Faut-il faire une croix sur la cravate ?

Faisant partie des chrétiens qui voient des symboles sataniques un peu partout, tels les pentacles tatoués sur le corps des amateurs de heavy metal, je ne m’étonne guère qu’il y ait, à l’opposé, des obsédés de symboles chrétiens. C’est ainsi qu’un haut clerc taliban afghan aurait déclaré que la cravate portée par les hommes est le symbole de la croix chrétienne et qu’elle est donc à bannir chez tout bon musulman. Je savais qu’il existait quelques anticléricaux bien de chez nous pour demander aux pharmacies d’abandonner la croix verte, mais je n’aurais jamais imaginé que la cravate pouvait être perçue comme le symbole de la croix ! Eh bien, non, j’ai envie de dire spontanément, hélas ! La cravate n’a rien à voir avec la croix sur laquelle Jésus a subi son supplice. Cet ornement vestimentaire nous viendrait de Croatie, aux siècles passés quand les cavaliers croates portaient une bande d’étoffe autour du cou. Le mot « croate » se serait francisé en « cravate », et même si la grande majorité des habitants de Croatie sont catholiques, cela ne fait pas de la cravate un symbole chrétien pour autant. Ce taliban, apparemment gardien du bon goût vestimentaire coranique, est fort marri de voir des docteurs et des ingénieurs physiciens portant cravate dans les hôpitaux d’Afghanistan. Pourtant, quelle chance, déjà, d’avoir des médecins… et des savants, et qui, de surcroît, conservent une élégance certaine.

En France, qui porte encore des cravates ? Il y a bien longtemps que les savants ne ressemblent plus au professeur Tournesol tiré à quatre épingles mais plutôt à des hippies. Il n’y a qu’à voir la tête de l’astrophysicien Aurélien Barrau pour s’en rendre compte. Son air baba cool et son aspect négligé ne l’ont pas empêché de nous intimer l’ordre de porter la muselière durant la crise du coronavirus. Comme je l’ai déjà écrit dans un précédent article ici même, il n’y a plus guère que les garçons de café qui portent la cravate ou le nœud papillon, même les notaires et les banquiers les gardent au placard. C’est bien dommage. Je le regrette d’autant plus que j’aimerais beaucoup porter plus souvent la cravate, mais à cause de mon cou fort, elle me serre le kiki et produit chez moi comme une sorte de goitre qui nuit à mon raffinement naturel et à mon élégante sveltesse. Ce n’est pas donné à tout le monde d’harmoniser sa chemise avec sa veste et sa cravate. Pour un honnête homme, apprendre à faire un nœud de cravate est un de ces rituels qui marquent l’arrivée dans le monde adulte. Réussir à nouer seul et parfaitement sa première cravate est aussi important que d’obtenir son permis de conduire.

Mais tout ce qui est chic et élégant se perd. Cependant, les vieux clichés persistent, grâce aux groupes LFI et RN à l’Assemblée nationale, où nos chers députés tiennent à montrer que la cravate est de droite. Finalement, ce clivage n’est-il pas une façon d’être conservateurs pour les uns à gauche comme pour les autres à droite ? Pour les sociologues, jamais à court d’analogies vaguement freudiennes, la cravate serait un symbole phallique de pouvoir. En ces temps de chasse à l’homme et de rejet de toute forme de virilité, il y a de quoi imaginer une collusion de fait entre les chiennes de garde et les ayatollahs talibans. Certaines convergences sont surprenantes ! Rien que pour cette raison, je ne ferai pas de croix sur mes cravates ! Et puis, que vont offrir ces dames en mal d’imagination si elles ne peuvent plus offrir des cravates à leur mari ?

Un haut responsable taliban se dit contrarié chaque fois qu'il se rend dans les hôpitaux et voit des médecins porter des cravates. Selon lui, les cravates sont des symboles de la croix chrétienne et doivent donc être éliminées. @natiqmalikzada #BanTaliban pic.twitter.com/Rmn3UCxIFT

— L'important (@Limportant_fr) July 26, 2023

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