Il y a déjà cinq ans, Jean Raspail embarquait « au-delà de la mer »…

Que reste-t-il de Jean Raspail ? La prophétie de l’invasion migratoire, la Patagonie et le royalisme...
JEAN_RASPAIL_2016

Au cœur d’un mois de juin 2020 sans âme, stupidement saturé par les premières mesures de lutte contre le Covid-19, Jean Raspail avait tiré sa révérence. En silence, presque centenaire, « en avant, calme et droit », le prophète de la postmodernité apocalyptique s’en était allé, comme dégoûté par une époque qui n’avait pas grand-chose pour convenir à son inextinguible soif de panache et de grands espaces.

L’auteur de ces lignes se souvient de l’avoir croisé, lors d’une séance de dédicaces, un an avant sa disparition. Il était en pleine forme, bien sûr. Casquette de tweed, moustache de mousquetaire, il avait pris l’essentiel avec lui : un fume-cigarette, une flasque en argent qui devait contenir un quelconque remontant et une chemise cartonnée, à élastiques, dans laquelle il rangeait Dieu sait quoi. Assis entre Philippe de Villiers et Jean-Pax Méfret, à la fois souverainement digne et totalement libre, Raspail signait ses ouvrages à la chaîne, avec bonne humeur et patience, comme un patriarche bénévole. Son public attendait longtemps, sans un signe d’exaspération, de recevoir, sur la première page de Sire ou du Camp des saints, quelques mots de la main du maître. Une demi-décennie a passé. Que reste-t-il de Jean Raspail ?

Le Camp des saints

D’abord la prophétie de l’invasion migratoire, bien sûr. C’est ce qu’il y a de plus universellement connu, dans son œuvre. Dans Le Camp des saints, il a décrit avec une minutie hallucinante de réalisme le déferlement, sur les côtes du sud de la France, de bateaux hors d’âge remplis de migrants agressifs qui colonisent un pays hébété, sédaté par des décennies d’humanisme niais, muselé par une presse soumise et complice, qui porte en bandoulière des idéaux destructeurs totalement détachés du réel. Écrit en 1973, ce livre magistral et glaçant n’a pas pris une ride : il est même devenu une référence pour la droite nationale dans de très nombreux pays.

La Patagonie et le roi

On aurait cependant tort de réduire l’œuvre de Raspail à ce seul ouvrage. Le poète de la grandeur martiale et de l’exploration lointaine fut aussi celui de la Patagonie. Terre de rêve, royaume des idéalistes déçus et des amoureux du beau geste, « patrie de rechange » de l’aveu des Patagons eux-mêmes, le royaume d’Orélie-Antoine de Tounens fut à coup sûr sa plus belle invention. Raspail savait de quoi il parlait, en chroniqueur impitoyable et désespéré des peuples disparus, comme ces Alakalufs dans Qui se souvient des hommes, dont il ne reste aujourd’hui – ça aussi, très raspalien - qu’une statue commémorative en plastique sur un îlot au large d’Ushuaïa. Il y eut aussi cet autre rêve qu’est le royalisme, magnifiquement exprimé dans Sire, qui continue de faire respirer l’idée royale dans le cœur de la jeunesse ardente.

« Sortis de leurs livres, les écrivains n’ont rien à dire ! », tempêtait son personnage principal (qui ne lui ressemblait que trop), dans Les Yeux d’Irène - peut-être son meilleur roman. Raspail aurait peut-être montré le même agacement face aux hommages de tous ses lecteurs orphelins : un écrivain n’est visible du public que par ses livres, c’est tout. Qu’importe. Qu’il nous soit cependant permis de lui témoigner une nouvelle fois notre immense gratitude. On se replongera avec joie dans cet entretien avec Charlotte d'Ornellas pour BV, en 2016, qui nous le rendra, intact, tel que nous ne l’oublions pas.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Jean Raspail a bien dit « guerre civile inévitable » j’ai tendance a lui faire confiance……..

  2. Suite à mes cours sur Qui se souvient des hommes J’ai reçu Jean Raspail en 89 au collège Henri IV de Meulan, les élèves l’ont interrogé au CDI avec passion, il leur a répondu très franchement et très sympathiquement, des photos ont été prises. Des collègues étaient là également, ce fut un grand moment de communication et de sincérité !

  3. A l’époque il cria dans le désert . La foule abêtie ne voulait pas l’entendre et continua de voter consensus ou de s’abstenir. Elle a mérité le résultat !

  4. En 73 j’étais jeune, et lisant Raspail et son camps des saints, je pensais lire un bon livre de « science fiction »….au sens littéral du terme. Un livre qui, à dix ans et plus, font toute la place, à notre imaginaire, à nos rêves, à nos angoisses parfois.. Alors, Raspail ‘visionnaire » c’est une certitude. Prophète sans doute pas malheureusement. Sinon, sans doute aurait-il écrit que le danger à partir de 1981 et durant les 40 années suivantes, toutes foncièrement à gauche, viendrait bien d’avantage de l’intérieur que de…l’extérieur.Ou de ceux présidant à l’intérieur, avec un regard toujours tourné vers les autres !

    • Titi, relisez-le et vous changerez peut-être d’avis. Vous aussi vous verrez que c’était réellement un visionnaire. Nul n’est prophète en son pays mais Jean Raspail en était l’exception. Venant de l’extérieur, le danger s’installe à l’intérieur. Et en 1981, le danger était bel et bien dans nos murs. Et ça continue…

  5. Il reste beaucoup de lui..ses prédictions qui se réalisent.
    Je l’avais rencontré sans oser lui parler.il me semblait qu’ en face de lui tout ce qu’on pouvait dire devenait insignifiant. Il représentait l’élégance d’une France disparue avec des vertus oubliées qui apparaissent ringardes.

    • Non ? Lanceur d’alerte car depuis 62 et même avant les Pieds-Noirs avaient averti. Mais comme ils étaient des esclavagistes, personne ne les a entendus. Et encore aujourd’hui.

  6. Jean RASPAIL, un grand écrivain et un grand aventurier comme le dit si bien Sylvain TESSON.

    • C’est le premier que j’ai lu , les autres ont suivi , toujours émerveillé par son style et sa pertinence , je le relis de temps à autre

  7. « Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée », un livre qui résume, à mon sens, ce que Jean Raspail pensait de notre temps. Illustration de son « Jeu du Roi’.
    Mais aussi « Les tambours sur la neige », « Hurrah Zara », « La hache des steppes « …

  8. Comme Jules Verne, Jean Raspail dont j’ai lu le livre « Le camp des saints », était un visionnaire. Bien d’autres personnes l’ont aussi été un peu plus tard,je pense à Jean Marie Le Pen « qui a eu le tort d’avoir raison trop tôt « comme on dit .En fait,il n’a pas eu raison trop tôt,il a eu raison dans le temps normal et si on l’avait écouté,tout comme Philippe De Villiers,nous n’en serions certainement pas là aujourd’hui. Seulement, une parole dit qu’on ne se moque pas de Dieu et ce que l’homme a semé il le moissonnera aussi. Les électeurs ont semé dans le champ des politiques,des graines d’épines,de ronces,de mauvaises herbes et d’orties en espérant y récolter des fruits délicieux, et bien non, la moisson est au centuple de ce qui a été semé. Mais apparemment, nombre de français aiment se faire piquer par des épines,des orties,des ronces et s’assoir dans des mauvaises herbes où ils attrapent des tiques en plus. Je ne sais pas ce qu’il faudrait pour que les 20% qui font pencher la balance du même côté change d’avis.

    • Entièrement d’accord avec vous, mais c’est au tour de ZemmourKnafo d’avoir raison trop tôt et pourtant la litanie des médiocres au pouvoir continue ! Ces deux-là au pouvoir ne se laisseront pas impressionner par les gauchistes

      • Je n’ai rien contre Zemmour mais pour être élu dans 2 ans il devra obéir à Bruxelles puisqu’il ne propose pas la sortie de l’Union européenne
        Et la politique migratoire sera la même qu’ aujourd’hui

    • Je suis d’accord avec vous parce que je pense que le ver est aussi dans le fruit .
      Les français ont fait un pacte avec la société de consommation qui les empêchent d’être complètement lucides . le veulent ils seulement ?
      Où veulent ils jouir sans entrave des biens multiples que la société moderne leur fournit ?
      Sauf que ces biens ont un coût et qui dit coût dit crédits qui lient la plus grande partie de la population à des obligations qui s’enchainent .
      Ce sont des pièges dont les principales victimes n’ont pas conscience qu’elles le sont et ne veulent surtout pas voir comme les petits singes pas si sages qui chacun se cache soi les les yeux, se bouche les oreilles et s’impose de ne pas dire.
      1973, c’est l’année de la publication du camps des saints , mais aussi l’année où j’ai commencé à travailler et celle du premier choc pétrolier . Et cette période a inauguré l’habitude des politiques d’évoquer le mot crise pour tout et n’importe quoi, ce qui leur permettra plus tard de clôturer tout débat parce que les choses sont comme cela et on ne peut rien y faire. Début de l’impuissance de la classe politique .
      L e vrai virage a été celui libéral de Mitterrand en 1983 qui a débuté l’ère de l’imposture , que ce soit Chirac qui a utilisé son prétendu attachement au Gaullisme pour tromper son camp , puis Sarkozy qui s’est donné des allures de Lepen pour ne surtout rien changer mais surtout ne pas faire confiance au peuple lors de la seule occasion où il a pu le faire pour ensuite passer la témoin au socialiste ennemi de la finance qui choisi comme ministre des finances , un banquier young leader qui a les dents qui raclent le parquet avec l’impatience de montrer au monde entier qu’il allait voir ce qu’il allait voir. Et bien on a vu !
      Le fil conducteur invariable de tous ces imposteurs c’est … l’immigration de remplacement formule de Renaud Camus qui n’est pas un visionnaire mais qui dit ce qu’il voit et don on lui reproche d’avoir des yeux pour voir !

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