« Islamophobie » : le mot qui tue la chose

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« On a le droit d’être islamophobe », a lâché Henri Peña-Ruiz, docteur en philosophie et agrégé de l’université, dans la conférence qu’il a animée pour le compte des universités d’été de La France insoumise qui se sont déroulées, à Toulouse, entre le 22 et le 25 août. Piégé par une vidéo tournée en interne et diffusée aussitôt sur la Toile, le spécialiste des religions et de la laïcité s’est retrouvé obligé de se justifier en affirmant que le même droit prévaut pour, entre autres, l’« athéophobie » et la « cathophobie ». En réalité, ces mots de Peña-Ruiz ont été sacrifiés sur l’autel de l’islamo-gauchisme de LFI, celui-ci étant en vogue depuis le discours de Jean-Luc Mélenchon tenu à Lille, le 30 octobre 2018. Dans ce discours, le tribun avait commencé à rompre avec les principes de L’Avenir en commun, programme fondé sur un républicanisme authentique, c’est-à-dire transpartisan et patriotique. Grâce à ce projet, le candidat Mélenchon avait flirté avec les sommets, espérant même être qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle d’alors, avec 19,58 % des suffrages exprimés.

Ce qui lie Peña-Ruiz et Mélenchon est, bien entendu, la conception proprement révolutionnaire du rapport au spirituel depuis la chute de la monarchie française, en 1789. D’ailleurs, dans sa position de chercheur en la matière, Peña-Ruiz a collaboré avec Franc-Maçonnerie Magazine. Seulement, le schisme a atteint, à présent, son comble entre ce positionnement classique d’une gauche sociale et républicaine et celui qui est issu des universités californiennes, ces dernières ne raisonnant qu’à coups de « genrés » et de « racisés ». Mais les principaux intéressés ne veulent pas reconnaître que ce nouveau courant, incarné par Clémentine Autain et Danièle Obono – malgré toutes les circonvolutions de ces dernières pour tromper leur monde dans les médias –, est devenu majoritaire au sein d’un parti créé, initialement, pour prendre la défense des ouvriers et des petits salariés. Encore et toujours, la sociologie est à la politique ce que la métaphysique est à la physique.

Les départs, notamment, de Djordje Kuzmanovic, d’Andréa Kotarac et de Liêm Hoang-Ngoc (entre novembre 2018 et mai 2019) sont inhérents à ce changement de cible sociologique, si ce n’est clairement ethnologique. Pour autant, il relève de l’éthique la plus élémentaire de juger, non pas l’individu au regard de ce qu’il est, mais les masses au regard de ce qu’elles font. Dans L’Éducation morale, le sociologue Émile Durkheim avait démontré dans quelle mesure « nous sommes agis plus que nous n’agissons ». En attendant, indigénisme oblige pour la gauche californienne de l’Hexagone qui tient à enfermer son contradicteur dans le camp des méchants en s’appropriant le terme d’« islamophobie », ce trésor de guerre idéologique profitant aux salafistes.

Les dictionnaires eux-mêmes tombent dans le panneau, en l’occurrence le Larousse, en parlant ici d’« hostilité tant à l’endroit de l’islam que des musulmans ». Pourtant, bon gré mal gré, l’angoisse est mobilisatrice et reste la maîtresse de toutes les sciences. Alors, si le doute n’est plus permis à l’encontre, non pas des personnes, mais des dogmes dictant leurs lois aux groupes, c’est la France républicaine en elle-même qui mourra de sa belle mort, celle-ci ayant refusé, depuis 1983 et la célébration du droit à la différence via « la Marche des beurs », de discerner l’ami de l’ennemi (tel Carl Schmitt) au nom des éternels bons sentiments droit-de-l’hommistes.

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Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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