Après l’Histoire, Macron déconstruit la France en supprimant le corps préfectoral

Après avoir claironné la suppression de l'ENA, Macron a laissé son Premier ministre – qui, en l'occurrence, se comporte moins en chef du gouvernement qu'en subalterne du Président – annoncer la disparition du corps préfectoral. Comme s'il éprouvait une joie perverse à déconstruire les piliers de la France pour édifier un « nouveau monde », fondé sur ses préjugés. Pour moderniser l'État ou mieux le soumettre à ses lubies ?

Bien sûr, la suppression de ce corps, créé par Napoléon, n'est pas décrétée tout de go : on l'enrobe d'édulcorants pour mieux faire avaler la pilule. On prétend que le métier préfectoral « s'acquiert au travers de l'expérience acquise sur le terrain », ce qui semble a priori frappé au coin du bon sens. Il s'agit, selon l'entourage de Jean Castex, « de favoriser des parcours plus ouverts et moins cloisonnés, mieux suivis et régulièrement évalués tout au long de la carrière ». Ne vous inquiétez pas, ça ne mange pas de pain.

Mais à y regarder de plus près, cette réforme apparaît comme une nouvelle étape dans le démantèlement de l'État, pour faciliter la mainmise de la caste au pouvoir sur les rouages de l'administration française. Il n'est pas question, indique-t-on à Matignon pour rassurer, de « porter atteinte à la fonction préfectorale, à ses spécificités et à son attractivité », on cherche, au contraire, à « améliorer la gestion des cadres supérieurs de l'État, selon une logique fondée sur les parcours et les compétences, plus que sur l'appartenance à des corps ou à des statuts ».

Sous des formules attrape-tout, on cache des arrière-pensées. Selon l'article 72 de la Constitution, le « représentant de l'État » – le préfet – « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Macron, vous l'aurez compris, veut une administration moins soucieuse des intérêts nationaux que soumise à ses ordres. Il s'approprie la formule apocryphe de Louis XIV « L'État, c'est moi » et la met en pratique dans tous les domaines.

Cyrille Schott, préfet de région honoraire, ne s'y est pas trompé. Dans une tribune publiée par Le Figaro, il explique voir, dans cette réforme, un moyen de nommer des « non-professionnels » au titre d'une ouverture à la société civile. Il assure que « l’inféodation au pouvoir des impétrants, dépourvus des garanties statutaires d’autonomie de leurs prédécesseurs et choisis en vertu de critères politiques, sera très forte ». Car, contrairement à la fausse idée répandue, le statut d'un fonctionnaire a pour premier objectif de protéger sa fonction de l'arbitraire du pouvoir.

Cette mainmise politique, présentée comme une libération des contraintes, jouant, non sans démagogie, sur le rejet par l'opinion d'un statut protecteur, ne date pas d'aujourd'hui, mais Macron la pousse à son paroxysme, avec la complicité de ministres qui ont oublié qu'ils sont des serviteurs de l'État avant d'être les larbins de leur maître. À preuve le zèle déployé par Gérald Darmanin et Amélie de Montchalin pour défendre cette réforme.

La formation et le recrutement des préfets peuvent être améliorés sans qu'on supprime le corps préfectoral pour le remplacer par un vivier où l'on puisera les éléments les plus serviles. Cette annonce crée, à juste titre, une vive polémique et l’indignation de politiques et hauts fonctionnaires. Il s'agit moins d'une réaction corporative que d'un cri d'alerte. Jean-Louis Thiériot s'écrie, sur Twitter : « Revenez Jean Moulin, ils sont devenus fous ! » Il est temps de mettre Macron sur la touche pour l'empêcher de déconstruire définitivement la France !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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