La sollicitude pour nos agriculteurs, le temps d'un Salon, est inversement proportionnelle à leur nombre et à leur prospérité. Chaque année, on se souvient quelques jours qu'ils sont encore là, que subsiste un petit reste. Dans un sentiment de culpabilité bien compréhensible de la part d'une population qui fut, il y a quelques décennies encore, majoritairement rurale et qui sent aujourd'hui que l'illusion d'une vie urbaine et mondialisée heureuse est en train de se dissiper avec la guerre, les pénuries, les épidémies et la barbarie, toutes choses que l'on croyait définitivement rangées dans les placards de l'Histoire.

Donc, nos agriculteurs, on les chouchoute, on les bichonne. Cela peut prendre la forme d'un reportage sympa sur Mister France agricole, le jeune Tony Rondeau, qui va s'installer, lucide mais optimiste, comme éleveur au sud de Nantes. Ou la forme démagogique du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti qui, en visite au Salon, a déclaré, soudainement métamorphosé en dinosaure pompidolien ou chiraquien, qu'il ne fallait pas « emmerder » les agriculteurs. Il a en effet annoncé, ce vendredi, que la majorité allait présenter un texte de loi pour éviter aux agriculteurs des « faux procès » quand leur activité dérange le voisinage. Vous savez, l'histoire des meuglements, des coqs et des tracteurs qui dérangent.

Excellente initiative, en fait. Et l'on ne peut que saluer les propos (pour une fois de bon sens) du garde des Sceaux : « Le monde agricole, oui, il y a du bruit, des gens qui se lèvent le matin, partent avec le tracteur, et qui interdisent à d'autres de faire une grasse matinée. [...] Je le dis sur le ton badin, mais ça génère des tas de procès, ces trucs-là, et faut pas qu'on emmerde les gens qui travaillent. » Mais le fait qu'on en soit arrivé là (légiférer pour que l'agriculteur puisse continuer à travailler et les vaches meugler...) est un nouveau signe de notre déchéance. Même les fabliaux du Moyen Âge n'avaient pas envisagé l'histoire du chant du coq autorisé par un juge !

Mais quand un ministre de gauche commence par adopter une rhétorique chiraquienne et à marcher par opportunisme sur les plates-bandes de la droite, on aurait envie de lui crier d'aller au bout de sa virée au fond du terroir et du réel. D'ailleurs, Éric Dupond-Moretti, sans doute pris par l'atmosphère populiste survoltée du Salon, nous y invite : « L'idée, c'est qu'un voisin ne peut pas se plaindre de nuisances qui préexistent à son emménagement. [...] C'est pas à vous de faire l'effort. ». Cette idée de droit consacré par la préexistence, le premier occupant, quoi, le « On est chez nous », finalement, la nécessaire adaptation du nouveau venu, est fascinante à entendre dans la bouche de ceux qui ne jurent que par l'inverse en matière d'immigration. Vous pensez que j'extrapole de mauvaise foi ? Le ministre de la Justice qui veut nous imposer des migrants partout est bien celui qui a encore prononcé ces phrases historiques : « Que celui qui arrive et qui veut remodeler la campagne à sa guise et à raison de réflexes [...] urbains vienne pas vous ennuyer quand vous vous levez le matin [...] vous faire de faux procès. Si on n'aime pas la campagne, on reste en ville, et si on va à la campagne, on s'adapte à la campagne qui préexiste. »

La campagne, tu l'aimes ou tu la quittes ! Dans la course au Grand Remplacement d'Emmanuel Macron dans son propre camp, Éric Dupond-Moretti a fait, ce vendredi, un grand pas.

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04 mars 2023 à 10:05

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16 commentaires

  1. Pompidou disait déjà : « arrêtez d’emmerd… les français », on voit les résultats ! Quant aux agriculteurs ils voient passer les camions de primeurs venant d’Espagne et du Maroc bourrés de fruits et légumes pollués aux insecticides et autres pesticides sans que personne du Gouvernement siffle la fin d’une Europe hypocrite et vendue !

  2. il faut lui rappeler que les agriculteurs sont dans les territoires, et que c’est là qu’il veut mettre les migrants qu’il ne veut pas expulser. Tous les jours dans nos campagnes il y a des vols dans les exploitations agricoles, il compte bien en rajouter, faisant de ce fait chuter le % de délinquance dans les métropoles.

  3. Pensez vous que Dupont-Moretti se rend compte qu’il est d’un ridicule à toute épreuve ? Socrate a dit :  » Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des évènements ; les petits esprits discutent des gens » . Dupont-Moretti n’à aucune idée , et passe sont temps a discuter des gens .

  4. L’avocat du grand banditisme, se fait l’avocat de ceux qui travaillent la terre. Trop drôle ! Heureusement, le ridicule ne tue pas.

  5. Reste encore à voir si vraiment on « bichonne » les agriculteurs; quand on voit l’évolution de la Politique Agricole Commune pour l’agriculture française: la démolir au profit de l’Allemagne. On « bichonne » en façade et on flingue en coulisse bruxelloise. Quant au terme « emmerder », serait-ce la vulgarité petite-bourgeoise de Macron qui l’autoriserait à faire de même?

  6. Que cet individu apprenne déjà à s ‘exprimer poliment et qu ‘ il s ‘ occupe de son ministère de la justice , il y a beaucoup à faire pour y remettre de l ‘ ordre .

  7. Il va y avoir un remaniement ministériel et il va être mis à la retraite et d’autres avec lui.

  8. Pourquoi ne devrait-on pas emmerder les ruraux et pourrait-on librement emmerder les habitants des cités ? Ceux qui se lèvent tôt pour aller travailler auraient aussi peut-être le droit de ne pas être réveillés par des rodéos ou des tirs de mortier, de ne pas avoir un check-point de dealers à leur entrée, de ne pas voir brûler leur voiture ou de pouvoir sortir le soir sans être agressés.

  9. Le ministre a raison de s’opposer à ceux qui veulent  » emmerder » les agriculteurs !
    C’est vrai, ils dérangent tout de même bien moins que les non- vaccinés pour lesquels on ne s’en est pas trop privé !
    Vive la France et ses campagnes!

  10. La phrase vaut son pesant dans la conjoncture actuelle .En voilà au moins un qui n’a pas envie de bouffer du grillon . A voir jusqu’ou ira le petit monsieur pour appliquer ce qu’il dit . S’il y met autant d’ardeur que pour défendre qui on sait il y a une petite lueur d’espoir pour nos agriculteurs . Affaire à suivre .

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