Être ministre ne ferait donc plus rêver : on se demande pourquoi !

gabin

Lorsqu’on s’intéresse un peu à la vie politique, on devrait s’astreindre à voir et revoir régulièrement Le Président, ce film d’Henri Verneuil, sorti en 1961. Jean Gabin y incarne Émile Beaufort, un ancien président du Conseil qui, retiré des affaires, passe ses journées dans sa propriété de province à dicter ses mémoires. Un jour, Beaufort apprend, en écoutant la radio, que son ancien directeur de cabinet, le député Philippe Chalamont, joué par Bernard Blier, est pressenti pour entrer à Matignon. Retour alors en arrière, bien des années avant, lorsque le jeune Chalamont avait été impliqué dans un scandale financier qui avait coûté trois milliards à la France. Le jeune Chalamont avait tout simplement commis l’imprudence de faire des confidences sur l’oreiller à sa femme sur un projet de dévaluation. Or, « on ne dit rien à sa femme quand on a épousé une banque », fulmina le président Beaufort, ajoutant : « Ça se paye, la fortune, c'est ce qui coûte le plus cher. » Chalamont n’avait finalement pas été éclaboussé, et ce, par la seule volonté de Beaufort qui ne voulait pas ajouter du scandale au scandale. Chalamont avait donc poursuivi tranquillement son cursus honorum : la députation puis la présidence d’un groupe parlementaire qui devait, tout naturellement, le conduire à devenir ministre un jour, compte tenu du fait qu’il n’était pas plus bête qu’un autre et qu’il savait faire et y faire.

Des Chalamont, la République en a connu des tonnes. Des qui n’étaient pas forcément mariés à une banque, d’ailleurs. Devenir ministre ou même simple sous-secrétaire d’État a été le rêve de toujours et de tout politicien normalement constitué, habité d’une ambition normalement démesurée, ambition pouvant se confondre, plus souvent qu’on le pense peut-être, avec le désir d’agir pour le bien commun ou, tout du moins, pour ce qu’on pense être le bien commun. Mais si l’on en croit un article de L’Express, ce serait de moins en moins le cas. « Devenir ministre, une ambition qui ne fait plus rêver », titre l’hebdomadaire qui nous explique le pourquoi : « Contraintes liées à la transparence de la vie publique, marges de manœuvre limitées... Rejoindre le gouvernement ne fait plus rêver. » La bête noire serait donc la fameuse Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), cette autorité administrative indépendante française créée par la loi relative à la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013 après les déboires de Cahuzac qui n’avait pas épousé une banque.

Une HATVP qui va chercher le moindre pou dans la tête des hommes et femmes politiques avant de leur couper en quatre les cheveux. L’Express nous rappelle que Dupond-Moretti avait été particulièrement réticent à dévoiler son patrimoine, comme la loi lui en fait pourtant obligation, « parce que telle était sa liberté ». Monsieur a ses pudeurs. Il est vrai qu’on demande désormais aux politiques d’être totalement transparents, ce que, du reste, certains réussissent à merveille, tant ils sont insignifiants. Bonne ou mauvaise chose que cette exigence de transparence ? Après tout, on demande bien à n'importe quel contribuable, comme vous et moi, de l'être ! Et cet article de L’Express de nous relater « la difficulté de sortir du gouvernement », oubliant, on ne sait pas pourquoi, de préciser que ce n’est pas un cas général : les Buzyn, Wargon, Bourguignon, Castaner, Castex et Montchalin n’ont pas eu trop à se plaindre de leur sort, passé un certain délai de « viduité ».

Mais au-delà des tracasseries de transparence et de reconversion qui n’inciteraient pas spécialement les meilleurs à s’engager et à poursuivre dans la vie politique, et ce, jusqu'au plus haut niveau, ne faut-il pas y voir une crise plus profonde ? Celle qui affecterait nos élites ou supposées élites, qui préféreront « faire de la caillasse » plutôt que de s’engager pour le bien commun. Il suffit de regarder l’agenda d’un simple député ou d’un maire, quel que soit son bord politique, pour constater que la vie politique a une dimension sacrificielle indéniable, et ce, loin des clichés couramment répandus. On aimerait plus de présidents Beaufort que de Dupond-Moretti et, au pire, plus de Chalamont que de Cahuzac.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

16 commentaires

  1. La déclaration de patrimoine est une abomination qui attente au droit naturel de propriété en instituant la spoliation légale.
    Il faut simplement supprimer tous les impôts attentant à la propriété (taxes foncières, ISF, droits de succession et mutation vers les descendants).

  2. Oui, mais avant un ministre ne pouvait être responsable même s’il était parfois coupable, aujourd’hui, ce n’est plus possible; alors cela devient trop dangereux !

  3. « … Le Président, ce film d’Henri Verneuil, sorti en 1961. Jean Gabin y incarne Émile Beaufort, un ancien président du Conseil qui, retiré des affaires, passe ses journées dans sa propriété de province à dicter ses mémoires. … »

    Certain dise que Jean Gabin, illustre Clémenceau et son discours en 1917 sur l’antipatriotisme ». Il n’était pas encore président du conseil, mais il allait le devenir quelques semaines plus tard en novembre 1917.

    Cela peut correspondre aussi, à De Gaulle Président de la République, répondant à un député centriste de sa majorité qui lui demandait de revenir sur un texte au nom de ses amis financiers. La réponse de De Gaulle a été clair et net « Au nom de la France, je vous demande de changer d’amis, M. le Député ».

    Rassurez-vous mon Colonel, à la LFI, à ELLV, dans les sphères Wokiste-Immigrationniste, et toutes leurs « chapelles », …. vous trouverez toujours des candidats « Ministres » et « Député ». Comment voulez-vous faire passer des lois iniques « Légal et démocrate » et ainsi pouvoir traiter les gens qui s’y oppose ou qui s’inquiète des dérives … de hors la loi.

    Rappelez-vous la méthode du PACS, avant le mariage des homosexuels, avant la PMA, avant … (ah non pas encore, sauf en Ukraine).

  4. Il est vrai, être parmi la racaille ne fait plus rêver, mais la place est si chaude et agréable que malheureusement nous serons toujours gouverné par des incompétents. Vivement et espérons un changement pour nos enfants avec un jour la venue au Pouvoir d’un Monsieur Zemmour . L’espoir fait vivre même si actuellement notre pays se prend le mur.

  5. Merci à Boulevard Voltaire d’avoir relayé le une de « Libération » sur le film « Vaincre ou Mourir ». Que ce journal dont l’usage ne devrait être strictement réservé qu’à assurer l’hygiène corporel d’une partie de notre anatomie que la pudeur m’interdit de mentionner ici, condamne ce film, a suffit à me donner l’envie d’aller le voir. Voilà un temps où les hommes et les femmes, politiques ou non, républicains ou royaliste assumaient leurs convictions et les défendaient jusqu’à la mort. Je comprend que Libération condamne ce film. Il met en exergue des notions complétement oubliées et bannies : Le courage, l’honneur, le patriotisme, la religion, la foi, le respect de la parole donnée…Bref, tout ce qu’ils détestent…

    • Ce sont des termes qu’ils n’ont jamais appris en usant leurs pantalons sur les bancs de l’école de la république, nouvelle version!

  6. Cahuzac avait flirté avec une banque, mais pas une banque française. Macron a été enfanté par une autre.

  7. Un ministre doit d’abord se faire obéir de sa haute administration inamovible et invirable , qui ne lui est pas forcément favorable (vive le « spoil system »), et de toute façon son boulot ne consiste plus qu’à adapter la législation française aux volontés de l’UE. Pas passionnant…

  8. Aujourd’hui il y a plus de faux Chalamont, des aboyeurs patentés que de Beaufort vrais politiciens. L’assemblée nationale pourrait se tenir sur la Canebière à côté des poissonniers. Les comportements et tenues négligées dans ce haut lieu de la politique française démontre la régression et le niveau de certains enragés qui s’y trouvent. Bon nombre sont là comme dans une entreprise qui paye bien avec un contrat LDD. Comment défendre la patrie avec de tels personnages.

  9. Bonjour Mon Colonel … Je suis sidéré par votre conclusion qui laisse à penser que vous plaignez ces coucous politicards qui pullulent dans tous les rangs de cette caste qui se dit « élue du peuple » mais qui ne sont là que pour « se goinfrer » à la cantine de la république ! …
    Les « recasements » et les avantages sont légion pour tous ces incapables qui détruisent systématiquement la FRANCE … Les 1er sinitres ne sont pas à plaindre compte tenu des « résultats » qu’ils ont généré … Et que dire ce ces « premiers de cordée » ? ! … Dans le privé, ils seraient jetés au rebus très vite ! … Si le peuple était mis au courant de tous les « arrangements » que ces « zélites » se donnent les uns les autres, peut-être qu’il serait moins anesthésié ! …
    A la « révélation » des manigances de macron avec l’organisation d’un énième « déjeuner de propagande » avec des « professionnels » du journalisme, il est pourtant clair que ces nocifs ne reculent sur rien pour tricher !

  10. L’engagement politique ne devrait être qu’un engagement au service du bien commun, mais bien trop souvent on ne peut que constater que cette noble mission prend des allures de profit personnel. Tous les classiques se sont efforcés à démontrer les errements du politique. Celui qui en parle le mieux démontre bien que sans sens sacré pour cette fonction, la part humaine conduit toujours à des dérives coupables.

  11. Et pourtant ils se battent tant pour y arriver  » au pouvoir  » . Et ils s’y acrochent férocemment et par tous les moyens ces arrivistes . La place ne doit pas être si mal que ça , surtout quand on voit ces girouettes brasser du vent pour plaire au nouvel élu en place .

  12. Mon colonel, vous avez d’excellentes références cinématographiques.
    Dans ce film, Jean Gabin ne joue pas le rôle du Président, il est Président.
    Il émane de sa personne une autorité naturelle qu’on aimerait deviner chez notre président actuel, qui la confond trop souvent avec l’autoritarisme, qui est justement la marque de ceux qui n’ont pas d’autorité.
    Jean Gabin restera pour longtemps le plus grand acteur français et de Gaulle le plus grand président.

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