« 1.800 € sans bosser, vive la France ! » : petit manuel de fraude sur YouTube

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« Je suis handicapé sur le papier, mais je vous rassure, je suis en très bonne santé. » Face caméra, Mertel B., un influenceur en quête de buzz, se vante de frauder l’allocation adulte handicapé (AAH), en principe réservée aux personnes en situation de handicap qui ne disposent pas de revenus d’activité. Cette vidéo, exhumée par le militant Damien Rieu et désormais supprimée de YouTube, qu’elle se veuille humoristique ou simplement cynique, révèle les nombreuses failles du système social français.

Méthode pour frauder

« Je vais vous avoir l’AAH même si vous êtes en bonne santé. » En quatre minutes seulement, Mertel expose comment détourner l’AAH et, ainsi, percevoir 971 euros par mois, versés par la caisse d’allocations familiales (CAF), « sans rien foutre » (sic). Pour cela, il conseille d’abord de se rendre chez « un bon médecin qui te fera un bon certificat qui va dans ton sens ». Pour trouver de tels professionnels de santé peu ou pas regardants, l’influenceur conseille d'aller « en banlieue ». Une fois le rendez-vous médical pris, Mertel recommande à ses abonnés de « s’arranger » avec le médecin afin de faire valoir un « handicap invisible », comme le handicap psychique. Lui confie avoir « manipulé » son médecin pour obtenir un certificat de complaisance. Et contre 300 euros, il propose d’aider ses abonnés à faire de même. Ensuite, une fois le certificat en poche, il ne reste plus qu’à envoyer sa demande et attendre que l’argent tombe.

Loin de s’arrêter là, Mertel, spécialisé dans le e-commerce optimisation fiscale, se vante de cumuler l’AAH avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et les aides personnalisées au logement (APL). « 1.800 euros qui tombent par mois, sans bosser. Vive la France ! » se réjouit-il. Et de s'en prendre avec arrogance à « ces crétins de salariés [qui] vont bosser pour payer mon AAH ».

Cette courte vidéo, déjà visionnée plus d'un million de fois sur X (anciennement Twitter), n’a pas manqué de faire réagir. « Écœurant », s’indigne Marion Maréchal, qui accuse Mertel de cumuler 1.800 euros par mois « sans rien faire sur le dos des travailleurs français ». « Un influenceur qui revendique haut et fort son mépris des travailleurs qui cotisent pour lui payer ses allocations handicapé », dénonce, pour sa part, Charles Prats, auteur de plusieurs ouvrages sur la fraude sociale. Et Pascal Praud de réagir, ce 19 septembre, à l’antenne : « Moi, je veux bien payer les impôts, mais je sais que l’argent est mal utilisé. »

Manque de contrôle

Au-delà du cas personnel de cet influenceur, cette vidéo révèle les failles du système français. Système dans lequel un simple certificat de complaisance permet de frauder. Déjà, en 2019, la Cour des comptes s’inquiétait du manque de contrôle concernant l’AAH. En cause, tout d’abord, une définition non objectivable du handicap englobant à la fois une « altération fonctionnelle » et des « facteurs sociaux et environnementaux ». Désormais, « une altération d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques peut permettre de percevoir l'AAH ». Une définition large qui permet à certains de contourner intentionnellement le droit.

L’examen du dossier, ensuite, qui est réalisé dans 82 % des cas « exclusivement sur dossier, sans entretien avec le demandeur, contact ou visite » empêche de détecter les fraudes intentionnelles, notent les experts de la rue Cambon. Enfin, la répartition des compétences entre la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) qui gère l’expertise et la CAF qui contrôle l’éligibilité entraîne « l’existence d’un angle mort en matière de lutte contre le recours frauduleux à l’AAH ».

Si l’AAH n’est pas la prestation la plus sujette à la fraude – elle représente 1,2 % des fraudes, soit 5,9 millions d’euros, contre 315,4 millions d’euros de versements frauduleux au titre du RSA -, son contournement montre les fragilités du système social français. Au printemps dernier, le gouvernement a promis de mettre en place un plan de lutte contre la fraude sociale. Il est désormais temps que l’exécutif passe à l’acte.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 21/09/2023 à 11:24.
Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

106 commentaires

  1. Sans rien faire 1800 €/mois et il ose s’en vanter, si ce n’est pas narguer le système et le Gouvernement, dites-moi alors comment qualifier ça. C’est scandaleux. Et ils sont combien dans le pays à faire ça ? Si on ajoute cette fraude à ce que notre Gouvernement leur octroie régulièrement au détriment des Français de souche et de coeur qui travaillent, paient des impôts et cotisent pour les Assurances Sociales et leur retraite, ça commence à devenir révoltant. Ne pas s’étonner si cela déclenche des manifestations chez les français en activité et honnêtes.

  2. Hélas vrai. Même si le dossier MDPH est examiné par un groupe  » d’ experts », c’ est essentiellement un dossier qui est étudié. Mon fils, mal entendant de naissance et appareillé bi-latéralement obtiendra une allocation d’ enfant handicapé qui aurait dû être prolongée à sa majorité mais comme il entrait en BTS, on m’ objecta que son handicap ne perturbait pas sa vie puisqu’ il arrivait à un niveau d’ études supérieures ! Pourtant, je n’ employais pas de véhicule « sanitaire » pour les rendez-vous. Il bénéficiait de tiers temps pour les examens et devait payer l’ appareillage car ( à l’ époque ) le reste à charge « zéro » n’ existait pas. En fait, encourager à ne pas étudier, aurait été mieux? Plus grave, ma vie professionnelle m’ a aussi montré que le phénomène de  » groupe  » ( soit effrayer l’ interlocuteur) influençait grandement les décisions. Ce qui peut « expliquer » la complaisance quelque peu obligée de praticiens. Et ne pas faire de vagues, c’ est bien connu…. Triste époque du bien vivre ensemble.

  3. Lui s’en vante mais combien font la même chose, la fraude aux aides sociales est une institution ce n’est pas nouveau, donc feindre l’étonnement c’est en trop…

  4. Ca parait tellement gros que je ne suis pas loin de penser qu’il s’agit d’un montage visant à alerter les français sur un fait réel mais dont la plupart ignorent l’étendue tant ce scandale d’Etat est énorme. quelqu’en soit l’origne et la motivation, je doute que les français en tirent la leçon.

  5. Nous sommes le pays ou les fraudeurs sont les rois ,pourquoi nos dirigeants ne demande pas à tous ceux qui sont à l’étrangers et qui touchent une retraite de venir dans les ambassades pour prouver qu’ils sont encore vivant .
    Nous versons des retraites à des personnes qui ont plus de 120 ans .

  6. J’ai un dossier à La MDPH de L’Essonne, en demande d’une carte d’invalidité, pour plusieurs pathologies déjà déclarées et qui se sont aggravées pendant la période  » COVID « , ( insuffisance cardiaque sévère, troubles de l’oreille interne et Presby Ataxie ). J’ai beaucoup de mal à marcher, mais, puisque je peux encore me tenir propre, la commission médicale de ce département ne reconnaît pas en moi, une incapacité suffisante pour élever mon pourcentage d’invalidité à 80 %, ce qui me donnerait une demi-part supplémentaire sur ma déclaration de revenus ( retraite ) et qui me permettrait de libérer mon épouse de temps en temps en se faisant remplacer par une personne  » aidante « .
    Voilà, comment un homme qui à travailler 42 ans de sa vie est pris en compte dans notre société actuelle, préférant laisser courir  » les fraudeurs de tout poils « , profiteurs d’un système incontrôlé et incontrôlable.

  7. Quand je pense , à tout ce qu’on me demande alors que mon fils est né sourd -profond.. .chaque fois , on nous demande des audiogrammes , des comptes rendus de différents professionnels…..A l’âge de 7 ans , son invalidité est passé de 80 à 70%, alors que sa situation médicale n’avait pas changée. Il a fallut se battre ….
    Au même moment , on a supprimé une partie de l’allocation enfant handicapé , estimant que je pouvais reprendre mon travail à 100%.Quand nous avons demandé des explications , la mdph , nous a fait rencontrer un monsieur dans un institut avec des enfants « plus  » handicapés  » que le mien. Comme tout bon français , nous nous sommes tus .Aujourd’hui ,il est apprenti , a 16 ans il a un petit salaire , il est courageux …Il n’est pas toujours facile , Je suis fière de dire qu’il est porteur d’un handicap mais il n’est pas handicapé social .

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