[CINÉMA] A Normal Family, la morale à l’épreuve de nos enfants

Les adultes s’interrogent : comment en sont-ils arrivés là ? Et jusqu’où faut-il aller pour protéger son gamin ? 
Capture d'écran BA
Capture d'écran BA

L’actualité nous renvoie régulièrement à la violence des jeunes générations. Ces derniers jours encore, nous apprenions le meurtre d’une assistante d’éducation dans un collège de Nogent-sur-Marne, poignardée par un élève de quatorze ans. Ce dernier, d’après le procureur de la République de Chaumont, n’a exprimé ni regret ni compassion…

Sorti le 11 juin dernier, le nouveau film du Sud-Coréen Jin-Ho Hur, A Normal Family, nous rappelle que cette évolution délétère de la jeunesse, si elle touche principalement l’Occident, concerne également les pays occidentalisés, y compris en Asie.

Deux frères que tout oppose

Le récit suit deux frères issus des classes supérieures de la société coréenne : un avocat et un chirurgien. Le premier pense n’avoir d’autre choix pour défendre efficacement ses clients que de faire fi de la vérité, comme de la morale. Pour lui, toute distorsion des faits, toute faille juridique sont bonnes à prendre. Une disposition d’esprit qui confine bien souvent au cynisme. A contrario, son frère, le chirurgien, redouble d’empathie pour ses patients. Le don de soi est, chez lui, une seconde nature. Il ne cache d’ailleurs pas sa fierté de participer à des missions humanitaires en Afrique.

De moins en moins proches, les deux frères décident malgré tout d’aller dîner un soir au restaurant, avec leurs épouses, afin de régler des questions importantes relatives à la doyenne de la famille, leur mère, dont la santé décline. Pendant ce temps, leurs enfants, encore adolescents, passent également la soirée ensemble, de leur côté…

Lorsque les médias font état le lendemain de l’agression d’un SDF, battu à mort dans une ruelle par deux jeunes filmés à l’aide d’une caméra de surveillance, les parents de l’un comme de l’autre reconnaissent aussitôt leur progéniture…

Un fossé générationnel

C’est la quatrième fois qu’est porté à l’écran Le Dîner, roman à succès d’Herman Koch paru en 2009, et édité en France chez Belfond. Il y eut d’abord, en 2013, Het Diner, du Néerlandais Menno Meyjes. Puis en 2014, l’Italien Ivano De Matteo réalisa I nostri ragazzi. Enfin, en 2017, l’Américain Oren Moverman proposa sa version, The Dinner.

A Normal Family adapte aujourd’hui ce récit à la sauce coréenne et emploie un ton satirique, pince-sans-rire, qui évoque aussi bien le récent Parasite, de Bong Joon-ho, que le cinéma haussmannien, plus compassé, de Claude Chabrol, réputé jadis pour tirer à boulets rouges sur la classe bourgeoise.

Un peu comme le mini-feuilleton britannique Adolescence de Netflix, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, A Normal Family se veut d’abord un récit sur la fracture générationnelle, sur l’incompréhension des parents vis-à-vis de leurs enfants, à une époque où la jeunesse en perdition passe sa vie sur les écrans, sur Youtube, les jeux vidéo et les réseaux sociaux, au point de déréaliser le réel, de déshumaniser son prochain et de se regarder le nombril inlassablement…

Néanmoins aimants, à l’écoute, soucieux de bien faire, les adultes s’interrogent : comment en sont-ils arrivés là ? Et surtout, jusqu’où faut-il aller pour protéger son gamin ?

En définitive, le film de Jin-Ho Hur nous montre judicieusement que les bien-pensants, les donneurs de leçon, ne sont pas toujours les plus vertueux lorsqu’il s’agit de trouver une solution…

3 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Bien sûr, c’est une question d’éducation ! Il y a longtemps j’ai été sur le point de franchir le pas et passer du mauvais côté … mais j’en ai été incapable. Quelque chose m’a retenu. Il est vrai qu’à la maison, on dînait tous les soirs ensemble, papa maman et les enfants, chacun à tour de rôle racontait sa journée et on pouvait parler de tout !

  2. Le plus gros problème ici est le mot NORMAL. Qui décide de la norme à suivre..et pourquoi? La liberté est elle définitivement enterrée? Le respect , l’amour d’autrui prônés depuis seulement 2.000ans ne sont-ils pas des bases essentielles de l’évolution pacifique de notre humaine civilisation qui doit dépasser le stade de la violence (AC) pour assurer sa simple survie et surtout celle de notre paradis (pollué et détruit depuis deux siècles de retour à la violence)!

  3. La bande annonce, et surtout l’histoire, ne suscitent aucune motivation pour me aller voir ce film.

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