« Si ce revirement du FN est sincère, je m’en réjouis… »

Karim Ouchikh a évoqué, sur les réseaux sociaux, un inavouable rétro-pédalage du FN au sujet de la question du Grand Remplacement. Il s'en explique au micro de Boulevard Voltaire, espérant que le changement sensible du discours des dignitaires du FN est bien réel et n'est pas une stratégie de manipulation à l'approche du congrès.

Vous avez parlé d'inavouable rétropédalage au sujet du Front national et de la question du Grand Remplacement. Qu'avez-vous voulu dire exactement ?

J'ai diagnostiqué un changement radical de la ligne politique du Front national sur un sujet qui occupe l'esprit de beaucoup de nos compatriotes.
Il s'agit de la question du remplacement des peuples, du remplacement du peuple français.
Je fais là directement allusion, non pas à la théorie, non pas au concept, mais bien à la réalité pointée et mise en avant de bonne et belle manière par Renaud Camus.
Sur ce sujet du Grand Remplacement, on refusait jusqu'à présent au Front national d'admettre à la fois la réalité dénoncée par Renaud Camus, mais aussi le vocabulaire utilisé par l'écrivain.
Depuis peu, je décèle, au moins sur les réseaux sociaux, un changement de discours. Cela ne concerne pas forcément Marine Le Pen, mais certains dignitaires du Front national.
J'en ai cité deux.
Jean Messiha est un des économistes du Front national. Il a été le coordonnateur du projet présidentiel de Marine Le Pen en 2017.
Julien Sanchez est maire de Beaucaire et conseiller régional.
L'un comme l'autre utilisent de plus en plus le thème de remplacement de peuples sur les réseaux sociaux.

Ce changement d'attitude n'est pas sanctionné par le bureau politique. Qu'est-ce que cela peut vouloir dire, selon vous ?

Il n'est pas imaginable, pour Marine Le Pen, d'annoncer brutalement un retournement radical de la position du Front sur ce sujet sensible, du jour au lendemain.
Par conséquent, elle envoie un certain nombre de ses émissaires, de ses proches.
Habituer l'opinion publique à cette idée qu'au fond, il existe bien un remplacement des peuples qui est la conséquence logique du choc migratoire, sans pour autant rallier le vocabulaire de Renaud Camus.
On ne trouve jamais, sous la plume de Jean Messiha ou de Julien Sanchez, de Grand Remplacement. On parle de remplacement de peuple.
On ne parle jamais de Grand Remplacement, parce qu'on taxe Renaud Camus d'artisan d'un complot ou, en tout cas, d'un homme qui ne verrait que des complots partout.
La thèse serait une thèse complotiste.
Il faut, par conséquent, garder ses distances à l'égard d'un écrivain passablement controversé.

Le fait que le Front national reprenne en compte ce sujet-là constitue-t-il, pour vous, une bonne nouvelle ?

S'il s'agit d'un revirement radical, définitif, sincère et authentique, c'est une bonne nouvelle.
Le Front national rejoindrait ainsi sincèrement les préoccupations de son électorat, de ses militants, de ses adhérents et de ses cadres.
Il y aurait donc un changement radical d'un positionnement politique et d'une expression politique qui coïnciderait avec les préoccupations identitaires d'une bonne partie de nos compatriotes.
En revanche, s'il s'agit d'une stratégie habile qui consiste à manipuler l'opinion publique et, dans cette opinion, également les cadres et les militants du Front national, alors je dis « Halte au feu ! »
Il s'agirait, en réalité, d'une manipulation qui s'opérerait à l'approche du congrès du Front national en mars 2018. Cette manipulation serait destinée à resserrer les rangs.
Nous savons très bien qu'il y a un vent de fronde qui se lève dans les rangs du Front national depuis le double échec des présidentielles et des législatives.
Il s'agit, par conséquent, de maîtriser, de contenir ce vent de fronde. D'une certaine manière, pour contenir ce vent de fronde, on ajusterait en quelque sorte le discours du Front national sur un thème qui tient véritablement à cœur à bon nombre des adhérents du Front national.
Pour l'instant, je n'ai pas encore tranché.
J'attends de voir si d'autres réactions et prises de position apparaissent en dehors de celles que j'ai d'ores et déjà repérées sur les réseaux sociaux.
J'attends de voir si, interrogés par la presse, certains pourraient clairement prendre position.
Peut-être, demain, Marine Le Pen.
En fonction de leur prise de position respective et de la manière dont l'un ou l'autre pourraient motiver leurs prises de position, je pourrais me dire qu'il y a un revirement sincère ou alors simplement une stratégie d'enfumage.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 06/07/2017 à 10:14.
Karim Ouchikh
Karim Ouchikh
Avocat au barreau de Paris - Président du SIEL

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