Paris : Bugeaud rayé de la carte, bientôt le tour de l’abbé Pierre

© Paris Musées CC0
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Jean-Michel Aphatie le réclamait depuis 2019, Anne Hidalgo a réalisé son rêve : il n’y a plus d’avenue Bugeaud à Paris. Trop croquemitaine, le maréchal, dans leurs cerveaux manichéens. Que Bugeaud ait été longtemps « peu favorable à l’occupation complète de l’Algérie », qui lui paraissait coûter trop cher en hommes et en moyens, peu importe. Qu’il ait emprunté aux Arabes les moyens militaires qu’on lui reproche (les razzias « usitées et pratiquées de tout temps par les tribus arabes dans leur hostilité entre elles »), ça ne compte pas. Qu’il ait été du parti des agronomes, qui défendit le développement d’une agriculture raisonnée (en Algérie ou en Dordogne, dont il fut député), cela les dépasse.

Peu aimé des légitimistes en raison de son passé dans les armées impériales et parce qu’il garda la duchesse de Berry dans la citadelle de Blaye, peu aimé des républicains qui lui mirent sur le dos le massacre de la rue Transnonain, le maréchal Bugeaud fut surtout aimé des soldats qui servirent sous ses ordres. Et du côté de sa hiérarchie ? Contacté par BV, le ministère des Armées et des Anciens Combattants s’abrite derrière le fait que « les noms de rue dépendent de la mairie de Paris » pour ne pas commenter la débaptisation.

La mythique « casquette du père Bugeaud », devenue opérette et chanson, est au musée de l’Armée. Démontées, les plaques de l’avenue vont, elles, rejoindre le musée Carnavalet. La voie du XVIe arrondissement s’appelle désormais « avenue Hubert-Germain », dernier compagnon de la Libération. Sale coup pour la féminisation des noms de rues parisiennes, pourtant décrétée prioritaire. Le patriarcat fait de la résistance.

Exit le sabre, exit le goupillon !

En 2009, Bertrand Delanoë baptisait « Abbé-Pierre » un jardin public du XIIIe arrondissement. La rapporteur du dossier était l’élue EELV Fabienne Giboudeaux (sollicitée par BV, elle n’a pas donné suite). Ce parrainage ne protégera pas l’abbé. Premier adjoint au maire de Paris, Patrick Bloche l’assure : « On va évidemment dénommer ce jardin ». La mairie de Paris est en retard. Lescar, Norges-la-Ville et Naintré n’ont pas attendu pour déboulonner les statues de l’abbé Pierre, dont le destin posthume ressemble de plus en plus à celui du pharaon Akhenaton.

L’année dernière, encore, un de ses biographes appelait à sa panthéonisation. Au moment de sa mort, La Vie semblait regretter que l’abbé ne soit décrété santo subito… « Les critères traditionnels de l'Église en matière de béatification sont-ils encore pertinents ? », s’interrogeait le magazine. La preuve est faite que oui. Étant entendu que l’Église savait et n’a rien dit, qu’en est-il de la République ? Que savaient Bernard Kouchner ou Martin Hirsch, s’interroge Libération ? Que savait Libération, enamouré de l’abbé avec « son regard brûlant, son espièglerie, sa véhémence convaincante et son sens du tapage médiatique » ?

« Vicaires lubriques » à l’Assemblée

L’abbé Pierre a été député de la République de 1946 à 1951 (MRP, puis Gauche indépendante). À titre de document, un trait du député Antoine Avinin contre l’abbé Pierre éclaire singulièrement la question. L’abbé Pierre venait de fonder un nouveau groupe à l’Assemblée. Avinin lui sortit, du tac au tac : « Le groupe des… vicaires lubriques, sans doute ? » Étant entendu que la saillie n’a d’intérêt qu’avec un bon zeste de vérité, on se dit qu’en 1950, des élus de la République savaient déjà (l’anecdote est parue dans Qui ? Détective). En 2006, alors que l’Assemblée discutait du logement social, les députés de gauche y avaient accueilli le vieil abbé avec toute la piété dont sont capables des anticléricaux. Faudra-t-il, après le jardin parisien, débaptiser la loi du droit opposable au logement, chère à l’extrême gauche, dite « loi abbé Pierre » ?

 

Article paru dans "Qui ? Détective", 26 juin 1950.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Pour ce qui est du pays que nous avons baptisé Algérie, qui se souvient que le Général républicain expédié par le Roi pour écraser ce nid de flibustiers avait exigé d’y promouvoir la langue arabe (non berbère), limité le prosélytisme chrétien, et voulu limiter cette punition à la côte maritime ? La République en décida autrement !

  2. En Politique il faut trop souvent brûler les vaisseaux qui vous ont mené au pouvoir. Ce métier devient impraticable! Manquerait plus qu’on demande au Ministre de Bercy si finement littéraire des comptes sur sa gestion de nos sous!

  3. Bientôt les statues de tous nos grands hommes auront disparues et seront toutes remplacées par des statues d’Anne Hidalgo.

  4. Cela va faire plaisir à l’omnipotent FLN au pouvoir en Algérie, qui va se réjouir de cette forme de dégradation de la figure symbolique de la conquête d’Algérie, surtout après le peitit incident diplomatique créé par Sarah Knafo à son corps défendant, qui ne savait pas que dire la vérité sur la gabegie dépensiaire de nos gouvernants au profit du régime algérien pouvait créé une affaire d’état . Surtout que l’ex commissaite au compte ne pouvait être prise à défaut pour ce qui était de sa spécialité …

  5. C’est scandaleux de faire plaisir à des personnes aveuglées par leur stupide idéologie qui détruit toutes nos valeurs et notre histoire

  6. Annecdote : J’ai fait mes classes à la caserne Niel (14°RCP) à Toulouse où, dans le salon d’honneur était exposé la fameuse casquette du Général Bugeaud et qui figure sur l’écusson du régiment. Cela se passait dans un autre siècle (1960), époque où l’on respectait ,encore, nos héros. mai 68 de ce siècle est passé par là qui a vu le commencement de la décadence française. Le désastre étant celui de l’actuel locataire de l’Élysée.

  7. Le parti des porteurs de valises continue son œuvre destructrice. A Paris les résultats de Madame Hidalgo sont remarquables. Il faudra au moins 50 ans pour réparer les dégâts. A supposer que les Français se réveillent.

  8. Tout cela est bien bête mais on ne peut mettre sur le même plan le général Bugeaud et l’abbé Pierre …

    • Quand débaptiserons nous aussi, les lieux en l’honneur de Pasteur, qui a martyrisé les bactéries. Quelle stupidité que ces gens la!

      • C’était lui aussi un pédophile comme les autres, qui n’hésitait pas à martyriser un enfant innocent, le piquant férocement trente fois de suite avec une aiguille acérée sous couvert de vaccination.

    • Les armes n’étaient pas les mêmes, mais explicitez un peu votre commentaire, pour nous dire qui vous trouvez le plus condamnable. Merci.

  9. Quelle tristesse, mon Dieu, ils recommencent à défendre l’indéfendable, ils recommencent à mettre la vérité sous le boisseau. Ils sont comme au temps de l’affaire Dreyfus, ils défendaient l’Armée au nom d’un mensonge tandis que d’autres, du même camp que l’Eglise, mettaient la vérité au crédit de la France. Le bon catholique du Paty de Clam, accusateur dreyfusard s’était suicidé par conscience. Maintenant, parce qu’une municipalité parisienne crétine qui doit son élection à un tour de passe-passe veut débaptiser Pierre, ils le défendent alors q »ils savent, que tout doute est ôté, ils savent les souffrances que ses ouailles violées ont enduré. Si Bernanos vivait, lui qui fut monarchiste, barrésien, antivaticaniste et un tantinet antisémite, ils leur dirait : « frères, la vérité est un scandale mais il est encore plus scandaleux de la cacher. » Et moi je vous crie, au nom de la douleur des victimes : revenez à résipiscence, l’Eglise mérite mieux que vos combats d’arrière-garde enfumés de mensonges, coupables de complicité.

    • Vous faites erreur sur du Paty : Il meurt en 1916 des suites de ses blessures reçues au front . Il a reçu la mention « mort pour la France ». C’est son complice le commandant Hubert-Joseph Henry qui se suicide au Mont Valérien en Août 1898.

      • Bien sûr pour Henry, je pensais que du Paty de Clam aussi…Merci de cette précision. Dreyfus, qui a fini colonel avait été protégé durant la Grande Guerre.

    • Je voudrais que vous précisiez ce que vous considérez comme indéfendable ? La conquête de la région qui ne se nommait pas encore Algérie , mais côtes des barbaresques parce que accueillant tout ce que pouvait compter la méditerranée de pirates et barbares escalvagistes, qui , à partir de là , organisaient des razzias dans tout pourtour méditérranéen ?

      • Bien sûr, mais là n’est pas le sujet. La piraterie des côtes méditerranéennes est avérée déjà sous Louis XIV et on sait que c’est à bataille de Lepante un siècle avant que Cervantes a ete capture par les Barbaresques

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