Pas une reine consort, mais une coprésidente qu’on sort

Macron nous en promet de belles : « L'épouse d'Emmanuel Macron, Brigitte, aura “un rôle public” s'il parvient à l'Élysée pour “sortir d'une hypocrisie française”, mais sans être “rémunérée par le contribuable”, a expliqué le candidat d'En Marche ! à la présidentielle jeudi soir sur TF1 » (dépêche de l'AFP du 27 avril). Deux pour le prix d’un, dit-il, mais on ne lui a rien demandé et il faut se méfier des promesses publicitaires. Les Français ont déjà eu les errements du début du quinquennat Sarkozy, ont subi le baiser mouillé de Mme Trierweiler et son tweet assassin contre l’ancienne compagne, puis le scooter et la séparation à grand bruit, et puis encore le coût dispendieux de la protection de la nouvelle favorite, la parentèle à la Lanterne, et j’en passe. Maintenant, on nous demande de voter pour un double candidat ! Comme le note finement un commentateur, sur le fil Actu-Orange : "Maintenant je vais voter blanc 2 fois."

Certains diront que notre juvénile marcheur enfonce des portes ouvertes et que les épouses ont souvent joué un rôle important auprès de leurs présidents de maris. Oui et non : rôle souvent humanitaire, les bonnes œuvres comme la fondation Claude-Pompidou. Mme Mitterrand a eu plus de poids politique sans doute, tirant sur la gauche dure, mais son époux lui devait bien cela… en compensation. De même pour Mme Chirac. Mais tout restait officieux et donc ajustable. Jamais n’a existé une corégence officielle, fixée par une sorte de « contrat » : un CDD bénévole de cinq ans renouvelable une fois ?

"[...] elle aura une existence, une voix, un regard […]. Elle aura un rôle public parce qu’il en est ainsi et c’est une attente. […] Nous en définirons le cadre si je suis élu dans les premières semaines et elle en décidera." Si la première phrase va de soi, la deuxième est plus délicate : rôle public ? Mais encore ? C’est vaste et vague. Attente de qui ? Attente de quoi ? Eh bien, il faudra… attendre pour le savoir, ce sera la surprise du chef quand madame aura tranché. Bizarre, tout de même. Le rôle du président de la République est bien fixé, dans son extension et ses limites, et nous connaissons, nous sommes censés le connaître quand nous votons. Et voilà que le rôle public de madame est tout enveloppé de brouillard (où est le « loup » ?) et que nous ne savons donc pas pour quelle coprésidence nous votons. Aura-t-elle le code nucléaire ? Sans doute pas, mais va savoir !

De fait, cette question de la place du conjoint du Président est un vieux serpent de mer. Si rien dans les textes constitutionnels ne lui donne une fonction politique effective, il serait peut-être bon d’y remédier et il y a eu des interventions en ce sens, en particulier quand Cécilia Sarkozy est intervenue en Libye. Il faudrait donc un débat clair, ouvert et surtout officiel, pour que les élus et/ou le peuple se prononcent, au lieu que l’affaire soit renvoyée au bon vouloir du candidat en marche vers l’Élysée et de l’épouse dudit. En effet, la marge de manœuvre du président de la République est assez grande et on peut redouter qu’en ce cas, un rôle « sur mesure » soit taillé pour l’épou-x-se, au cas par cas. Voici ce qu’on lit sur le site officiel de l’Assemblée nationale : "L’article 5 de la Constitution, en proclamant que “le Président de la République veille au respect de la Constitution”, lui accorde en pratique un pouvoir d’interprétation de la Constitution (pouvoir dont il a usé à plusieurs reprises…)."

Dans le silence de l’isoloir, n’oubliez donc pas que voter pour 1 Macron c’est en gagner 2. À la bonne vôtre !

Olga Le Roux
Olga Le Roux
Professeur

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