Finkielkraut et le nouvel antisémitisme

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L'époque est décidément, en politique, riche de surprises. Interrogé, le 10 juillet, sur Radio J, la radio communautaire juive, le philosophe Alain Finkielkraut a jeté un nouveau pavé dans la mare. On sait que LFI et le RN ont été renvoyés dos à dos par la majorité présidentielle après les élections législatives. « Ce ne sont pas des partis de gouvernement », a laissé tomber, d'une moue dédaigneuse, la Macronie bienveillante. On attendait donc le philosophe sur la façon dont il perçoit les deux principales forces d'opposition.

Seulement voilà : le problème des philosophes, c'est qu'ils réfléchissent. Ne comptez pas sur Finkielkraut pour hurler avec les loups. Sur Radio J, donc, il s'est dit disposé à dialoguer avec Marine Le Pen « si elle [le lui] demande ». Première sensation. Terminée, la reductio ad hitlerum. Et de poursuivre : « J'aurais de plus en plus de mal à dialoguer avec LFI », à cause de « sa complaisance avec le nouvel antisémitisme. »

Nouvel antisémitisme : le mot est bien choisi, même si l'expression est un peu connue. Terminé (encore une fois), le Front national, ses nazillons bas du front, ses membres fondateurs au passé trouble, les accusations d'antisémitisme traditionnellement associées à la droite française. Le RN ne s'est pas contenté de se dédiaboliser en purgeant ses cadres, en refondant complètement son discours et, très franchement, en aseptisant son programme. Marine Le Pen a réussi un véritable tour de force, aidée en cela par Jean-Luc Mélenchon et ses amis : l'antisémitisme est passé du côté des gauchistes. Autrefois, beaucoup de communistes (russes ou français) venaient de la communauté juive : Lénine, Trotski ou Krivine et Cohn-Bendit. La droite se jetait sur ces supposés éléments de preuve. Aujourd'hui, la droite est défendue par des Zemmour, Lévy, Finkielkraut et Goldnadel, tandis que LFI devient farouchement antisémite.

À qui la faute ? D'abord, à la conjonction entre les gauchistes (qui assimilent les Juifs au monde de la finance) et les islamistes (qui, mélangeant tout, transposent le conflit israélo-palestinien sur le sol français). Ensuite, à la passivité des pouvoirs publics, qui, à force de se focaliser sur une « extrême droite » fantasmatique, ont laissé les banlieues immigrées propager, à l'endroit de la communauté juive, une haine qu'on peine à imaginer. Il n'y a qu'à relire les auditions des frères de Mohammed Merah pour en prendre (faiblement) la mesure.

On va encore dire du mal de Finkielkraut, de bons citoyens français vont encore le traiter de « sale juif » dans la rue. Le « cercle de la raison », le plus exclusif de tous les cercles parisiens, va lui fermer ses portes. Il n'en a cure. À la manière d'Aristote avec Platon, il est l'ami du monde politico-médiatique, mais il est plus encore l'ami de la vérité. Très objectivement, malgré ses nombreux angles morts, le parti de Marine Le Pen devient, chaque jour un peu plus, un parti de gouvernement crédible et fréquentable. Avec de telles déclarations, Alain Finkielkraut ne fait que prendre acte du monde tel qu'il advient. Combien de temps LFI restera-t-elle le petit frisson bourgeois qui permet aux CSP++ de s'encanailler aux côtés des islamistes radicaux, des zadistes et des revendicailleurs de tout poil ? Pas trop longtemps, espérons-le.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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