Une histoire poignante de flic et de paysan, par le réalisateur du film Des hommes et des dieux

Albatros

Tourné dans la région Normandie, à Étretat, auparavant village de pêcheurs, le film Albatros, sorti le 3 novembre, embarque le public dans la vie quotidienne d'un gendarme, Laurent, interprété par le formidable acteur belge Jérémie Renier. Un monsieur Tout-le-Monde dont la vie va basculer.

La France modeste est au cœur du sujet. Le réalisateur Xavier Beauvois avait signé le magnifique Des hommes et des dieux. Il conte, cette fois, l'histoire dramatique de la France rurale et la colère des paysans, avec des références permanentes à l'actualité. Le film bouleverse notre rapport à la Vie, avec un grand V, entre famille et solitude, bon et mauvais, victime et bourreau. Cette balance rythme l'intrigue.

Dès les premières minutes, le tableau d'une famille heureuse, où tout va pour le mieux, tout à fait « ordinaire » dans les paysages somptueux des bords de mer, contraste avec les faits divers. La brigade de gendarmerie du secteur fait face à tous les dossiers de notre temps, du jeune sans casque au guidon de son scooter à la petite fille violée au sein de sa famille, de l'ivrogne lourd en besogne et connu des riverains au suicide d'un homme.

La réalité du terrain de nos forces de l'ordre est habilement retranscrite. Le site officiel du ministère de l'Intérieur a même invité en titre : « Ne ratez pas la sortie en salle du film Albatros. » Le film est en effet une réponse mezzo voce aux attaques anti-police.

Laurent le gendarme est un passionné de navigation, son grand-père fut marin pêcheur. Il héritera de la maquette d'un voilier : l’Albatros. À travers son métier, il a l'habitude de côtoyer le monde rural et notamment Julien (interprété par Geoffrey Serry, agriculteur dans la vraie vie), éleveur de vaches dans le film.

Julien incarne la quintessence du paysan français, modeste et courageux : « Mes bêtes sont mieux logées que moi », dit-il. Ou comment illustrer un cri du cœur, à l'heure où l'on accuse les éleveurs d'être des assassins. Travail dénigré, en perte de vitesse : Julien n'hésite pas à se plaindre de sa condition et de ses difficultés.

Laurent fait tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir Julien en profonde détresse, jusqu'à tirer dans la jambe de l'agriculteur, pensant le sauver de ses envies suicidaires. Malencontreusement, Julien succombe de sa blessure. Alors, la vie du gendarme bascule.

Tout s'accélère : enquête, médiatisation de l'affaire, justice. Cet accident de parcours, Laurent le paie au prix cher. Le « flic » semble anéanti, sans repères. Pour l'opinion publique, il est passé du stade de héros du quotidien à celui de meurtrier. Malgré le soutien plein et entier de sa compagne, de sa fille et de sa hiérarchie, Laurent quitte son village et vogue en eaux troubles.

Le récit proposé par Beauvois est immersif, l'intrigue bien amenée et le jeu des acteurs juste et efficace. Albatros ne laisse personne indifférent : cela peut advenir à tout le monde. Le navire et la place qu'occupe le voilier dans le film rappelle à quel point il est difficile de tenir la barre contre vents et marées quand Laurent se retrouve seul, sans cap ni but à atteindre. Le flic est à la recherche de son « moi intérieur », pour parvenir à extirper cette culpabilité.

Albatros n'est pas simplement l'histoire d'un gendarme, c'est également une réflexion sur le sens qu'on donne à l'existence. La vie est difficile, mais elle vaut le coup d'être vécue.

 

Valentin Chery
Valentin Chery
Etudiant à l'Institut libre de Journalisme

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