Film : retour historique sur l’indépendance des Indes

dernier vice-roi
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 21/07/2017.

En panne d'idée de film ? Redécouvrez Le Dernier Vice-roi des Indes, un long-métrage historique relatant l'indépendance des Indes à l'issue de la Seconde Guerre mondiale après trois siècles de domination anglaise.

Bien des écueils attendaient Gurinder Chadha, au moment de réaliser Le Dernier Vice-roi des Indes.

Le film, en effet, ne se contente pas d’évoquer l’émancipation, en 1947, du peuple indien après trois siècles d’occupation étrangère, mais s’attarde longuement sur le rôle joué par Lord Mountbatten afin de préparer au mieux le départ des Britanniques, dans un contexte où les tensions interconfessionnelles ne pouvaient qu’aboutir à la partition du pays.

Avec la création du Pakistan par les Britanniques, réclamé par les leaders musulmans, ce sont près de 14 millions d’individus – toutes confessions confondues – qui durent migrer de part et d’autre du territoire pour éviter le conflit religieux. Soit le plus grand mouvement de populations qu’ait connu l’humanité.

Arrière-petit-fils de la reine Victoria, cousin du roi George VI, Lord Mountbatten nous est dépeint dans le film comme un militaire, un pragmatique peu rodé aux manigances de la politique qui se retrouve, la mort dans l’âme et consciencieusement, à décider du sort d’un peuple dont il ne maîtrise ni la géographie ni la sociologie ni même, simplement, la culture…

Avec amertume, le dernier vice-roi des Indes, comme le désigne le titre du film, prendra conscience, au fil du récit, d'avoir été manipulé en suivant à son insu une feuille de route élaborée, deux ans auparavant, par Winston Churchill qui, par intérêt géopolitique opposant l’Angleterre à l’Union soviétique, avait déjà prévu la partition du pays et le tracé des frontières nouvelles.

Pour le rôle-titre du film, on s’amuse de retrouver l’acteur Hugh Bonneville qui, après son rôle remarqué de Lord Grantham durant les six saisons de Downton Abbey, se voit définitivement adoubé aux yeux des Anglais dans son aura aristocratique.

La comparaison avec le feuilleton britannique ne s’arrête pas là, le film suivant un schéma similaire consistant à dépeindre les répercussions des événements sur la noblesse et les élites (anglaises comme indiennes) ainsi que sur les domestiques du palais de Delhi qui symbolisent, à eux seuls, l’ensemble du peuple majoritaire, fracturé entre musulmans, sikhs et hindous.

Ce choix de s’attarder sur les domestiques permet à la réalisatrice de décrire l’impact, sur les petites gens, de la partition du pays décidée par les élites, de donner chair à son propos. Et quoi de mieux, pour ce faire, qu’une histoire d’amour entre deux jeunes Indiens de confessions différentes ?

Le procédé est facile, mais l’imbrication de la petite Histoire dans la grande est désormais un classique du cinéma et ne manque pas d’efficacité.

D’aucuns reprocheront au film d’être trop explicatif – il permet, en effet, d’aborder la position de tous les grands leaders indiens (Gandhi, Jinnah et Nehru) au regard des événements – mais Gurinder Chadha se montre suffisamment pédagogue et synthétique pour rendre le tout comestible.

Chez elle, la partition du territoire est analysée comme un déchirement, comme la conséquence de tensions communautaires dont elle impute, avec une mauvaise foi certaine, la responsabilité aux seuls Britanniques qui n’auraient cessé, au fil des siècles, de monter les uns contre les autres. On l’a bien compris tout au long du récit, la position de la réalisatrice est celle du bien naïf Gandhi qui, refusant la création du Pakistan, souhaitait le maintien, même artificiel, de l’unité indienne, avec toutes les violences que celle-ci impliquait. Gurinder Chadha n’a pas de mots assez durs dans une interview pour condamner « les conséquences logiques de la politique de la haine et de la division ». « Ce n’est pas ça », dit-elle, « l’avenir de l’humanité ».

C’est oublier bien vite, en l’occurrence, que la politique n’a fait que suivre les aspirations naturelles des hommes…

3 étoiles sur 5

https://www.youtube.com/watch?v=oErybrt8DmY

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 13:54.

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

7 commentaires

  1. « Avec la création du Pakistan par les Britanniques, réclamé par les leaders musulmans, » et obéi au doigt et à l’œil, car on ne peut rien refuser aux musulmans qui dissimulent toujours une lame dans leurs haillons.

  2. Un documentaire m’intéresserait, un film beaucoup moins. Le film, de nos jours, privilégie la forme au fond. J’imagine qu’ici, la partition des Indes se résumera essentiellement à une histoire d’amour idéalisée entre deux individus de confessions différentes ! Sachant à quel point les castes étaient à l’époque non miscibles, le message subliminal à transposer 80 ans plus tard, prévaut.

  3. Etant une inconditionnelle de l’excellent acteur Hugh Bonneville, j’ai vu et acheté, dès sa sortie, ce film sur l’indépendance de l’Inde. J’ai trouvé somme toute que sa réalisation manquait de profondeur et m’a en quelque sorte déçue. 3/5 me semble bien refléter ce que j’en ai ressenti.

  4. Quand on ne s’entend plus, il n’y a que la guerre ou la partition pour l’éviter. Nous en serons bientôt là nous aussi

  5. Et aujourd’hui les Indiens et les Pakistanais sont venus massivement au Royaume Uni avec leur querelle religieuse , dans le cadre de la rétro-colonisation que nous connaissons nous aussi. On va aussi séparer les musulmans et les hindous sur le territoire britannique ?

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