Qui veut vraiment sauver l’hôpital public ?

hopital

L'hôpital va mal, et même très mal. Comme dans beaucoup de domaines, nous vivions jusque-là sur l'acquis et, maintenant que les coefficients de marées se sont modifiés, nous découvrons avec stupeur ce que nous révèle la marée basse et l'étendue du désastre.

Les syndicats, aussi discrets pendant la pandémie que lors de l'épisode des gilets jaunes, montent maintenant au créneau, peut-être en raison des prochaines législatives. Ou tout simplement parce que, avec l'été qui arrive, la fermeture estivale de nombreux cabinets de ville et le nombre très insuffisant de centres privés pouvant accueillir les consultations non programmées, la situation risque de devenir catastrophique dans les services d’urgences hospitaliers. Le personnel ne pourra pas faire face à la demande de soins.

Cette situation dure depuis plusieurs années mais s'est particulièrement aggravée ces derniers mois avec la surcharge de travail demandée aux soignants lors de l'épidémie, le sentiment de ces mêmes soignants de ne pas être entendus et, cerise sur le gâteau, le limogeage d'une partie d'entre eux au prétexte qu'ils n'étaient pas vaccinés. Le personnel soignant a, à juste titre, le sentiment de ne pas être entendu dans ses revendications et les dernières déclarations qu'Emmanuel Macron a faites lors de sa visite de l'hôpital de Cherbourg, il y a quelques jours, lorsqu'il annonce que la réintégration des soignants non vaccinés n'est pas à l’ordre du jour, ne vont pas apaiser les esprits. Pourtant, c'eût été une avancée positive vers un dialogue qui ne prendrait pas uniquement en compte des chiffres et des statistiques.

Ouest-France du 3 juin dernier rapporte les propos du Président qui déclare : « On va se donner plusieurs mois pour identifier les besoins et bâtir des projets. On sortira une feuille de route et des moyens chiffrés. » On peut s'étonner que les services du ministère de la Santé ne l'aient pas depuis longtemps déjà averti des besoins des hôpitaux pour fonctionner normalement !

Le journal Les Échos, s'appuyant sur une étude publiée dans The Lancet, nous rappelle que la France occupe, avec l'Irlande, la dernière place en Europe en ce qui concerne le nombre de médecins (24.8/10.000 habitants), conséquence du numerus clausus sur le recrutement des jeunes médecins qui pèse maintenant lourdement sur la capacité d'accueil des malades, tant en ville qu'à l'hôpital.

À cela s’ajoute le mal-être du personnel paramédical, en effectifs insuffisants et sous-payés, à qui on ne pourra pas demander d’efforts supplémentaires et qui préfère souvent envisager une autre orientation plutôt que travailler « au rendement » sans tenir compte de la dimension humaine de leur travail.

L’Association des médecins urgentistes de France estime qu’il y a actuellement 25 à 30 % des services d’urgence qui sont fermés ou sur le point de l’être. À Bordeaux, le service d’urgences de nuit de l’hôpital Pellegrin n’admet plus que les malades adressés par le Centre 15, ceux qui se présentent spontanément sont dirigés vers des secouristes chargés de faire le tri. À Toulouse, par manque de personnel, l’hôpital Purpan a dû réserver ses admissions aux cas les plus graves.

À l’appel des syndicats, les soignants ont manifesté en début de semaine pour réclamer des hausses de salaires et d’effectifs, ce à quoi le gouvernement a répondu en proposant un doublement de paiement des heures supplémentaires et l’embauche d’élèves infirmiers, mais ce ne sont que des rustines.

Pour faire face aux problèmes de l’hôpital public, dont les manifestations actuelles ne montrent que la partie émergée de l’iceberg, il faudra redéfinir ce que doit être la mission du service public de santé, son champ d’activité, et lui donner les moyens d’effectuer ses objectifs. Nous en sommes encore très loin !

Dr. Jacques Michel Lacroix
Dr. Jacques Michel Lacroix
Médecin - Médecin urgentiste et généraliste

Vos commentaires

22 commentaires

  1. L’argent pour l’armée, l’hôpital et les services publiques en général, est parti ailleurs. On ne sait où.
    Peut-être vers nos chères banlieues ?
    J’espère que les bénéficiaires de l’AME, pourront toujours bénéficier du top des soins, et cela gratuitement. Quelle angoisse !
    Nos politiques-décideurs nous mènent à grand pas vers le tiers monde.

  2. Les 35 heures de la pocharde sont le résultat de tout ce marasme dans la fonction publique gérée aussi par des technocrates pour qui l’humain est secondaire , ils ont raboté sur les budgets de fonctionnement pour  » être  » rentable , le personnel non remplacé donne encore plus de travail aux autres , repris même sur leurs repos et tout ceci sans augmentation de salaire , bref l’esclavage des temps modernes .

  3. E. Macron à Ouest France : « On va se donner plusieurs mois pour identifier les besoins et bâtir des projets. On sortira une feuille de route et des moyens chiffrés. »
    Il se fiche de Qui !!! Et les français l’ont remis au Pouvoir, et sans doute avec Majorité à l’A.N. Qu’ils ne se plaignent donc pas.
    Moi je sais depuis longtemps, que moins on va à l’hôpital mieux on se porte.
    Que Macron augmente les nombre de Médecins et Centres Médicaux. L’hôpital c’est d’abord pour les Opér chirurgicales

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