Le SNU est-il si rébarbatif qu’il faille payer des influenceurs pour en faire la promotion ?

Gabriel Attal

Le SNU (service national universel) est la marotte du Président Macron. Les premiers volontaires (2000) l’ont étrenné et, depuis, les critiques fusent, notamment à gauche. L’UNEF est vent debout contre cette initiative. Ce syndicat est gêné par les aspects militaires du SNU : la « Marseillaise » chantée sans cesse, le lever des couleurs, les rassemblements (même sous un soleil ardent, ce qui a provoqué 20 évanouissements lors de la canicule).

Après avoir interrogé les premiers volontaires, les médias sont partagés : certains journaux parlent d’une expérience inoubliable ; en revanche, d’autres affirment que ce mois n’a servi à rien. En tout cas, beaucoup d’étudiants vont s’opposer au SNU, surtout que, selon les sondages, à peine un jeune sur deux serait favorable à ce stage. Perdre un mois de vacances (quinze jours en caserne, complétés par un stage non rémunéré de deux semaines dans une association) constituera, aux yeux d’une grande partie des jeunes, une insupportable perte de temps.

En outre, caser ce stage deviendra vite un problème insoluble : 450.000 jeunes par génération poussent leurs études jusqu’à bac plus 4. Ils devront effectuer leur SNU pendant leur scolarité. Il n’y aura jamais assez de places pour eux en juin, juillet, août ou septembre. Or, pour éviter les surcoûts, le nombre de jeunes faisant ce stage doit être le même chaque mois et il est impossible, pour un étudiant, de manquer quatre semaines de cours pour satisfaire à ses nouvelles obligations : la thrombose est donc proche.

Tout s’est bien passé pour les précurseurs du SNU du mois de juin 2019, car il s’agissait de volontaires, dont un grand nombre voulaient intégrer l’armée. Quand 300.000 réfractaires seront « embrigadés », les incidents, les rébellions se multiplieront et le SNU d'Emmanuel Macron risque de sombrer dans le chaos. Déjà fleurissent des articles : « Le SNU sera-t-il obligatoire pour tous ? » « Existera-t-il comme pour le défunt service militaire des exemptés ? » A priori non, mais Libération, qui s’interrogeait sur ce sujet dans sa rubrique « CheckNews », estimait que si le SNU se généralise comme prévu, 100.000 jeunes échapperont, pour une raison ou une autre, à ce nouveau service.

En outre, plusieurs quotidiens et magazines rapportent ce qui risque peut-être de devenir un scandale (mais tout dépend le retentissement que les médias donneront à l’affaire) : Gabriel Attal, le secrétaire d’État qui chapeaute le dispositif, aurait engagé, pour faire la promotion du SNU, au moins trois jeunes influenceurs très connus, des adolescents qui sont suivis par plusieurs dizaines milliers de leurs camarades sur Internet et dont les opinions ont une grande importance.

On ignore si ces influenceurs ont été rémunérés ou pas. Sans doute, sinon ils n’auraient aucune raison de faire plaisir à M. Attal, mais leurs services n’ont pas nécessairement été rémunérés par de l’argent, mais peut-être par d’autres moyens. Les autorités doivent sentir que le SNU est bien mal engagé et qu’une fronde contre lui va éclater. Il n’est pas sûr qu’il soit, un jour, généralisé, surtout qu’il coûtera 2.000 euros par jeune. Ne serait-il pas plus efficient de leur donner cette somme à chacun pour suivre des études ou se lancer dans la vie ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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