Dans son entretien récent au quotidien britannique The Economist, Emmanuel Macron a exprimé son inquiétude pour l'avenir du continent européen. Les populismes seraient-ils la cause d’une aggravation des risques ?
La mondialité connexe et synchrone dans laquelle sont désormais impliqués les peuples européens est le produit de la politique commerciale (libre-échange sans restriction et sans régulation) et de l’idéologie universaliste occidentales, d’une part, et de l’explosion des nouvelles technologies, d’autre part. Ses principaux effets rétroactifs sont le dépassement des états-nations (impuissants face aux géants chinois, américain, et aux forces du marché) et la désagrégation des sociétés du Vieux continent.

Ces deux phénomènes ont pour conséquences le désarroi de ces mêmes peuples et l’émergence en leurs seins de mouvements protestataires que l’on a pris l’habitude de qualifier de "populistes" en dépit de la variété de leurs formes et de leurs motivations (révolte sociale et/ou révolte des nations). Comme leur essor a une origine structurelle, à savoir tous les déclassements engendrés et toutes les adaptations imposées par le système mondial en place, ces mouvements ne peuvent que durer.

Dès lors, selon ce que seront (en termes de niveau, de rythme et de convergence) leurs résultats électoraux ascendants, on est fondé à penser, dans l’hypothèse de leurs accessions au pouvoir, que les actions conduites par les forces populistes iront dans le sens de la dispersion, de la dispute et, bien entendu, de la fragmentation politique. Et que c’est tout le devenir de l’Union européenne et du continent qui s‘en trouvera compromis ; la division aggravée ne permettant pas de surmonter les périls.

Cependant, on peut postuler aussi, et contradictoirement, que « la contrainte extérieure », celle que désigne le président français et qui est constituée par tous les défis et toutes les menaces réunis du système environnant, va, dans les temps qui viennent, pousser tous les protagonistes, quels qu’ils soient, vers une « fusion de leurs horizons ».

Ce qui laisse entendre deux choses. Le président Macron, qui souhaite une défense européenne émancipée de l’Otan et un rapprochement avec la Russie, s’en trouvera de moins en moins isolé parmi les dirigeants européens. Quant aux populistes s’ils parviennent aux plus hautes responsabilités, compte tenu alors qu’ils seront très vite confrontés à leurs propres limites, ils seront tenus, sous la pression du réel, de s’entendre entre eux et de conclure des alliances avec d’autres forces politiques.
Il leur faudra nécessairement composer pour réformer l’Union sans la détruire, et réorienter ses politiques, dans l’intérêt enfin bien compris de tous les Européens. En histoire, c’est la nécessité qui commande.

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22 novembre 2019 à 7:54

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