Georges Michel nous a prévenus : le Macron 2022 est revenu à ses fondamentaux de 2017. Emmanuel Macron ne se trompe jamais. Quant à ceux qui auraient l'outrecuidance de pointer ici ou là un revirement, une erreur, un manque d'anticipation, une incohérence, ils ont droit aux injonctions bien connues : « Qu'ils viennent me chercher » ou « Qu'on ne vienne pas me chercher ». Et pour les grands patrons, au sens large, c'est la jurisprudence Villiers qui s'applique : c'est moi, Emmanuel Macron, ou la porte.

En cette rentrée 2022, c'est le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy qui vient d'en faire les frais. Et le parallèle est éloquent car EDF, c'est un peu notre autre armée, dans cette guerre énergétique qui n'est pas née avec Poutine d'ailleurs. Mêmes enjeux de souveraineté, d'indépendance. Reposant, d'ailleurs, sur le nucléaire. Mêmes cadres formés dans nos grandes écoles : Jean-Bernard Lévy est un X, le Saint-Cyr de nos capitaines d'industrie. Et donc, aujourd'hui, sous Emmanuel Macron, même conflit entre ces grands serviteurs de la France et le pouvoir politique. Le général de Villiers comme le PDG d'EDF ont osé dire que face aux enjeux et aux menaces ils n'avaient pas les moyens de maintenir l'outil dont ils ont la charge à un niveau de performance suffisant.

Lors de l'université du MEDEF fin août, Jean-Bernard Lévy a explicitement dénoncé la politique énergétique des Présidents Hollande et Macron, « encore en vigueur » selon ses mots, conduisant à démanteler notre parc nucléaire et dont l'arrêt de Fessenheim est devenu le symbole. La foudre de Jupiter n'a pas tardé à s'abattre sur lui : sans le nommer, le président de la République s'en est pris vertement au PDG d'EDF dont le propos serait « faux » et « irresponsable » en déroulant sa version des choses, tout à son avantage. Et toute la presse discute désormais de la succession du PDG, certes prévue pour 2023, après ses deux mandats historiques, mais qui va, comme pour le général de Villiers, s'opérer dans des circonstances tendues et qui ne réglera pas le lourd contentieux entre l'entreprise et son principal actionnaire, l'État. On comprend que le choix de l'exécutif se porte donc sur un profil plus politique qu'industriel, Luc Rémont en l'occurrence. On comprend aussi qu'il soit urgent pour l'exécutif d'accélérer le remplacement de ce PDG qui n'a plus de carrière à faire et qui a trouvé un peu de courage pour défendre son entreprise et mettre les décideurs politiques devant leurs responsabilités et leur bilan.

En effet, la gesticulation jupitérienne voudrait faire accroire que la colère de Macron n'est que la juste réponse à la sortie de Jean-Bernard Lévy. Mais le conflit est plus ancien et plus profond : bouclier tarifaire insupportable financièrement par l'entreprise, mises en cause de sa gestion par l'exécutif, problèmes structurels d'EDF. On comprend que face à ces enjeux colossaux et à cette nouvelle démonstration d'irresponsabilité de chefs politiques louvoyant au gré de l'idéologie, les candidats à un poste naguère convoité ne se bousculent pas.

Mais qui est dupe du scénario macronien consistant à faire porter le chapeau au PDG d'EDF qui n'a fait qu'appliquer la politique voulue par son actionnaire, l'État ? En tout cas, pas les parlementaires un peu au fait de ces questions interrogés par Public Sénat. Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice rattachée au groupe communiste : « La première responsabilité, c’est celle de l’État, qui est clairement dans une fuite en avant. On ne peut pas dire qu’EDF n’avait pas travaillé sur les nécessités financières sur le grand carénage, c’est l’État qui a tergiversé et a fait l’autruche sur les besoins financiers, puis a trouvé un bouc émissaire qui est le PDG d’EDF. » Sophie Primas, présidente de la commission des Affaires économiques du sénat (LR) : « M. Lévy n’a cessé d’alerter sur les difficultés générées par la politique énergétique décidée par Mme Royal quand Emmanuel Macron était conseiller économique de François Hollande, puis ministre, puis Président : sur le mécanisme de l’ARENH, sur la fermeture des centrales, le discours antinucléaire et ses conséquences sur la perte de compétences. Les remontrances publiques d’Emmanuel Macron sont scandaleuses. Si M. Lévy a des responsabilités que je ne connais pas, le Président pouvait le remplacer sans l’humilier de la sorte. Cette attitude est irresponsable, qui va prendre le risque de diriger cette entreprise ? Je suis sidérée par tant de culot et de déloyauté. »

Nous aussi.

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11 septembre 2022

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70 commentaires

  1. Les menteurs et les fossoyeurs de la France devront être mis en accusation. La Haute Cour devra juger et condamner. Ce ne sont pas les basses manœuvres d’élimination des lampistes qui dissimuleront encore longtemps ces cas de haute trahison.

  2. M. Levy grand commis de l’État doit se défendre publiquement. Il doit forcer Macron à reconnaitre ses incohérences en ce qui concerne l’avenir du nucléaire dans notre pays. Si Macron le démissionne, il doit oublier sa réserve et accepter les invitations des médias pour attaquer la girouette qui est malheureusement notre Président. Il faut aller au front. Il a tout à gagner.

  3. qui s’étonne encore du procédé ? combien de naifs ? quand les français comprendront que celui qui doit etre débarquer c’est le macron !

  4. Comment ne pas destituer un tel individu qui accumule les fautes graves , les erreurs , qui ruinent et bradent ce pays , qui ouvrent la porte à nos assassins .Le peuple qui le paie devrait avoir le pouvoir de le licencier pour fautes très graves mais hélàs certains ont voté pour lui et lui ont accordé un second mandat .Pauvre France ….

  5. l’on découvre peu à peu que Macron, outre son incompétence reconnue de chef d’état, n’est qu’un arriviste, un opportuniste doté d’une vanité et d’un orgueil démesuré particulièrement nocif pour notre pays surtout en ce qui concerne le conflit russo-ukrainien car avec ce vat-en guerre, ce chef des armées qui n’a même pas fait de régiment, la France est vraiment mal barrée.

    1. « On » met beaucoup de temps pour découvrir ce qui se voyait comme le nez au milieu de la figure dès 2012 et encore plus lors de son passage comme Ministre de l’Economie. Même Bayrou avait prévenu fin 2016 ! Et « On » paye cher ! Très cher.

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