Compteur Linky : les critiques ne tiennent pas debout

L’affaire Linky est exemplaire des blocages dans lesquels la société française s’englue ; elle démontre à quel point d’irrationalité est parvenu le simulacre de débat abrité et arbitré par les réseaux sociaux. Quatre types de critiques sont adressés à cet appareil qui, rappelons-le, n’est rien d’autre qu’un dispositif destiné à la facturation d’une énergie consommée.

Il est dangereux pour la santé. C’est de loin le plus stupide argument. Comme toutes les machines utilisant un courant électrique, quel qu’il soit, ce compteur induit des champs électriques et magnétiques : votre téléphone en produit, pas mal, votre plaque à induction encore plus, et l’ancien compteur également. Les centaines d’appareils qui sont dans notre entourage créent un brouillard électro-magnétique constant, avec des intensités variables, au sein duquel Linky est quasiment invisible. Faut-il supprimer les ordinateurs, les ascenseurs, les automobiles, l’éclairage public, la radio, etc. ?

Au sein de l’ignorance soupçonneuse, trois lettres mystérieuses ont fait leur chemin : CPL, pour courant porteur en ligne, sigle affublé de tous les dangers. De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’utiliser les câbles de transport d’énergie électrique pour véhiculer des informations électroniquement codées. Un peu comme si l’on se passait d’un câble d’imprimante pour la relier à un ordinateur. Mais, me direz-vous, on le fait déjà en Wi-Fi, par exemple. Eh oui, et cela produit des émissions supérieures à celles du CPL !

La technologie CPL n’a rien de nouveau : les babiphones, nombre de récepteurs ADSL et les compteurs les plus récents l’utilisent. Dans tous les cas, le rayonnement décroît fortement avec l’éloignement ; à un mètre, il est imperceptible. Linky utilise le CPL, quelques dizaines de secondes par jour, avec des intensités et des fréquences plus faibles que nombre d’autres appareils domestiques, et de toute façon négligeables au sein de l’environnement actuel.

Il est cher et payé par le consommateur. Cher, non ; coûteux, sans doute. Fallait-il que l’État prenne en charge la dépense, fallait-il le faire payer par l’entreprise, déjà fortement endettée ? Peut être, mais EDF, dont Enedis est la filiale à 100 %, est toujours sous le contrôle de l’État, donc faire payer l’entreprise, c’est faire payer l’État, c'est-à-dire nous. Or, chacun de nous a un compteur électrique, donc, de toute façon, c’est nous qui payons !

Il ne sert à rien. Si : à compter. C’est même pour cela qu’il existe. Il est, du reste, plus fiable que les anciens et plus sourcilleux sur les dépassements de capacité. En gros, votre consommation facturée sera plus exacte qu’auparavant.

Indiscutablement, Linky va servir à Enedis à avoir une vue technique d’ensemble du réseau basse tension sur lequel, actuellement, aucun capteur n’est présent. Observation, aussi, des consommations immédiates, ce qui est un enjeu écologique car cela permet de mieux utiliser les sources de production les moins polluantes.

Linky peut aussi renseigner le client sur la répartition de sa consommation journalière, et même mettre sous tension tel ou tel réseau, permettant le déclenchement au moment opportun d’appareils fortement consommateurs. Plus tard, cela fera l’objet d’offres commerciales tendant à lisser les pics de consommation qui sont coûteux en production. On peut imaginer qu’en cas de surproduction - éolienne, par exemple -, Linky sera capable de distribuer au meilleur coût le surplus.

Il nous espionne. Bien moins que nos banquiers ! C’est le seul argument qui mérite attention. Aujourd’hui, Linky se contente d’enregistrer votre consommation par plages de dix minutes, et de transmettre le résultat journalier durant la nuit. Ses capacités pourraient être augmentées pour détecter plus finement les moments et sources de consommation. Est-ce grave ? Est-ce une violation de l’intimité ? Si oui, il faut maintenir l’interdit, mais alors aussi contraindre les banques à ne pas révéler à leurs opérateurs le bénéficiaire de vos paiements, et même ne plus faire apparaître le moment exact d’une transaction…

Et puis, n’y a-t-il pas, en France, non pas un Big Brother mais de multiples grands frères infiniment plus redoutables ?

Gérard Couvert
Gérard Couvert
Informaticien

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