Emmanuel Macron aux autorités religieuses : tâtonnons ensemble…

Jeudi 4 janvier, le président de la République recevait les autorités religieuses pour la cérémonie traditionnelle des vœux. Emmanuel Macron n’est peut-être pas le bon Samaritain mais il faut reconnaître que dans son long discours, on y trouve à peu près tout, comme à La Samaritaine, pour satisfaire « celles et ceux » qui considèrent que la vie ne se résume pas à une ligne horizontale et finie.

D’abord, le Président a eu l’astuce de rappeler que cette tradition des vœux aux autorités religieuses remonte à l’après-guerre : une tradition instituée par le Président Vincent Auriol qui, comme le souligne Emmanuel Macron, était "connu pour son ouverture d’esprit dans le domaine religieux à une époque où son parti [la SFIO, ancêtre direct du Parti socialiste] parmi d’autres affichait ce qu’on appelait alors un laïcisme de combat". C’est, du reste, ce même Vincent Auriol, en vertu d’une tradition héritée des rois, qui remit en 1953 au nonce Roncalli – le futur Jean XXIII – sa barrette de cardinal.

Le président de la République a aussi définitivement enterré les délires chers à Vincent Peillon, qui voyait la laïcité comme une sorte de religion. "Consciente que l’individu nourrit toujours une interrogation existentielle, que le vide inquiète, insécurise, la laïcité se ferait alors forte de venir elle-même peupler cette zone neutre et d’incarner une sorte de foi républicaine forgée par des valeurs, des traditions érigées à leur tour en croyance universelle sur le modèle lointain du culte de l’Être suprême des Jacobins. D’aucuns y rêvent encore mais ce culte-là a fait long feu."

Un autre passage de ce discours est particulièrement intéressant : il concerne les rapports entre l’État – la puissance publique – et les religions. "Et cette distinction fondamentale des Ordres [l’ordre religieux et l’ordre politique] est un acquis précieux pour vous comme pour la République car ce sont fondamentalement les principes de liberté d’association et de conscience qui régissent vos organisations respectives." Il me semble que c’est la première fois qu’un chef de l’État emploie le mot « ordre » pour qualifier d’une part la puissance publique, d’autre part les religions. Notons aussi que le script de la présidence donne de la majuscule à ce mot. Cette mise en parallèle des "Ordres" va, d’une certaine façon, à l’encontre du « discours de hiérarchisation », et pour tout dire jacobin, que l’on entend généralement, à droite comme à gauche : « Il n’y a rien au-dessus des lois de la République. » C’est ainsi qu’en 2015 Gérard Larcher déclarait : "J’affirme des principes : la supériorité des lois de la République…" Et le président de la République d’ajouter : "Je ne demanderai jamais à quelques (sic) citoyens (sic) français, (sic) que ce soit, (sic) d’être modérément dans sa religion ou de croire ou comme il faudrait en son Dieu, ça n’a que peu de sens, mais je demanderai à chacun constamment d’absolument respecter toutes les règles de la République."

Tout ceci est juste et bon. Mais…

Mais la question est de savoir si la différenciation des deux "Ordres" peut être entendue de la même manière selon que l’on est chrétien ou israélite d’une part, ou que l’on est musulman d’autre part. L’islam étant tout à la fois religion, système politique, social, juridique. Sans le dire explicitement, à mots couverts, Emmanuel Macron évoque bien les difficultés que représente l’islam : "Et la France s’est habituée dans son dialogue à une religion qui est structurée de manière beaucoup plus verticale, parce que c’est l’histoire de France avec l’Église catholique, il faut dire les choses aussi telles qu’elles sont, parce que les religions sont structurées différemment nous tâtonnons. Alors tâtonnons ensemble…" La République tâtonne ! Soit dit en passant, lorsqu’elle envoyait la troupe pour virer les bonnes sœurs de leurs couvents, elle tâtonnait moins. Sur l’islam, Emmanuel Macron ne ferait-il pas un peu preuve d’angélisme ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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