Le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy (LREM), a prévenu que l’immunité des députés serait levée en cas d'obstacle à la justice en matière de harcèlement sexuel, dans un entretien au Parisien publié mercredi : "Si jamais des députés voulaient faire obstacle à la justice par l’immunité parlementaire, elle serait levée."

Cela peut paraître un simple rappel, car cette levée d’immunité est là justement pour permettre à la justice de faire son travail en suspendant l’inviolabilité qui protège l’élu au cours de son mandat pour des actes commis en dehors de sa fonction.

La remarque de François de Rugy est pourtant moins anodine qu’il n'y paraît, si on se réfère aux débats qui ont eu lieu pendant la présidentielle. Philippe Poutou ayant rappelé à Marine Le Pen, lors du débat de premier tour, que "l’ouvrier, lui, n’a pas d’immunité", Benoît Hamon en a tiré les conclusions en demandant que l’immunité parlementaire soit abolie. Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a, pour sa part, déclaré le 22 juin qu’il "ne [s’opposerait] pas à sa suppression".

D’où, sans doute, l’engouement actuel pour les levées d’immunité.

Depuis 1995, il est prévu par les textes que l’immunité peut être levée non plus par un vote de l’Assemblée mais par celui du Bureau, composé de 22 députés. Or, la dernière levée d’immunité - celle de Gilbert Collard, le 27 septembre - a été votée par 21 députés sur 22, alors même que sa motivation était pour le moins contestable : "La publication par le député de photos des crimes de Daech." Seule Clémentine Autain a eu le bon sens de s’y opposer.

La plupart des levées d’immunité prononcées ont été amplement justifiées par des faits de corruption.

D’autres ont sanctionné le mensonge, comme celle de François Mitterrand après son faux attentat de l’Observatoire.

Une levée d’immunité a déjà été votée à l’encontre d’un député poursuivi pour « viol et agression sexuelle ».

Faut-il souhaiter étendre ce processus au harcèlement ?

Il faut rappeler que l’immunité, inscrite dans l’article 26 de la Constitution, a été votée le 23 juin 1789 en réaction contre l’arbitraire royal, et que le risque de voir se multiplier des plaintes stérilisant l’action de députés d’opposition et « grandes gueules » au sein de l’Hémicycle signerait le retour d'une forme d'arbitraire républicain .

Les deux premiers députés objets de plaintes pour harcèlement sexuel sont le député Christophe Arend, élu LREM, et Jean Lassalle, député non inscrit mais grande gueule s’il en fut qui, d’« aqueros muntagnos » au "Chant des partisans", a bien souvent animé de mornes débats mais s’est aussi opposé à la politique de l’actuelle majorité. Seront-ils traités différemment ?

Pour l’heure, la menace proférée par François de Rugy est assortie d’affichettes posées dans les escaliers et ascenseurs de l’Assemblée nationale rappelant en quoi consiste le délit de « harcèlement sexuel » (Art. 222.33 et 222.33.2 du Code pénal).

Bénéfice immédiat : lire ce très long texte répétitif et redondant à souhait prend le temps que d’aucuns auraient pu consacrer à marivauder…

Prochaine mesure : des ascenseurs séparés hommes/femmes ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/10/2017 à 23:29.

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27 octobre 2017 à 13:13

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