Ainsi donc Nathalie Loiseau a fait une gaffe, une boulette, une bévue. C’est la France insoumise qui a levé le lièvre et dénoncé Loiseau (il est si difficile de résister aux jeux de mots oiseux…) : lors d’un voyage de campagne à La Réunion, elle a assisté à la messe des Rameaux. Pis, c’était marqué sur le programme fourni à la presse.

Il est un fait pourtant que Nathalie Loiseau n’a jamais fait mystère d’être catholique - même si certaines de ses positions ne sont pas très orthodoxes, mais peut-être a-t-elle pris le célèbre « Choisissez-tout ! » de sainte Thérèse de Lisieux, qui est aussi le titre de son livre, pour une préfiguration du « en même temps »… -, et même catholique pratiquante. Tout le monde imagine bien, sauf la France insoumise apparemment, qu’elle doit pousser la porte d’une église de temps en temps.

Bon prince, on lui concède qu’elle avait le droit d’y aller à titre privé… mais sans le noter sur son emploi du temps. Sans doute n'avait-elle qu’à prétexter pour justifier ce trou dans son programme très serré, vouloir faire la grasse matinée, « aquagymer » dans la piscine, se faire les ongles des doigts de pied… et s’engouffrer subrepticement dans une voiture aux vitres fumées avec une grosse moustache… ou bien un casque, tel François Hollande retrouvant Julie Gayet ? Il faut cacher sa messe comme on planque sa maîtresse. O tempora, o mores. À chaque époque, ses pudeurs.

Dans ce missagate, Nathalie Loiseau a d’ailleurs plaidé coupable. Elle a invoqué « l’erreur humaine ». Un mot fort, à connotation morale qui conforte la dame dans les effluves d’encens et les vapeurs d’eau bénite dont on lui fait reproche : pour évoquer les « incidents » sur les Champs-Élysées ou les frasques de Benalla, le gouvernement use, lui, du mot très technocratique et déresponsabilisant de « dysfonctionnement ». Elle assure, pour sa défense qu’un programme rectificatif, sur lequel l’activité de la discorde n’apparaissait plus, avait été renvoyé. Qu’importe. La France insoumise traque les saints dans les cérémonies militaires, les messes dans les tournées électorales, et sa non-religion ne connaît pas la rédemption. Non plus que la prescription, d’ailleurs : en ce moment Valéry Giscard d’Estaing doit trembler. Si l’un de ces députés proposait de lui sucrer sa retraite dorée pour avoir jadis quitté ses fonctions sur une dévotion : « que la Providence veille sur la France » ?

Notez que tel Danton dans la charrette à Robespierre, il pourra crier à Mélenchon : « Le prochain ce sera toi ».
Car celui-ci, qui n’est pas le dernier à vitupérer contre Loiseau, évoquant une « laïcité dédaignée », et une « grossière récupération du christianisme », avait bien voulu confier, avant la présidentielle au magazine Famille chrétienne le nom de son saint préféré : « Je suis de culture catholique, je connais la maison ! Si je devais choisir, ce serait l’apôtre Thomas (que contrairement à Sibeth, N’Diaye, question de génération ?, il ne confond pas avec celui d’Aquin) : j’ai été bouleversé par le superbe tympan d’une église non loin de Saint-Jacques de Compostelle, ce rendez-vous si extraordinaire pendant mille ans de civilisation européenne ! Je m’y suis rendu à plusieurs reprises. On voit Thomas qui met son doigt dans la plaie du Christ. Il veut vérifier. Vide pedes, vide manus, l’encourage Jésus, dit l’Évangile. Puis il ajoute :  parce que tu as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. C’est un acte de foi. »

Ce que nous autres voyons bien mais peinons à croire, tant cela semble surréaliste, c’est le double-jeu de ce Janus laïque dont eux autres se veulent les dévots : une face dure et inflexible pour telle religion, une autre coulante et indulgente pour telle autre. Un seul élu de la France insoumise a-t-il émis la moindre objection lorsqu’un Grand débat a eu lieu à la mosquée d’Islah, à Marseille - autrement plus controversée que la petite église de La Réunion - en présence du député LREM Saïd Ahamana ?

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15 avril 2019 à 19:28

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