Marine Le Pen disqualifiée parce qu’elle a serré la main de Poutine en 2017 ?

le pen poutine

C’est curieux, le procès que l’on fait à Marine Le Pen d’avoir rencontré Vladimir Poutine en 2017. Prenez Geoffroy Didier, le garçon coiffeur de la campagne de Valérie Pécresse, qui déclarait, ce dimanche 6 mars, sur le plateau de France Info : « Marine Le Pen et Éric Zemmour se sont comportés comme des valets d’un dictateur russe, de Vladimir Poutine. » Et d’ajouter : « De ce fait, ils sont disqualifiés pour incarner le peuple français – eux qui donnent de grandes leçons sur la grandeur de la France sont en fait des affidés d’un régime totalitaire, dictatorial, qui n’est pas l’ADN de ce que nous devons porter. » Rappelons qu'à l'occasion de cette rencontre de 2017, Marine Le Pen militait pour le rétablissement de relations normalisées avec la Russie, notamment pour faire face à la menace terroriste. Une position qui était similaire, à l'époque, à celle du candidat LR François Fillon...

Puisqu'on évoque François Fillon, bien évidemment, Geoffroy Didier glisse sous le tapis les relations particulières de l'ancien Premier ministre avec la Russie. Il est vrai qu'il ne fait plus partie de la maison, qu'il est retiré de la politique, que c'était différent à l'époque, que ce n'était pas pareil, que etc. Il n'empêche qu'en juin 2021 (et non 2017 !), le candidat malheureux de la droite en 2017 devenait membre du conseil d’administration d’un groupe pétrolier russe et, en décembre de la même année, administrateur indépendant du géant pétrochimique russe Sibur, détenu par des proches du dictateur. Clément Beaune, secrétaire d’État aux Affaires européennes, avait eu beau jeu, en février, sur radio J, de déclarer que François Fillon s’était fait le « complice » de Poutine. « Attaques purement politiciennes », pour Valérie Pécresse, « attaques minables » pour Bruno Retailleau. Tout autant, au fond, que celles de Didier Geoffroy à l’endroit de Marine Le Pen.

Si l’on devait dresser la liste des responsables politiques qui sont allés serrer la main de dictateurs à travers le monde, il faudrait, ici, plus d’un article. Sans remonter loin dans l’Histoire, on se souvient de Nicolas Sarkozy, en 2007, recevant en grande pompe à l’Élysée Kadhafi, ce dernier était allé planter son caravansérail à quelques pas du Palais. Cela ne nous empêcha pas, d'ailleurs, quelques années après, d’aller le dessouder dans son repère libyen.

Puisqu’on en est aux rencontres avec Poutine, on pourrait évoquer celle de Jean-Pierre Chevènement en 2014. À cette occasion, l’ancien ministre de Mitterrand avait été décoré de l’ordre de l’Amitié en tant que représentant spécial de la France pour la Russie. Reçu sur le plateau de « C à vous », le 1er mars dernier, Jean-Pierre Chevènement est interrogé par la très politiquement correcte Anne-Élisabeth Lemoine : « Jean-Pierre Chevènement, vous avez rencontré Vladimir Poutine en 2014, une longue conversation, un échange de plus de quatre heures. Aujourd’hui, vous ne le reconnaissez pas, le Vladimir Poutine que vous avez rencontré, avec qui vous avez échangé, qui vous paraissait cohérent, à l’époque ? » D’emblée, la journaliste pose poliment le cadre de cette rencontre, qui pourrait sentir rétrospectivement le soufre, en posant une question qui contient la réponse. On pourrait peut-être poser, par honnêteté intellectuelle - mieux, par honnêteté tout court - la même question à Marine Le Pen. Avec les mêmes termes, sur le même ton : des mots et un ton qui ne disqualifient pas et ne refont pas l’Histoire comme ça nous arrange aujourd'hui. Mais c’est peut-être beaucoup demander.

Mises à part ces basses polémiques, on ferait bien, d’ailleurs, d’écouter ce que dit Jean-Pierre Chevènement sur les origines du conflit en Ukraine : « Avoir un conflit gelé au cœur de l’Europe, c’était potentiellement très dangereux et, au bout de huit ans, effectivement, ça explose. » Faisant allusion à sa rencontre avec Poutine, il déclare qu’il « assume » et « revendique » d’avoir « essayé d’empêcher cette situation qui est infiniment malheureuse pour les Ukrainiens, pour les Russes, pour nous-mêmes, pour les Européens ».

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Elle peut serrer la main de Poutine : il est beaucoup moins dangereux pour la France que Macron !

  2. Bravo à Marine Le Pen d’avoir serré la main du Président Poutine. C’est un chef d’Etat qui défend son pays. Il y va fort avec l’Ukraine, mais il n’est pas le seul responsable. Quand on bafoue les accords pris, il faut bien s’attendre à ce qu’à un moment ou à un autre ça pète ! est-ce qu’il y a des reproches faits aux candidats ayant serré la main du Président Biden ?

  3. Marine Le Pen serre la main de Poutine. C’est un peu stupide, je l’avoue et cela sert surtout la propagande de Poutine. Mitterrand accueillait Jaruzelsky, Macron à reçu Poutine à Versailles, Sarkozy n’a pas été irréprochable avec Assad et Khadafi Marchais s’asseyait à côté de Videla. Tout est bon à prendre pour la presse d’opinion. Malgré tout, il faut bien être conscient que nous avons besoin de la Russie. De Gaule savait très bien distinguer le respect des peuples et leurs dirigeants.

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