[Point de vue] Niche parlementaire : plus pertinent que l’interdiction des corridas, la perte de la nationalité pour les djihadistes binationaux

femmes djihadiste

En février 2015, le député UMP Philippe Meunier déposait une proposition de loi sur la perte de la nationalité française des djihadistes binationaux combattant contre la France. Cette proposition débattue à la commission des lois avait été rejetée. La situation qui prévalait à l’époque concernait un appel au djihad par l’État islamique (EI) dans la zone irako-syrienne. Aujourd’hui, ce groupe terroriste islamiste progresse dangereusement dans la bande sahélo-saharienne, en Afrique de l’Ouest et en direction de l’Afrique centrale. L’opposition parlementaire « sérieuse » devrait profiter d’une journée de « niche » parlementaire afin d’anticiper cette situation et reprendre cette proposition. Ce serait prendre date de sa capacité à prévoir et donc gouverner. Il est intéressant de noter que dans un cours moment de lucidité, le chef de l’État François Hollande avait retenu cette idée après l’attentat du Bataclan, avant de piteusement reculer sous la pression des bien-pensants socialistes.

Gérald Darmanin a déclaré, au mois de septembre, sur BFM, que l’EI avait perdu la guerre sur le théâtre des opérations extérieures, que le risque était aujourd’hui principalement endogène et que l’on pouvait s'attendre à de nouveaux Bataclan. Il s’est bien gardé d’évoquer la reconstitution progressive de l’EI en Syrie, qui est loin d’être éradiqué, et son expansion au Sahel et en Afrique subsaharienne, sous le sigle de l’État islamique au grand Sahara (EIGS), profitant du chaos libyen. Des liens sont par ailleurs établis entre EIGS et Boko haram au Nigeria, qui a fait allégeance à l’EI dès 2015.

La présence française dans cette zone est en perte de vitesse rapide, tant sur le plan militaire que civil, résultat de l’échec de notre diplomatie préventive. L’opération Barkhane a été abandonnée et le repli de notre dispositif militaire sur le seul Niger est engagé après les coups d‘État successifs au Mali et au Burkina Faso, les deux pays les plus fragiles de la zone qui ont failli. La force militaire conjointe du G5 Sahel, soutenue à bout de bras par la France et personnellement par Emmanuel Macron dès 2017, n’a jamais été opérationnelle et est en pleine déconfiture, comme on pouvait s’y attendre.

La France a abandonné sa coopération tant civile (APD) que militaire au Mali et le Burkina Faso suivra. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, n'a pas écarté un départ des forces spéciales françaises basées au Burkina Faso, où des manifestations contre la présence française ont eu lieu. La confiance de la communauté internationale dans la bonne gouvernance africaine s’est aussi largement émoussée. Des groupes terroristes de l’EIGS progressent vers le sud du Mali, entourent Gao et Ménaka et pourraient rapidement menacer Bamako, contrairement à 2013 quand l’intervention militaire française Serval l’avait sauvée in extremis. Ce ne sont pas les sociétés de sécurité privées russes et chinoises qui changeront la donne et les États-Unis ont d’autres chats à fouetter et se désintéressent du sujet. Devant cette situation, certains pays africains essayent de réagir, mais les multiples tentatives de ces dernières années qui ont échoué ne militent pas pour un optimisme béat.

Il est donc parfaitement pensable que l’EIGS cherche à un moment à lancer un appel au djihad dans cette zone et à la reconstitution d’un califat, le moment venu, à l’image par exemple de celui de Sokoto au XIXe siècle. Or, nous avons de nombreux binationaux dans tous les pays « sensibles » de cette grande zone africaine, ainsi que sur notre propre sol. Nul ne peut prévoir actuellement quelle serait l’ampleur de la réponse à cet appel de part et d’autre de la Méditerranée.

Aussi, compte tenu de la porosité du terrorisme islamiste, la reprise de la proposition de Philippe Meunier aurait pour avantages :
- de proposer une sanction morale salutaire et exemplaire ;
- d’empêcher ou compliquer tout retour sur notre territoire des djihadistes binationaux ;
- de permettre les expulsions des intéressés en cas de retour ou même avant leur départ ;
- d’introduire le crime d’indignité nationale et de perte des droits civiques pour les nationaux auteurs des mêmes crimes.

Cette initiative serait par ailleurs complémentaire d’autres mesures à prendre comme l’adoption de peines complémentaires de perte de nationalité dans les infractions de nature terroriste de notre Code pénal.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/11/2022 à 18:51.
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Philippe Franceschi
Consultant en sécurité

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Excellente idée très bien étayée. Mais je serai très étonné si cette proposition était adoptée par l’assemblée actuelle.
    LFI sera contre par idéologie islamo-gauchiste, les LR sont timorés en majorité et veulent s’associer au camp du bien, on ne peut donc pas compter sur eux. Et avec le soutien du RN cette proposition sera rejetée par le gouvernement par sectarisme.

  2. Certes plus pertinent que l’interdiction des corridas, pour ceux qui aiment les jeux cruels et mortels comme les Romains d’il y a deux mille ans, on pourrait proposer que les Barbares, Jihadistes, Talibans et autres poseurs de bombes certifiés soient mis dans l’arène avec des taureaux de combat andalous, à armes égales ! Ainsi Caron et les afficionados seraient tous comblés

  3. Sanction morale exemplaire et indignité nationale, que de vilains mots pour le parti de Macron, de la NUPES , de LR (qui n’a rien fait quand ils étaient au pouvoir) et consorts !
    Préparons les prochaines bougies et ballons blancs pour les futures innocentes victimes expiatoires d assassins programmés par les ennemis de la France, qu’ils aient la double ou la triple nationalité, ou clandestins sur notre sol ! Et laissons notre jeunesse remplir son service civique auprès de pseudo-réfugiés ou demandeurs d’asile !

  4. Effectivement il y a des sujets prioritaires qui devraient être traités par les députés au lieu de perdre du temps à parler des corridas. La corrida c’est l’ensemble du pouvoir en France. Le sujet des djihadistes binationaux est autrement plus sérieux et devrait être sévèrement traité et rapidement avant que d’autres victimes sur notre territoire payent le prix du laxisme à la française.

  5. Pour citer Cidcampeador « On peut toujours rêver……..rien ne se fera! » mais il faut quand même et sans relâche revenir à la charge.

  6. Voir l’article 23-8 du Code civil ,  » Perd la nationalité française , le Français qui , occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant leur concours …  » donc un texte existe , il ne se limite pas aux binationaux , et il n’est pas appliqué.
    La volonté politique de protéger ces gens là et leur religion est bien démontrée.

  7. Ne vous étonnez pas : les lanceurs d´alerte sur le danger islamiste, islamique musulman ( comme vous voudrez ) se font traiter d´extrééééme droaaate, d´islamophobes etc…
    Pendant que l´extréme gauche islamophile a tribune ouverte dans les medias d´Etat

  8. Il ne faut pas compter sur les guignols au pouvoir pour anticiper quoi que ce soit sauf si Van Der Layen venait à le demander.

  9. 7 ans pour réagir et rien est encore fait.
    L’inertie de l’état français ferait passer le plus gros porte-avions américain pour une mobylette.
    C’est bien évidemment volontaire, il ne peut en être autrement.

  10. Non seulement pour les djihadistes mais pour tous les citoyens la double nationalité est une aberration, d’ailleurs refusée à juste titre par beaucoup d’états dans le monde.

  11. Il faudrait tout simplement refuser la bi-(multi-)nationalité . Ils sont tous franco-« machin » pour les allocs, et très « machin » pour gueuler leur anti-France. Trop d’exemples parmi les politiques et principalement les députés.

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