[Tribune] Dans mon courrier, la petite lettre d’EDF : jusqu’à 423 % d’augmentation ! (1/2)

EDF

En visite au salon du « Made in France » le jeudi 10 novembre 2022, le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a assuré que l'État viendrait en aide aux entreprises pour faire face à la crise énergétique : « Nous avons protégé nos entreprises, notre tissu industriel pendant la crise du Covid, nous protégerons notre tissu industriel pendant cette crise inflationniste. » Dans la foulée, il promettait des aides aux entreprises pour « réduire » la facture de gaz et d'électricité.

Le même jour, EDF, propriété de l’État français, envoyait aux entreprises qui ne bénéficient pas du tarif réglementé[1], une lettre leur annonçant des augmentations substantielles : de +261 % (heures creuses en été) à +423 % (heures pleines en hiver) !

J’ai reçu cette lettre. Notre exploitation viticole a besoin de frigories pour refroidir le jus de raisin avant les fermentations alcooliques, et de calories, après, pour le démarrage des fermentations malolactiques. Selon nos calculs, l’année prochaine, notre note d’électricité devrait passer de 12.000 à 42.000 euros. À cela s’ajoutera l’augmentation du prix du verre, des bouchons, des cartons, qui tous sont liés au prix de l’électricité : à ce jour, nous tablons sur une augmentation de nos coûts de 20 centimes d’euro par bouteille. Une augmentation que la grande distribution, notre plus gros client, n’acceptera pas.

Des justifications « langue de bois »

Voici comment EDF justifie ces augmentations.

« Les niveaux de prix sur le marché de l’électricité ont connu ces derniers mois une hausse très importante sur tous les marchés européens. À titre d’information, les prix de l’électricité ont été multipliés jusqu’à 10 fois entre l’été 2021 et début septembre 2022. »

Et moi qui pensais que l’intérêt de confier la production d’électricité à une entreprise d’État était justement de s’affranchir des « prix de marché » et de vendre, plutôt, au prix de revient...

« Une crise du gaz : le gaz est l’un des facteurs déterminants du prix de marché de l’électricité car nécessaire à la production d’électricité. Or, à la suite de la reprise économique post-Covid puis à des difficultés d’approvisionnement liées notamment à la guerre en Ukraine, le prix du gaz a fortement augmenté. »

Pourtant, la part du gaz et du pétrole dans la production électrique française est de l’ordre de 7 % (contre 20 % en Europe). Comment cette « crise du gaz » peut-elle justifier de telles augmentations du prix de l’électricité ?

« Une moindre disponibilité en 2022 des moyens de production d’électricité en France en raison de deux principaux facteurs : la sécheresse qui impacte la capacité de production des centrales hydrauliques », les opérations de maintenance sur les réacteurs nucléaires « qui cumulent celles reportées à la suite des contraintes liées à la crise sanitaire Covid et les nouvelles opérations nécessaires apparues entre temps ».

Va pour la sécheresse… Gageons que les précipitations actuelles, l’hiver tardif et l’automne clément auront permis à EDF de recharger ses barrages avant l’hiver. L’hydroélectricité représente 12 % de notre production électrique.

Quant à la disponibilité de nos centrales nucléaires, le 14 septembre dernier, Réseau de transport d’électricité (RTE) envisageait une remontée significative de la disponibilité des réacteurs nucléaires, affirmant que « l’incertitude sur le périmètre des contrôles et des réparations a diminué au cours des derniers mois, ce qui constitue une nouvelle très positive pour la gestion du système ».

C’est curieux, dans sa lettre, craignant sans doute les foudres de l’Élysée[2], EDF n’évoque pas la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. C’est pourtant une des raisons principales de la pénurie actuelle ! En quelques mois, la France a fermé 12 GW électriques de centrales fossiles et nucléaires, qu’elle a compensés par seulement 3 GW électriques de centrales à gaz… et quelques éoliennes en manque de vent.

Emmanuelle Wargon, nouvelle présidente de la Commission de régulation de l’énergie et ancien ministre du Logement, admettait, sur France Info, le lundi 19 septembre 2022, que « dans la crise dans laquelle on est, on n'aurait pas pris la même décision […] car on s'est rendu compte qu'on allait avoir besoin de plus d'électricité » (sic). Gouverner, c’est prévoir, dit-on. Le projet de fermer quatorze réacteurs nucléaires[3] d’ici à 2035 est encore inscrit noir sur blanc dans la loi sans que personne n’y revienne !

« Un passage de l’hiver difficile, avec l’anticipation de fortes tensions sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité »

Pourtant, le 14 septembre dernier, RTE définissait trois scénarios. Le « scénario dégradé », avec des échanges européens limités en raison de tensions sur le gaz. Le « scénario haut », avec une disponibilité du nucléaire très élevée à 50 GW. Le scénario intermédiaire, retenu comme référence, avec un fonctionnement normal de nos centrales à gaz et une disponibilité « importante » du nucléaire. Dans tous ces cas, RTE excluait tout risque de blackout.

Bref, on ne comprend pas bien la lettre d’EDF que tout vient contredire. On ne comprend pas, non plus, pourquoi la France n’utilise pas tous les leviers dont elle dispose pour sortir de cette situation ubuesque !

À suivre...

 

[1] Le bouclier tarifaire est réservé aux entreprises dont le compteur a une puissance inférieure à 36 kVA, dont l’effectif est inférieur à 10 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 2 millions d’euros.

[2] Jean-Bernard Lévy, le dirigeant d’EDF depuis huit ans, a été limogé tout récemment après s’être montré particulièrement critique à l'égard du chef de l'État sur sa gestion du parc nucléaire français.

[3] EDF avait proposé d’étudier le démantèlement du Blayais, Bugey, Chinon, Cruas, Dampierre, Gravelines et Tricastin.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/11/2022 à 18:17.
Yves d'Amécourt
Yves d'Amécourt
Chef d’entreprise, ingénieur de l’Ecole des Mines d’Alès, ancien élu local de Gironde 2004-2021 (conseiller général, maire, président d’EPCI, conseiller régional).

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Confiez à des doctrinaires incultes et à des énarques et ou des sciences PO quoi que ce soit et vous êtes sur qu’ils vont envoyer ce qu’il gére dans le mur, en ruinant un peu plus les Français et en détruisant leur niveau de vie. Tant que cet état ne sera pas totalement purgés de ces individus, avec en plus la privation à vie de leurs droits civiques et de fonctions de direction nous continueront à aller de plus en plus vers le naufrage terminal.

  2. et le coût du kW qui sort des centrales nucléaires n’a pas pas augmenté. l’augmentation est artificielle. Encore un résultat d’une invention de la technocratie de la commission européenne. Pourtant, là bas, ils ne sont pas tous énarque ou polytechnicien ?

  3. Chers français et françaises, en votant pour un voir des incompétents il ne faut pas s’étonner. Le jour ou vous écouterez et vous soutiendrez la bonne personne, il y aura peut-être un changement à moins qu’in soit déjà trop-tard et que la pauvreté, la maladie et la guerre soient déjà à votre porte.
    Monsieur Zemmour l’a bien annoncé .

  4. Cet épisode électrique génère deux réflexions. Soit, les élections sont truckées, ce qui n’est pas forcément une idée issue d’esprits complotistes. Soit, les électeurs Français sont totalement idiots, ce qui n’est pas à exclure non plus. En effet, pour élire, puis réélire, celui qui ne pense qu’à casser, vendre à bas prix, voire donner l’industrie Française et réduire le pays à un pays du tier monde, il faut une anomalie quelque part.

  5. Il faudrait déjà retirer immédiatement les taxes sur le prix de la facture énergétique , sinon nos entreprises risquent de ne pas s’en relever . C’est là où on s’aperçoit de toute la supercherie du quoi qu’il en coûte ! On a distribué des chèques à tout va et on a fait marcher la planche à billet maintenant on n’a plus de marge de manœuvre et on paye très cher ces errements et notre dépendance à l’égard des américains et… de la Chine ! De plus les choix industriels désastreux, notamment à propos du nucléaire, nous ont fragilisés durablement car nous n’avons pas encore la solution alternative. Et dans ce contexte, nous nous sommes engagés à fournir du gaz aux allemands, et peut être même de l’électricité . Pour soutenir leur propre industrie ? Il faut que les français comprennent bien que nous n’obéissons plus à des impératifs nationaux mais à une logique à l’échelle de l’Europe . Sauf que nos dirigeants se sont bien gardés de nous le dire clairement . Nous nous en rendons compte au fur et à mesure de situations plus incompréhensibles les unes que les autres ! Bienvenus en UE !

  6. Je ne sais absolument, mais j’ai cru comprendre que les entreprises, avant la crise avaient la possibilité d’opter pour le tarif réglementé ou le tarif « libre » lié à la concurrence !
    Pendant plusieurs années le second a été avantageux, pas de problème alors !
    Maintenant, c’est l’inverse… Je suis quand même tenté de dire que l’absurde a triomphé, on ne peut postuler pour une chose un jour et après s’en plaindre…
    Ceci dit, il n’empêche que je compatis, l’affaire est salée…
    Mais il fallait s’opposer à cette marchandisation de l’électricité… et non voter pour, ou plutôt voter pour ceux qui en étaient porteurs !

    • « Mais il fallait s’opposer à cette marchandisation de l’électricité… » Pas possible. Ordre de Berlin.

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