La cuisine lyonnaise de Gérard Collomb, ou l’art d’accommoder les restes
En 1816, le poète lyonnais Joanny Carmouche, membre de la Société épicurienne de Lyon, écrivait : « Les desserts se mangent/Les couverts se rangent/Les femmes s’arrangent… » Les politiciens aussi s’arrangent. La preuve : le maire sortant de Lyon, Gérard Collomb, socialiste depuis tout petit, marcheur de la première heure, vient de passer un accord avec les LR de la capitale des Gaules pour le second tour des élections municipales et métropolitaines.
Alliance improbable ou prévisible, contre-nature ou coulant de source : les avis sont évidemment partagés. Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qu’on n'entend guère depuis son accident technologique aux élections européennes de 2019, a donc rencontré, mercredi, Gérard Collomb. Probablement pas pour débattre sur la question délicate du vin qui convient pour accompagner le saucisson brioché.
« Quand le lion est mort, les chacals se disputent l’empire. On ne peut pas leur en demander plus qu’aux fils de Charlemagne », philosophait Me Folace, dans Les Tontons flingueurs. Aujourd’hui, on ne prend pas la peine d’attendre que le corps soit refroidi et il est certain que l’escapade ministérielle du vieux lion, de 2017 à 2018, aura aiguisé les appétits des seconds couteaux et favorisé les divisions. D’ailleurs, un livre ne suffirait pas pour raconter les guerres picrocholines autour de la succession de « mon Gégé », comme l’appelait à l’époque héroïque Emmanuel Macron.
Donné favori, Gérard Collomb aura sans doute mené le combat de trop, en mars dernier, puisqu’il n’est arrivé qu’en troisième position, derrière EELV et les LR, tant à l’élection municipale (14,92 % pour son poulain Yann Cucherat) qu’à l’élection métropolitaine (17,29 % pour la liste qu’il conduisait lui-même). En tête, les écolos avec 28,46 % à Lyon, et 22,62 % à la métropole, conséquence probable de la boboïsation ou gentrification de cette ville qui n'a plus rien à voir avec celle qui, jadis, comptait les points entre la colline qui priait, Fourvière, et la colline qui travaillait, La Croix-Rousse. Les LR, eux, dans ce scrutin du 15 mars, ont obtenu à Lyon 17,01 % et à la métropole 17,67 %. C'est donc une déroute pour celui qui trônait, place des Terreaux, dans le fauteuil d’Édouard Herriot depuis 2001, si l’on excepte ses deux années au ministère de l'Intérieur, et qui dirigea la métropole de Lyon de 2015 à 2017.
Face à la menace écolo, Gérard Collomb se tourne donc vers sa droite. Une sorte de front républicain renversé ! Dans cette ville, arrosée par trois grands fleuves - le Rhône, la Saône et le Beaujolais, comme l’écrivait Léon Daudet -, on serait donc passé maître queux dans l’art d’accommoder les restes électoraux : 17,01 % + 14,92 % = 31,93 % et 17,67 % + 17,29 % = 34,96 %. C’est plus que les écolos n’ont fait le 15 mars. Sauf qu’en politique, ça ne marche pas toujours comme ça. Ça peut faire plus comme ça peut faire moins. C’est tout le mystère de la gastronomie car ce qu’on a concocté en cuisine politicienne ne plaît pas forcément au client qui reste roi.
L’ironie de l’histoire, c’est que dans cet accord, le LR Étienne Blanc, qui retire sa candidature comme tête de liste à la mairie de Lyon au profit de Yann Cucherat, poulain de Collomb, fut le premier lieutenant de Charles Millon et noua des alliances, en 1998, avec le Front national pour faire élire son mentor à la présidence de la région Rhône-Alpes. Gérard Collomb, alors conseiller régional, s’était opposé à lui. De la vieille histoire, me direz-vous... Toujours dans le registre de l'ironie, notons cette déclaration de Gérard Collomb qui, de son côté, retire sa candidature à la métropole au profit du LR François-Noël Buffet : « Aujourd'hui, nous voulons une union pour affronter la crise et permettre la reconstruction de Lyon. » Après plus de 18 années de règne collombien, Lugdunum serait-elle en ruine ?
Question subsidiaire : les LR lyonnais seront-ils exclus pour avoir accepté de faire sauce commune avec le premier des marcheurs ?
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