Vous avez peut-être chanté, autrefois, cette ritournelle : « Vive les vacances, à bas les pénitences, les cahiers au feu, la maîtresse au milieu. » Personne ne vous aurait, alors, accusés de vouloir faire brûler votre institutrice sur un bûcher. De nos jours, une chanson de Guillaume Aldebert, choisie par le corps enseignant pour un spectacle de fin d'année, a provoqué une grosse polémique. Au point qu'un syndicat de policiers a déposé plainte contre le directeur de l’école et l’Éducation nationale « pour incitation au terrorisme, provocation d’un mineur à commettre un crime ou un délit et diffamation ». À tort ou à raison ?

Et le syndicat de citer les paroles qu'on apprend aux enfants : « Faire pipi sur un policier […], prendre en otage ma p’tite sœur […], faire sauter la salle de classe à la dynamite […]. » Tout cela « pour louper l’école ». Si toute la chanson était du même acabit, il y aurait de quoi s'indigner. Mais, à part « gifler le gars de la sécu' », on ne trouve, dans la liste des recettes « pour louper l'école », rien d'autre de répréhensible, même si ça ne vole pas bien haut : « Faire le tour de la maison/En pyjama, pour choper froid », « Prier pour que les martiens/M'enlèvent sur leur planète », « Manger des crayons de couleur/Pour vomir un arc-en-ciel », etc. Pas de quoi fouetter un chat !

Quand le syndicat de policiers s'étonne que l'auteur soit un « artiste de référence », soulignant avec ironie « que là il y a du niveau », il a mille fois raison. Mais prétendre qu'on laisse « l’école de la République se transformer en école de la haine » paraît, au vu de toute la chanson, quelque peu excessif. De même, ce parent d'élève qui confie à L'Est républicain que ce texte est « contraire aux valeurs de la République telles que doit les promouvoir l'école ». Mais il a tout à fait raison quand il estime que « dans le contexte que nous vivons, apprendre ce texte à des enfants de 7 ans [...] semble pour le moins inapproprié ».

Car le scandale n'est pas de faire chanter aux élèves trois ou quatre phrases malvenues qui, tirées de leur contexte, sont une véritable provocation dans l'actualité que nous vivons – on peut espérer qu'on explique aux enfants qu'il faut les prendre au second degré. Le vrai scandale, c'est que le réseau Canopé, éditeur de ressources pédagogiques public, sous tutelle du ministère de l'Éducation nationale, fasse officiellement la promotion de telles inepties.

Le compte rendu du dernier conseil d’école (19 mars) rapporte que « dans le contexte social tendu actuel, dans un souci d’apaisement [...], l’équipe pédagogique envisage de retirer la chanson ». Mais les parents d'élèves élus ont demandé, à l’unanimité, « que le spectacle soit maintenu dans sa forme initialement prévue ». « Retirer [ce] texte serait de la censure », a déclaré la présidente de l’association locale. L'inspecteur de l'Éducation nationale, en Ponce-Pilate, d'ajouter « qu’il respecterait le choix de l’équipe pédagogique, quelle que soit sa décision ». La seule qui subira une sanction, dans cette histoire, c'est la fille du parent d'élève plaignant, qui ne devrait participer ni aux répétitions ni au spectacle de fin d'année.

Le ministère est coupable, qui recommande de telles chansons : les enseignants, un peu moutonniers, n'ont fait que suivre ses conseils. Il est vrai qu'ils auraient risqué gros s'ils avaient déclaré que le ministère suit les modes les plus débiles sous prétexte d'être dans le vent et de motiver les enfants. Il est pourtant de belles chansons que nous entendions dans notre enfance et qui réunissaient toutes les générations, sans risque de polémique. Aux marches du palais comporte plus de poésie, La Pince à linge plus d'humour que Pour louper l'école !

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30 mars 2019 à 19:40

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