Bon, Il a tranché. Il était temps. Et, reconnaissons-le, Il n’a pas traîné : neuf mois après son entrée à l’Élysée, le temps d’un accouchement. Dans la douleur ? On verra. Des années, donc, que le pouvoir – parfois le mot peut prêter à sourire - refilait le mistigri au suivant. Comme quoi il est plus facile dans ce pays de déclencher une opération militaire à 5.000 kilomètres de la métropole en engageant la vie de nos soldats que de décider si l’on sacrifiera ou pas la vie du campagnol amphibie. Je la fais courte mais en gros, c’est un peu l’impression que cela donne.

Et plus ça allait, plus ça se compliquait, se complexifiait même - comme disent les technocrates. Avouons que ce « dossier Notre-Dame-des-Landes » aura été une belle illustration de la philosophie politique du petit père Queuille appliquée à notre Ve finissante : « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ». En cela, François Hollande aura été un modèle du genre. Une épée. Et cet art accompli d’embrouiller les choses en lançant une consultation populaire dont le périmètre même était contestable – et contesté -, puisque restreint au seul département de la Loire-Atlantique !

Fallait-il, oui ou non, faire cet aéroport à Notre-Dame-des-Landes ? Personne n’en sait rien ou plus rien. C’est un truisme que de dire qu’il y a sans doute du pour et du contre. Au fond, là n’est pas la question. Il fallait trancher. Point barre. Et Il a tranché. On peut au moins Lui en savoir gré.

Maintenant, ne nous emballons pas. Il va falloir entrer dans le dur. Il va devoir entrer dans le dur. Et le dur, c’est la ZAD. Qu’il va falloir évacuer. Le Premier ministre laisse jusqu’au printemps aux occupants de la ZAD la possibilité d’évacuer « d’eux-mêmes ». Avec armes et bagages ? Une sorte de trêve hivernale. C’est quoi le printemps d’ailleurs ? Le 20 mars à zéro heure ? Lorsque les hirondelles reviendront ? Et si le printemps est pourri, vu qu’y a plus d’saisons… On en sait quelque chose avec Nicolas Hulot au gouvernement et Ségolène Royal qui mesure la banquise tous les matins du monde.

Jusqu’au printemps donc. Comme ça, les zadistes vont pouvoir peaufiner leurs défenses. Car, ne l’oublions pas : ZAD, ça veut dire « zone à défendre ». Et apparemment, les zadistes n’ont pas l’intention de « dégager » la zone. Lors du point presse qu’ils ont donné mercredi 17 janvier, après l’annonce de la décision gouvernementale, n’ont-ils pas déclaré que « ce territoire doit rester un espace d’expérimentation social, environnemental et agricole » ? De là à ce qu'ils proclament une république autonome ! En tout cas, ils semblent bien – du moins les plus déterminés – vouloir défendre la zone. « Défendre : manœuvre visant à interdire à l’ennemi de franchir une ligne ou de s’emparer d’une zone », disent les règlements de tactique militaire. Ces gens-là sont probablement antimilitaristes mais montrent en revanche de belles capacités guerrières. Check-points, zones minées, obstacles, abattis, miradors : les quelques images que l’on peut voir à la télévision lors de reportages nous montrent que ce n’est pas avec une patrouille d’hirondelles qu’au printemps on entrera dans la zone. Ajoutons à cela, un allié objectif des zadistes : les médias. Cette poésie, vieille comme le monde, du pot de fer – l’État, le seigneur, etc. – contre le pot de terre – ces « croquants » des temps postmodernes... Alphonse Allais voulait construire des villes à la campagne car l’air y est plus pur. 50 ans après Mai 68, ne va-t-on pas « gagner » un Mai 18 délocalisé en pleine campagne ?

Force restera-t-elle à la Loi dans un pays où la Loi ne semble faite que pour ceux qui obéissent à la Loi ? Chaque président, depuis 40 ans, a eu droit à sa guerre ou son expédition militaire. Emmanuel Macron n’aura peut-être pas la plus facile à conduire lorsque les jonquilles perceront.

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17 janvier 2018 à 17:08

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