de quelques kilomètres depuis le prieuré d'Ardevon, où avait lieu une messe matinale, que la troupe d'environ 400 pèlerins, avec, à sa tête la croix, portée par des volontaires, parvient aux portes du Mont. Accompagnée par les prêtres de la communauté Saint-Martin et des religieux, en la présence de son excellence Monseigneur de Germigny, évêque émérite de Blois, et enrichie de bon nombre de marcheurs et de curieux de dernière minute, la procession passe la porte de l'Avancée et entame la montée vers l'esplanade de Jérusalem dans l’étroite Grande-Rue bondée de touristes.

Arrivée sur l'esplanade, l'émotion et le recueillement sont palpables lorsque la croix est érigée. Sur place, nous avons pu interviewer son excellence Monseigneur de Germigny, évêque émérite de Blois qui nous explique les raisons de sa présence : « Je suis très lié à la communauté Saint-Martin qui se trouvait dans le diocèse de Blois, dont j'ai été l'évêque. On m'a demandé de participer à ce triduum, ce que j'ai accepté avec grande joie, étant normand et aimant beaucoup le Mont-Saint-Michel. Je vous avouerai que la pose de cette croix restaurée avec un très beau Christ est un événement très important, parce que c'est le signe de l'amour de Dieu pour chacun de nous. Et je suis, j'ai toujours été, très marqué dans mon pays de Normandie et dans d'autres régions où j'ai vécu, par les calvaires. Je me souviens quand j'étais petit, je portais souvent une casquette et mon père m'invitait toujours à me découvrir devant une croix ou un calvaire. Alors, je continue cet usage et je suis toujours très heureux de voir ces croix. Lorsque j'étais évêque de Blois, j'ai très souvent béni des calvaires et c'est très important pour montrer la présence du Seigneur au milieu des gens. »

Des paroles d'un homme de Dieu. Mais comment imaginer ce que représente, aujourd'hui, la pose d'une croix au sein d'un des monuments les plus visités de France pour des Français bien éloignés de la foi chrétienne ? « Je pense que pour les Français, cela leur montre qu'ériger un patrimoine et un patrimoine religieux, c'est toujours possible en 2023. On rêve des bâtisseurs de cathédrale du XIII^e siècle, mais 1.000 ans après, on pose encore des croix. C'est toujours possible », nous répond Eloy Verly, membre de SOS Calvaires en charge de l'événementiel.

Le soleil s'est couché sur le Mont-Saint-Michel encerclé par les eaux. Retentit dans l'abbaye le chant des vêpres. Un instant magique, unique, que l'on voudrait emporter avec soi pour toujours se souvenir et recommencer à espérer.

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