Qu’il s’agisse de contrats militaires ou de nucléaire civil, la France n’a pas la cote. Après la Pologne qui a signé un contrat de cinq milliards de dollars pour l’achat de 250 chars Abrams pour un montant de cinq milliards de dollars, après l’Allemagne choisissant le F-35 américain au détriment de l’avion de chasse européen développé par Dassault, c’est à nouveau la Pologne qui fait parler d’elle en choisissant le groupe américain Westinghouse pour construire sa première centrale nucléaire, face aux offres concurrentes du Français EDF et du Sud-Coréen KHNP. Dans un monde déstabilisé par le conflit russo-ukrainien, il faut lire en filigrane de cette décision trois messages clés.

Le premier signale la ferme volonté de la Pologne de s’engager dans une transition énergétique en marge du Green Deal européen qui s’est toujours revendiqué antinucléaire. Contrairement à son voisin allemand embarqué dans un Energiewende suicidaire, la Pologne choisit le pragmatisme de l’atome pour décarboner son mix électrique reposant encore en grande partie sur le charbon.

Le second est géopolitique. La décision polonaise intronise un peu plus l’« ami américain » en lieu et place de l’Europe comme bouclier protecteur vis-à-vis de la Russie. Elle envoie également un message sans ambiguïté à Vladimir Poutine sur la volonté de coopération américano-polonaise. C'est « un pas énorme dans le renforcement de nos relations avec la Pologne pour les générations à venir », s’est félicitée la secrétaire américaine à l'Énergie, Jennifer Granholm.

Le troisième concerne EDF, dont le projet jugé trop cher n’a pas été retenu. Même si les aspects géostratégiques ont joué un rôle essentiel, la déconfiture à la fois financière et technique de l’électricien français a incontestablement pesé dans la décision des autorités polonaises. Cette déconfiture d’une filière nucléaire d’excellence est méthodiquement organisée depuis vingt ans par des écologistes sans scrupules.

L’antinucléarisme des Verts remonte au début des Trente Glorieuses. Avant de s’intéresser à « Dame Nature », les écologistes ont d’abord été pacifistes. S’opposant frontalement à la prolifération des armes nucléaires et à la guerre du Vietnam, leur antinucléarisme civil a émergé de la « contre-culture » venue d’outre-Atlantique. Pour l’écologie politique, séparer nucléaires civil et militaire serait un renoncement à son chromosome pacifiste : pour un écologiste, un réacteur nucléaire porte toujours en lui l’odeur d’Hiroshima et de Nagasaki ! Selon l’ancien ministre de l’Environnement Brice Lalonde, « au sein du mouvement écologiste, [accepter le nucléaire], c’est une peu comme demander à un chrétien de renier à la Bible ».

Bien que restée nain électoral, l’écologie politique a eu au cours des deux dernières décennies une influence titanesque sur les politiques énergétiques des pays européens. Appelée comme appoint parlementaire dans de nombreuses coalitions gouvernementales de gauche comme de droite, elle a très chèrement négocié sa participation en faisant notamment de la réduction du nucléaire une condition obligée à sa participation.

Ainsi, la « coalition arc-en-ciel » belge rassemblant libéraux, socialistes et écologistes adopta, en 2002, une loi interdisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et limitant à un maximum de quarante ans la durée de vie des sept réacteurs du plat pays. En Allemagne, c’est l’accident de Fukushima qui aura raison du nucléaire allemand. En 2011, le gouvernement d’Angela Merkel programma la sortie totale pour 2022. Entre décembre 2021 et fin 2022, les six derniers réacteurs encore en activité auront été arrêtés.

S’il n’y a jamais eu, en France comme en Belgique ou en Allemagne, de réelle volonté politique de sortir du nucléaire, la filière a souffert d’attaques incessantes portées par la gauche en général, les Verts en particulier, depuis la fin du siècle dernier. La croisade débuta en 1977 et se cristallisa dans un premier temps autour de la construction du surgénérateur Superphénix. Déjà à l’époque, les « comités Malville » (Du nom du village le plus proche de la centrale) étaient constitués de milices d’extrême gauche issues de l’Organisation communiste des travailleurs, de la LCR et d’ONG fondamentalistes comme Greenpeace ou Les Amis de la Terre. Lors de leur participation à la « gauche plurielle » de Lionel Jospin, les Verts, représentés à l’époque par Dominique Voynet, auront la peau de Superphénix. Quinze ans plus tard, l’accord électoral entre François Hollande et les Verts scellera la mort de Fessenheim et du projet ASTRID. En vingt ans d’inactivité, la France a inexorablement perdu son leadership historique au profit de la Chine et de la Corée. Ses compétences légendaires se sont étiolées au point qu’EDF doit aujourd’hui aller les chercher outre-Atlantique pour réparer ses réacteurs défaillants.

Si EELV utilise de façon tactique des arguments sécuritaires (risque nucléaire, traitement des déchets) ou économiques (coût des EPR et du grand carénage), son antinucléarisme repose toujours sur un « chromosome » pacifiste. Comme le confirmait Yannick Jadot dans son discours fondateur de Lyon, le 29 janvier 2021, l’opposition des Verts au nucléaire « n’est ni technique ni climatique, elle est politique en plus d’être morale ». Un discours similaire émerge de l’écologiste belge Georges Giliknet signant, en 2022, dans le journal La Meuse, un article intitulé « Le nucléaire peut être utilisé comme une arme, pas le vent ni le soleil » ou du ministre belge écolo de l’Énergie Tinne Van der Straeten déclarant que « fermer la filière nucléaire belge, c’est aussi mettre fin aux armes nucléaires ». La responsabilité des Verts dans ce gâchis est considérable.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 06/11/2022 à 17:46.

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05 novembre 2022 à 17:30

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54 commentaires

  1. Si les écologistes ont , sans conteste , une grande part de responsabilité , les politiques de tous bords en sont les principaux responsables pour avoir suivi l’idéologie mortifère et cédé aux désidérata des verts .

  2. Les écolos sont des ennemies de la France ,le nucléaire est le meilleur pour produire l’électricité il ne pollue pas ,cet hiver nous allons souffrir à cause de ces individus .
    Il faudrait leur couper l’électricité à tous les écolos pour tout l’hiver .

  3. « Cette déconfiture d’une filière nucléaire d’excellence est méthodiquement organisée depuis vingt ans par des écologistes sans scrupules. » Plus exactement par des politiques aux ordres d’écologistes sans scrupules. Et la réponse à votre question est toute simple : « Pourquoi les écologistes ont-ils méthodiquement détruit le nucléaire européen ? » Par ordre de Berlin.

  4. C’est facile de « taper » sur les écolos !! Mais qui les a laissé faire par lâcheté et calculs électoraux ,les dirigeants depuis 25 ans !! En voulant faire plaisir à tous le monde , nous n’avançons pas et de toutes les façons nous faisons que des mécontents !! C’est notre système électoral qu’il faut revoir

  5. Quand je pense qu’en 1990, alors au  » chômage » et en recherche d’activité dans la Drôme, encore toute fraichement naîive et amoureuse des bêtes et de la nature, et revenant d’un voyage en Norvège un peu traumatisée, ou tout du moins inquiète pour mes enfants, par la réaction et les mises en garde des natifs après le passage du nuage de Tchernobyl ( « ne pas ramasser ni consommer les champignons et les baies »), j’ai été « approchée » par Michèle Rivasi pour être sa secrétaire particulière à la CRIIRAD, et me suis désistée par manque d’un peu de recul sur le sujet, et parce que je la trouvais trop péremptoire …. je ne regrette pas mon choix ( un peu influencé ) d’alors…

    1. je ne regrette pas mon choix ( un peu influencé ) d’alors…
      ##
      C’était quoi votre choix………..?
      Tout le monde sait que EELV est le faux nez de l’extrême gauche nihiliste!

  6. Pour être logiques jusqu’au bout, ces écolos de salon devraient souhaiter l’extinction du Soleil car celui-ci n’est ni plus ni moins qu’une gigantesque centrale nucléaire à fusion (la base donc des futures centrales nucléaires ITER). Pas de Soleil pas de vie sur Terre…et plus d’écolos bobos donc.

  7. afin d’aller jusqu’au bout de leur militantisme,je suggère aux écologistes de n’utiliser que la télégraphie de CHAPPE pour communiquer, de ne boire que l’eau tirée du puits de ne se nourrir qu’avec ce qu’ils ont produit , de se déplacer à pieds etc… et bien sure de rester abstinent pour ne pas faire trop d’enfants en s’éclairant avec des boules d’étoupe trempées dans du suif.

  8. Avec ces écolos de bas étage nous allons bientôt retourner au XVIII siècle surtout pas au XIX° siècle c’était la naissance de l’ère industrielle. Ils devraient manifester contre ces gros portes containers qui polluent beaucoup plus que les voitures, ou ils devraient militer pour le ferroutage , mais pour cela il faut avoir du courage!

  9. On peut comptabiliser tout ce que les écolos ont fait de mal pour la France et les français , le résultat est énorme : abandon du nucléaire, aéroport de Nantes qui reste en plein centre ville au lieu de se déporter à 40 KM …

  10. Ces verts auront fait beaucoup de dégâts dans tous les domaines mais sans la complicité des élus ils n’auraient pas pu .Ils ne sont donc pas seuls responsables .

  11. Va suivre la filière automobile dont tout le savoir-faire partira à la poubelle, pour laisser la place aux leaders de la voiture électrique qui ne sont pas français. On ne peut pas en vouloir aux patrons francais de ce secteur, intuitivement, on a du mal à imaginer 2035 et toutes les contradictions qui vont s’y bousculer. J’ai vu une video sur un vélo à vapeur, peut-être est-ce la solution ?

  12. Il n’y a plus guère que notre président pour croire, ou faire semblant de croire, à la souveraineté européenne.
    Il en est de même pour la défense européenne qui n’est que l’adhésion sans condition à la politique otanienne.

  13. Les verts ont systématiquement détruit le nucléaire. J’ai vécu tout cela de l’intérieur, étant ingénieur et chercheur, engagé dans la recherche en Astrophysique, puis directeur d’un laboratoire propre du CNRS sur l’énergie solaire dans l’habitat. J’ai été en même temps responsable commandant du bataillon NBC (Nucléaire Biologique Chimique) à la Protection Civile Urbaine d’une grande métropole. Je me suis intéressé aux problèmes de retraitement et aux catastrophes de Tchernobyl et Fukushima. Je reste un partisan du nucléaire, mais farouchement opposé à toute privatisation d’EDF. Il ne faudrait pas maintenant que les injonctions contradictoires du Gouvernement, aboutissent à une révision accélérée des réacteurs, potentiellement dangereuse. Tchernobyl a montré que les injonctions politiques dans ce domaine aboutissaient facilement à des catastrophes. C’est d’ailleurs parce qu’un chercheur Coréen en thèse au CEA a trouvé un effet allotropique du sodium fondu analogue à l’effet Wigner pour la graphite, que le projet de surgénérateur a été abandonné.

    1. Vous êtes sûr que super phénix a été abandonné sur les effets trouvés sur le sodium par un coréen ?
      Que les ingénieurs français ne connaissaient pas l’interaction sodium/eau ?
      Il est vrai que le sodium au contact de l’eau ce n’est pas la panacée, et très difficile à éteindre !
      Vous ne pensez pas que mitterant et voiney y étaient plutôt pour quelque chose ?
      EDF a toujours été privatisée, en partie (reste 85% de public) depuis sarkosy si j’ai bonne mémoire.
      Et apparemment je n’ai pas eu connaissance de trop graves problèmes nucléaires. Car les problèmes rencontrés parfois sur la partie non nucléaire est vite montée en épingle par les journaleux aux ordres pour nous faire croire que la partie nucléaire est « touchée » ! Une entrée d’eau brut au condenseur, et hop un incident nucléaire.
      Mais cela est facile à dire quand une énorme partie de la population ne connait rien ou peu du fonctionnement de ces centrales. Ce qui est bien normal chacun étant « normalement » bien informé de ce où il travaille ! A chacun son métier et les vaches seront bien gardées !

  14. Vous nous dites :la Pologne qui fait parler d’elle en choisissant le groupe américain Westinghouse pour construire sa première centrale nucléaire,
    Pouvez nous dire d’où venaient les premiers réacteurs français type CP0 avant d’être modifié et transformé en « français » ?
    Qui a tiré au « lance-roquette » dans l’enceinte de Creysse-Malville ?
    Les allemands toujours à la botte des usa, ne sont-ils pour rien dans le sabotage du nucléaire français ?
    La bombe « atomique » de 1945, l’uranium venait-il de centrales nucléaires ?
    Le combustible employé dans « la bombe nucléaire » est-il le même que celui des centrales, ou est-il « remanié » ?
    Et je dirai pour finir que le problème général en France vient de ses « personnes politiques », qui ne pensent qu’à leur élection et réélection plutôt qu’à l’avenir du pays et de ses habitants !

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