Électeurs d’Emmanuel Macron, vous allez bientôt savoir pour quoi vous avez voté

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Le ressort profond de l'élection d'Emmanuel Macron, alias Jupiter, ce fut un peu, mutatis mutandis, un exercice de théologie négative, synonyme flatteur du dégagisme : Fillon, ce n'était plus possible, Mélenchon, bien sûr que non, Marine Le Pen, surtout pas ! Donc, Macron. Ensuite, l'intéressé vous donna des gages ou des prétextes : il était jeune, c'était un homme neuf, il brouillait les clivages, il parlait de nouveau monde, etc. Il n'en fallait pas plus pour que les Français de l'époque de Kennedy ne se rejouent un petit remake. Et c'est ainsi que le corps électoral le plus âgé a élu le président de la République le plus jeune de toute l'Histoire de France.

Dix-huit mois plus tard, le Président Macron et son monde sont dans l'état que vous savez. Les responsables en sont connus : Emmanuel Macron lui-même, aidé par ses soutiens de la première heure, de Benalla à Collomb. Et c'est là le premier problème du macronisme : les hommes, les personnalités, le casting. On aurait pu croire qu'un mouvement calqué sur le monde de l'entreprise et transpartisan à l'origine réussirait à faire émerger des talents : la difficulté du Président et des siens à trouver des hommes et des femmes pour remplacer les partants, au gouvernement, à l'Assemblée ou dans le parti montre le contraire. Or, cette situation de pénurie de talents et de cadres, c'était l'un des arguments majeurs qu'on opposait à une éventuelle arrivée au pouvoir de la droite nationale : ils n'auront pas de cadres. Ironie.

Mais le second gros problème du macronisme, après les hommes, ce sont les idées, la ligne. Dans ce domaine, les deux ex-grands partis du système, PS et LR, n'ont guère de leçons à donner car c'est leur manque de ligne, leur « en même temps » justement, qui les ont fait éclater et risquent de les éloigner durablement d'une position majoritaire : le PS vient de perdre un nouveau gros bloc de gauche et les LR de Wauquiez continuent de s'éroder.

Les chefs du macronisme ont conscience de l'enjeu. Leur fragilité à eux étant accrue par leur manque d'implantation, comme l'avoue sans détour Pâcome Rupin, interviewé par Le Monde : "Nous manquons de racines historiques et idéologiques. Il faut les faire émerger car, sinon, on risque de partir aussi vite que l’on est arrivés.". Visiblement, l'heure est à la lucidité chez les cadres macronistes.

D'où la recherche d'une définition du macronisme sans Macron. D'où l'organisation d'un colloque, ce samedi 20 octobre, où think tanks, politologues et sociologues doivent accoucher d'une définition idéologique du macronisme en dehors de son fondateur. Ce sera le « progressisme ». Mais bien conscient que le concept est une coquille vide et pas très attractive, le colloque a pour titre : « Progressisme, mais encore ? »

On pourrait ironiser sur la démarche. Elle témoigne pourtant de la réactivité du mouvement à s'inventer tout en marchant. On aurait aimé que les mouvements installés depuis longtemps aient été aussi réactifs, aussi inventifs et aussi soucieux de leurs assises intellectuelles et idéologiques. Ils n'en seraient peut-être pas, aujourd'hui, là où ils en sont, qu'ils se nomment PS, LR ou RN. En effet, en dehors du travail culturel et idéologique mené par Marion Maréchal à travers le lancement de son école, on ne voit rien de tel. Finalement, il y a encore beaucoup à apprendre du macronisme.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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