[Point de vue] Pour en finir avec les droits de succession…

notaire

Éric Ciotti et François-Xavier Bellamy viennent de signer, dans FigaroVox, une tribune sur la question de l’impôt sur les successions et les donations. Et ils n’y vont pas de main-morte : « Nous voulons la mort de l’impôt sur la mort », lancent-ils dans le titre. Nous sommes en pleine campagne pour les élections européennes et l’on peut se demander pourquoi cette tribune tombe maintenant alors que la tête de liste des LR ne cesse de dire, à juste titre, qu’il faut ramener la campagne sur les enjeux européens. Les droits de succession ne sont pas une compétence (pas encore, en tout cas !) européenne, mais on comprendra aisément que tout est bon pour tenter de ramener vers soi un électorat de droite sensible à ce sujet et tenté, par ailleurs, d’aller voir en face, notamment du côté de Reconquête ou du RN.

Un régime quasi confiscatoire remettant en cause le droit de propriété

Il n’empêche que Ciotti et Bellamy mettent sur la table une question essentielle, existentielle, voire philosophique. Du reste, c’est ce qu’écrivent les deux parlementaires en qualifiant cet impôt sur les successions et les donations de « philosophiquement inacceptable ». On devine qui a été la plume… Effectivement, « au terme d’une vie d’imposition, un patrimoine – imposé et taxé à chaque étape de sa constitution – se retrouve de nouveau frappé par la fiscalité du simple fait de sa transmission », rappellent-ils. Aussi proposent-ils d’alléger cette fiscalité confiscatoire en l’alignant sur le mieux-disant en Europe (cela doit être le fil rouge pour se raccrocher à la campagne européenne !) : en Italie, par exemple, l’abattement est fixé à un million d’euros et le taux d’imposition n’est que de 4 %, alors qu’en France, l’abattement est de cent mille euros et que le taux peut monter à 45 % ! Des droits de succession qui pèsent 0,6 % de notre PIB, contre 0,2 % en Allemagne. On est bien dans un régime quasi confiscatoire qui remet en cause, l’air de rien, le droit de propriété consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Notons, tout de même, que si la proposition de Ciotti et Bellamy est très intéressante (restera à en évaluer le coût pour les finances publiques), elle est relativement incohérente, à bien y réfléchir : un impôt « philosophiquement inacceptable » devrait tout bonnement être supprimé et non pas allégé ! Philosophiquement parlant…

Des Français majoritairement favorables à la baisse des droits de succession

Mais, comme toujours, tout est une question de mesure et, au fond, il n’est pas philosophiquement inacceptable qu’un impôt minimum soit perçu par la collectivité, en charge du bien commun, à l’occasion d’une succession. Cela a d’ailleurs toujours existé. On ne va pas faire, ici, l’histoire de la féodalité mais l’on pourrait évoquer le paiement des droits de relief pour la transmission des terres nobles ou encore le droit de mainmorte qui permettait au seigneur de s’approprier les biens du serf mort sans héritier (un droit qui existait encore de façon résiduelle à la fin du XVIIIe siècle en Franche-Comté). La Révolution établit, en 1791, un impôt sur les successions de… 1 % sur les biens immobiliers. Mais parallèlement, elle faisait de la propriété un droit sacré, comme on l’a dit plus haut. Cette imposition monta jusqu’à 40 % à l’issue de la Grande Guerre, les finances publiques étant exsangues, pour faire le yo-yo, ensuite, jusqu’à ce taux confiscatoire d’aujourd’hui. Il se trouve que ce caractère confiscatoire est rejeté par une immense majorité des Français : 87 % de nos concitoyens, selon une enquête du CREDOC [Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, NDLR] pour France Stratégie, souhaitent une baisse des droits de succession alors même que seulement 20 % des héritages sont taxés. D’où, peut-être, la relative retenue de la Macronie à aller plus loin dans la taxation des successions, comme le suggérait l’une des têtes pensantes programmatiques de Macron, Jean Pisani-Ferry. Macron était même allé jusqu’à promettre, dans sa campagne de 2022, un allégement de ces droits de succession. Ayant, sans doute, découvert la réalité des finances au lendemain de sa réélection, la promesse est passée à la trappe…

En tout cas, que révèle cette sensibilité des Français à la question de la fiscalité successorale ? Il faut, sans doute, la relier à l’attachement viscéral de ces mêmes Français à la propriété. On se souvient de ce film de Pierre Granier-Deferre, La Horse, sorti en 1970. Jean Gabin y campait un gros cultivateur (on disait encore comme ça, à l’époque), patriarche et maître absolu sur ses terres. Impliqué dans une affaire criminelle, Gabin doit décliner sa profession au juge. « Propriétaire », lance-t-il. « C’est pas une profession », rétorque le magistrat. « Pour moi, si », réplique, cinglant, Gabin. Certes, c’était il y a un demi-siècle. C’est-à-dire hier, aux yeux de l’Histoire. Les Français « de souche » d’aujourd’hui, qui pour la majorité ont des racines paysannes, ont sans doute hérité cette aspiration légitime, quasi atavique, à être seigneur chez eux, à transmettre ce chez eux, aussi modeste soit-il, tel qu'ils l'ont reçu, constitué, voire amélioré, et donc non diminué sous le rabot fiscal. Tout ça est évidemment aux antipodes de la société liquide que Macron appelle de ses vœux…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

56 commentaires

  1. Une de mes tantes, de condition modeste, avait, au terme d’une vie de labeur, acheté à Vincennes un petit appartement, qu’elle légua à une cousine, elle aussi de condition modeste. Valeur du legs: 270.000 €; droits de succession à 60 %: 162.000 €; pénalité de 10 % pour n’avoir pas payé dans le semestre du décès: 27.000 €. Total: 189.000 €. Solde net: 81.000 €. À ce degré, ce n’est plus de la fiscalité, c’est de la boucherie.

  2. Ce scandale est à dénoncer, comme le projet macronien de faire payer un « loyer » aux propriétaires de maison, s’inspirant des anglais qui ne sont pas propriétaires du sol mais de la maison ! Vous verrez que cela ressortira quand nous serons en cessation de paiement !

  3. Sans en faire un enjeu à l’occasion des élections européennes car le problème ne se situe pas à ce niveau, on ne peut que leur donner raison : les biens transmis en héritage ont effectivement été , dès leur réalisation, déjà taxés et surtaxés, comme chacun en fait l’expérience quotidienne…
    Bonne journée

  4. Tout est bon pour spolier le fruit du travail des français et le fait dans faire bénéficier leur descendance.
    À qui profite le crime ? Toujours aux mêmes qui gangrénent notre pays…

  5. LR a ceci de surprenant qu’il propose les mesures qu’attendent les Français pour mieux faire le contraire dès qu’il est aux commandes.

  6. L’impôt vous prend votre argent contre votre volonté, c’est donc un vol. Et comme il n’y a pas de façon éthique de voler, toute tentative de justification morale est vaine. Les arguments ne peuvent être qu’idéologiques. L’impôt progressif est juste, parce qu’il frappe plus les riches ; la flat tax est juste, parce qu’elle frappe tout le monde de la même façon… Cela compris, on peut discuter de la façon la plus intelligente de taxer, de celle qui décourage le moins la production de richesses, de celle qui évite l’exil des talents ou des fortunes, de celle qui plume sans arracher la peau, de celle qui ne force pas à vendre une boîte quand son patron meurt, etc., mais la morale n’a absolument rien à voir là-dedans. L’impôt « juste » est une aporie. C’est comme si on vous demandait « quelle est la meilleure méthode pour tuer sa mère ? » La seule réponse valable est « il ne faut pas tuer sa mère »…

  7. Abolition des taxes sur les droits de succession car l’état c’est déjà suffisamment gavé sur les biens ( taxes foncières, taxes d’habitations, taux des crédits, etc…. .

    • Le régime italien pour ces droits de succession serait il me semble parfait !! plafond 1 million et 4%
      Rien qu’à voir les dégâts de la suppression de la taxe d’habitation qui a fait monter en flèche le foncier, et contribue à la saleté des villes, car une bonne partie de la population n’a plus aucun respect , hélas !!

  8. Voilà une sage suggestion. Supprimer les droits de succession. C’est un immonde racket qui appauvrit les français et la France.

  9. Ils ne savent plus quoi dire, en attendant peut-être de faire ?, pour faire d’exister encore. Mais, comme l’exprime avec justesse un de vos lecteurs, un peu de cohérence dans leur discours serait préférable compte tenu de leur histoire fiscale.

  10. Après la piqure finale,c’est normal plus de frais de sucession .en avant faisons mourir les vieux .triste et abominable monde .

  11. Avec un abattement de 100 000 euros par parent et par enfant , et avec la possibilité de donations , la majorité des Français ne paient pas d’impôt sur les succession , Il existe peu de chiffres officiels, mais selon l’AFP, en 2022, près de 80% des familles françaises ne sont pas concernées par l’impôt sur l’héritage.il est donc curieux de voir une majorité de Français contre l’impôt sur les successions . Certains confondent l’impôt sur les successions avec la rémunération du notaire chargé de la succession.
    Ensuite on ne parle jamais de l’impôt négatif sur les successions , quand l’héritier a ses parents à charge (parents qui n’ont aucune épargne et aucun bien immobilier) et doit payer la maison de retraite (obligation alimentaire), l’argent ne coule pas toujours des plus vieux vers les plus jeunes mais parfois des plus jeunes vers les plus vieux.
    Les très riches s’organisent très bien afin que leurs héritiers échappent au maximum à l’impôt sur les successions , certains ont même élu domicile dans un autre pays , la Belgique par exemple.

  12. Je soutiens parfaitement cette mesure, socialement bien venue et surtout qui est un bien fait sur un plan patrimoniale et favorable au capitalisme familiale et patriotique que je soutien et que j’approuve totalement ! Amitiés à tous Hervé de Néoules !

  13. En Italie, la faiblesse des droits de succession favorise la transmission des entreprises familiales, d’où le maintien d’un important tissu de petites entreprises, ce qui favorise l’emploi et le dynamisme des petites villes ; on le constate quand voyage en Italie. Alors qu’en France, le poids des droits de succession dissuade les héritiers de reprendre l’entreprise familiale, d’où fermeture de l’entreprise, chômage et désertification des petites villes.

  14. C’est bien leur parti, avec la gauche qui a conduit à la ruine de la France, alors s’ils avaient au moins un peu de dignité, s’ils savent ce que ce mot veut dire, de se faire pour le moins discrets, ce serait une bonne chose pour la France et les français. Quand à l’impôt, attendons la fin des Européennes et des JO et là, ça va être sanglant.

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