Chacun aurait beaucoup à apprendre de Pascal, à commencer par Emmanuel Macron !

Si Macron l'admirait vraiment, il demanderait à son ministre Pap Ndiaye de le faire étudier dans tous les établissements
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Ce 19 juin, Blaise Pascal aurait eu 400 ans. Quelques médias ont évoqué cet anniversaire, même Emmanuel Macron y a pensé ! Dans un tweet posté lundi, il célèbre cette « figure majeure de notre culture ». Fort bien ! Mais cet hommage a quelque chose d'incongru chez un homme qui, à bien des égards, est aux antipodes de l'auteur des Pensées et des Provinciales.


On peut regretter que Pascal ne soit plus guère étudié dans nos lycées et nos universités. Il est tombé aux oubliettes, soit qu'on le juge trop difficile, soit qu'il pâtisse de préjugés à son égard, soit que les professeurs, à l'exception de quelques spécialistes, ne le connaissent même plus. Un grand scientifique qui fait une apologie de la religion chrétienne, qui associe la foi et la raison, voilà qui n'est plus courant, aujourd'hui. Et pourtant, Pascal pourrait passionner les élèves ou les étudiants de tous âges, il est d'une richesse incroyable pour chacun de ses lecteurs.

Écrire, comme Macron, que « ses Pensées, sa plume, ses calculs ont magnifié l’esprit français et portent un message universel entre lettres et science, géométrie et finesse, raison et imagination, sur le chemin de la vérité » tient un peu du dithyrambe, réduit à quelques mots pour satisfaire aux contraintes d'un tweet, mais cet éloge résonne comme le vide quand il vient d'un homme qui a déclaré qu'« il n'y a pas de culture française », qui confond la rigueur avec la rigidité et qui joue avec la vérité historique quand ça l'arrange ou pour paraître dans le vent.

« Qu'est-ce que l'homme dans la nature ? »

Rien de plus moderne que l'œuvre de Pascal, rien de plus actuel. Ses pensées sur les puissances trompeuses, parmi lesquelles « les charmes de la nouveauté », sur la relativité de la justice, sur le divertissement, sur la misère et la grandeur de l'homme, trouvent toujours une résonance à notre époque. Comme La Fontaine avec ses Fables, il nous a laissé des maximes universelles : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », « Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la Terre aurait changé », « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête », et bien d'autres encore. Mais au-delà de ces aphorismes, il faut se replonger dans l'ensemble des Pensées.

Emmanuel Macron aurait beaucoup à apprendre de Pascal, notamment son art de persuader. Il aurait évité bien des malentendus si, plutôt que de faire des discours grandiloquents, en usant de mots savants qui exhalent la cuistrerie, il parlait avec naturel et simplicité, s'il ne prenait les Français pour des imbéciles, s'il les faisait participer à la réflexion. Encore faudrait-il qu'il apprît qu'entre les deux infinis, l'homme n'est pas grand-chose, fût-il président de la République. Quand on est imbu de soi-même, quand on se croit le centre du monde, on a du mal à faire preuve d'humilité et à respecter autrui. S'il emprunte à Pascal, Macron lui subtilise surtout le défaut des jésuites dénoncé dans Les Provinciales, cette capacité de dire tout et son contraire, en fonction de ses intérêts.

À l'instar des grands classiques, comme Molière, La Fontaine ou La Bruyère, Pascal énonce des vérités qui sont intemporelles. Ces auteurs devraient être, comme l'Iliade pour les Grecs, les lectures incontournables des élèves. Si Macron l'admirait vraiment, il demanderait à son ministre Pap Ndiaye de le faire étudier dans tous les établissements scolaires. Il est vrai qu'au train où vont les choses, ni les élèves ni leurs professeurs ne seront bientôt plus capables de lire ni de comprendre l'homme que Chateaubriand qualifiait d'« effrayant génie ».

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

16 commentaires

  1. En fait « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » est tiré à l’origine des Essais de Montaigne. Pascal en tant que chrétien convaincu était très critique de l’humanisme de Montaigne et s’opposant à son relativisme, il insiste qu’il existe des valeurs universelles comme l’amour filial ou fraternel et même si elle ne sont pas toujours visibles, elles ont laissé une trace à travers les différentes cultures.

  2. Hélas, trois fois hélas, il est vrai que nos actuels ‘chargés d’enseignement » auprès de la jeunesse, seraient bien en mal de proposer l’étude d’auteurs rattachés à la culture classique….qu’eux mêmes méconnaissent généralement….

  3. Si Macron a lu Pascal, les français ont tous dévoré l’intégralité des mémoires de Saint-Simon !!!
    La syntaxe de ceux qui écrivent pour lui devrait être un peu moins…sophistiquée pour être crédible.

  4. « Le cœur a son ordre; l’esprit a le sien, qui est par principe et démonstration. Le cœur en a un autre. On ne prouve pas qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les causes de l’amour; cela serait ridicule. » Pascal

  5. Mon voisin du dessus, un certain Blaise Pascal ;
    m’a gentiment donné ce conseil amical ;
    Mettez-vous à genoux, priez et implorez;
    faîtes semblant de croire et enfin vous … croirez !

    Georges B.

  6. Macron devait aussi faire sien cette phrase Boileau dans l’Art Poétique : Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.

  7. Qui a lu et étudié le grand Pascal dans les lycées à part quelques octogénaires comme moi. Il vaut mieux étudier les « pensées » d’Annie Ernaux ou les élucubrations d’un rappeur à la mode plus accessibles aux décervelés que deviennent les petits français.

  8. Génie en tout ….c’est pourquoi nous sommes la risée de tous et nous nous cassons le portrait ….la prétention est un bien vilain défaut ..

  9. Comment ça, monsieur Macron ? PASCAL « figure majeure de notre culture » ? Mais n’aviez-vous pas déclaré qu’il n’y avait pas de culture française ? Vous faites des déclarations selon l’humeur du moment, selon ce qui vous arrange. Pas de fond. Uniquement de la forme… N’est-ce pas ce que l’on appelle « l’opportunisme » ? Vous êtes meilleurs quand vous « descendez » une Corronado cul sec… Encore un truc pour tenter de montrer que « vous en êtes »…

  10. Blaise Pascal restera quand Macron sera vite oublié. Merci monsieur Kerlouan de souligner l’abime qui sépare ces deux personnes.

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