Afin de marquer en fanfare le début de la présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron avait fait déployer le drapeau européen sous l’Arc de Triomphe, le 1er janvier dernier. Seul. L’absence du drapeau français à ses côtés, qui eût été logique puisqu’il s’agissait de la présidence française de l’Union européenne, avait aussitôt provoqué la polémique. Aussitôt balayée d’un revers de main par Jupiter. Mais le propre d’un symbole est de signifier quelque chose. En l’occurrence l’effacement de la France.

Alors que cette présidence française, évidemment chamboulée par la guerre en Ukraine et la succession d’élections en France, s’achèvera dans quelques jours, peut-on en dresser un bilan ?

Dans un discours inaugural, le Président avait déclaré : « Nous vivons un moment européen. Face aux défis militaires et économiques, à l’affirmation de puissances hostiles ou au dérèglement climatique, la meilleure réponse est européenne. » Une forme de prophétie autoréalisatrice mal fondée, comme devait le révéler la suite des événements. Et de conclure que cette présidence était d’abord une fierté, « celle de pouvoir dire nous agissons en Européens ! » Or, « l’Européen » sui generis n’existe pas. Nous sommes Européens parce que Français. Pour bien agir en Européens, commençons donc par bien agir en Français.

Le gouvernement Macron avait donc défini « trois ambitions » : une Europe plus souveraine, un nouveau modèle européen de croissance, une Europe humaine. Vagues généralités.

Une Europe plus souveraine signifie une France qui l’est moins. Or, cette Europe souveraine a-t-elle fait preuve de son efficacité ? Le seul énoncé des domaines d’action envisagés répond à la question : renforcer Schengen, protéger nos frontières, maîtriser les migrations, avoir une politique d’asile améliorée « dans le respect de nos valeurs », avoir une Europe plus forte et capable d’agir en matière de sécurité. La liste des échecs les plus patents de l’Union européenne ! Quant à la force militaire et la capacité d’agir en matière de sécurité, on a vu ce qu’il en était avec la guerre en Ukraine. Non seulement l’Union européenne a été incapable de la prévenir, mais sa politique à l’égard de la Russie depuis la chute de l’Union soviétique n’est pas étrangère au déclanchement du conflit. Et l’Union européenne n’a été capable que de se réfugier sous l’aile protectrice des ÉEtats-Unis et de refaire allégeance.

Certes, Emmanuel Macron a tenté la voie diplomatique avec Vladimir Poutine, mais il ne pouvait réussir. D’une part parce qu’en matière de diplomatie, il convient d’avoir la capacité de comprendre les ressorts politiques et psychologiques de la partie adverse, ce que l’Union européenne n’a jamais voulu faire. D’autre part parce que cette guerre est aussi le résultat d’une périlleuse lutte de suprématie entre les États-Unis et la Russie par Ukraine interposée, et que ni la France ni l’Union européenne n’en détiennent les clefs.

Quant au nouveau modèle européen de croissance, il s’agit de la phraséologie eurocratique sur la croissance verte et « l’ambition climatique ». Or, nous voyons venir une crise inflationniste et des tensions sociales qui marqueront sans doute la fin de la mondialisation dite « heureuse », que la guerre en Ukraine contribuera, par ses conséquences en matière énergétique et alimentaire, à accélérer.

L’Europe humaine serait à l’écoute des citoyens grâce à la « Conférence sur l’avenir de l’Europe », manipulée par la Commission européenne ! Ce serait celle qui « dépend de l’État de droit » défini pour amener à l’obéissance les peuples qui ne communient pas à l’idéologie libertaire mondialisée ! Ce serait, enfin, une Europe fière de sa culture, incarnée par Mme von der Leyen qui ne s’exprime généralement qu’en anglo-américain !

Les textes proposés ou discutés furent ceux de l’agenda de la Commission. Notamment concoctés dans la perspective des prochaines élections européennes : révision du statut du financement des partis politiques, encadrement de la publicité politique en ligne, modification de l’acte électoral. Ce changement des règles avant l’élection ne peut que susciter méfiance.

Que conclure, donc, de cette présidence française macroniste ? Un non-événement. Dont le symbole est bien ce drapeau européen même pas officiel, puisque le projet de Constitution qui l’instituait en droit a été rejeté en 2005. Une illusion, donc, car l’adjectif « française » ne signifie rien dans la réalité. Il s’agissait seulement de suivre la programmation d’une souveraineté européenne illusoire en lieu et place de souverainetés nationales évanouies. « God bless America ».

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26 juin 2022 à 18:00

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27 commentaires

  1. Que conclure, donc, de cette présidence française macroniste ?
    Un non-événement (traduction : un pet de lapin)

  2. Macron se sera servi de cette présidence de l’union européenne comme d’un outil pour flatter son ego surdimensionné, et rien d’autre.
    Comme d’hab, il en a fait des tonnes pour se mettre en avant, diminuer ce qu’ils l’entourent, et « en même temps » gaspiller le fric de l’EU, comme il sait claquer celui de la France.
    Ah oui, j’allais oublier, jouer au chef de guerre !

  3. À quoi a servi cette présidence française ? À rien d’autre qu’à gonfler un ego présidentiel déjà au bord de l’explosion. À noter l’image désastreuse du G7 où l’on voit et entend des dirigeants se moquer de Poutine. Et que vient faire madame Van der Leyen dans cette galère ? Pardonnez mon ignorance mais qui est cette personne ? En quoi me représente-t-elle ? Tout cela est insupportable. Et quelle image désastreuse auprès des autres pays exclus des agapes.

  4. mauvais président en France et lamentable en Europe !
    Comment peut on former des  » Etats Unis d’Europe  » avec des pro américains comme l’Allemagne qui font la pluie et le beau temps , se moque des autres pays du vieux continent et imposent leur choix ?

  5. Excellente analyse. Je retiens : méfiance, non évènement, illusion. En Campagne E.M. a dit « au delà des Partis, quelque soit le Grade ». J’avais tout compris. Il s’agissait pour Lui et les siens de réunir tous les frères et soeurs de maçonnerie sous l’égide, le discipline, de la plus puissante Loge en Réseau, le G.O.F. A bannir dorénavant.
    Nous voyons venir une crise inflationniste et des tensions sociales qui marqueront sans doute la fin de la mondialisation dite « heureuse ». Préférable…

  6. Il y a quand même un résultat positif de l’action de Macron à la présidence européenne: les sanctions sévères contre la Russie! Poutine ne s’en remettrait pas! et nos média en rajoutaient; résultat les russes se portent plutôt bien, en France l’énergie va manquer, nos prix flambent, le pouvoir d’achat chute, le bordel s’étend dans tous les domaines; j’aimerai que nos médias nous reparlent de l’efficacité de nos sanctions

  7. Il n’y a que le peuple qui ignorait qu’une guerre était imminente. Voir aussi les quatre cavaliers de l’Apocalypse sur la couverture de The Economist de… janvier 2019

  8. Lorsque l’Allemagne, qui se réarme et la Pologne achètent des avions, ils ne choisissent pas en Europe mais aux Etats Unis ! C’est cela l’Europe !

  9. Rien, rien et encore rien. Nulle et non avenue. D’ailleurs, ailleurs qu’à l’Elysée personne n’y a cru. De Washington à Moscou en passant par Bruxelles et Berlin, tout le monde a laissé dire et ne rien faire un petit enfant gâté qui ne connaissait rien à rien et ne tenait qu’à garder sa sucette éphémère.

  10. La notion « d’Etat de droit » est ambiguë. C’est plutôt de l’Etat du Droit qui devrait être mis exergue. La notion de « droit » est interprétée par beaucoup comme « mes droits » auquel « j’ai droit » quelque soient les conséquences collectives. Je pense que la formule a été choisie sciemment !

    1. Avec Macron c’est l’état de travers. Pour l’équilibre il y a l’état de droit et l’état de devoir mais ce dernier on l’oublie…

  11. La conclusion est l’art de parader, de donner des leçons du type science infuse incarnée n’étant pas lui même capable de gouverner son pays, comme il se devrait.
    L’ego tridimensionnel de Macron étouffe tout le monde. Il est évident que le système archaïque électif en France l’a maintenu au pouvoir mais beaucoup de français n’en veulent plus, preuve les législatives.

  12. « une Europe fière de sa culture, incarnée par Mme von der Leyen qui ne s’exprime généralement qu’en anglo-américain ! »
    Il n’est que de lire sur les murs de cette assemblée :  » European council » au dessus de Conseil européen pour s’apercevoir que cette Europe là est inféodée aux USA. Une autre preuve étant « la défense européenne » prônée par Macron alors que l’Allemagne vient de consacrer 100 Mrds d’euros pour se réarmer façon « made in USA » !!
    Ah elle est belle l’Europe de Macron (dernier).

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