Suspension de l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen : la Justice contre la démocratie ?

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Dans une tribune du Figaro, intitulée « Au nom de l'État de droit, le tribunal administratif de Paris désarme l'État de droit », plusieurs membres du Cercle droit et débat public dénoncent la décision du tribunal administratif de Paris de suspendre l'expulsion de l'imam Hassan Iquioussen. Rappelons que l'expulsion avait été ordonnée par le ministre de l'Intérieur parce que ce prédicateur, proche des Frères musulmans, tenait des propos inacceptables sur les juifs, sur les femmes et sur les attentats terroristes.

Les signataires, dont un ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, s'étonnent de cette décision alors que la commission d'expulsion avait donné un avis favorable et que la Cour européenne des droits de l'homme ne s'y était pas opposée. Plus étonnants encore sont les motifs invoqués par le tribunal : il estime que « la réalité des propos attentatoires aux intérêts fondamentaux de l'État n'est établie, dans la période récente, qu'en ce qui concerne la provocation à la discrimination à l'égard des femmes », mais rejette ce grief, sous prétexte qu'il porterait « une atteinte grave et manifestement disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ».

On peut légitimement, avec les auteurs de la tribune, juger cette motivation « surprenante », alors que la société n'a jamais été aussi sensible aux droits des femmes. De plus, en faisant prévaloir un droit individuel sur l'intérêt général, le tribunal administratif de Paris « s'éloigne de la vocation naturelle du juge administratif à concilier libertés publiques et exigences collectives ». Dans leur conclusion, ils rappellent la juridiction administrative à cette vocation : « C'est l'honneur d'une société démocratique de respecter les droits de chacun, non de se désarmer face à ceux qui sapent ses valeurs fondamentales. »

À aucun moment cette tribune ne remet en question l'impartialité des juges. Certes, il peut y avoir parmi eux quelques brebis galeuses qui font, avec la meilleure conscience du monde, passer leur idéologie avant le respect du droit, mais il serait trop facile de trouver là l'explication de cette décision incompréhensible. Dans cette circonstance, le tribunal administratif semble n'avoir fait qu'appliquer le droit, ce qui implique deux conclusions : le dossier était mal ficelé ou, comme le suggère le titre de la tribune, l'État de droit peut conduire au désarmement de l'État.

Il n'est pas impossible que Gérald Darmanin, trop pressé de montrer à l'opinion publique sa détermination nouvelle à lutter contre l'islamisme, n'ait pas suffisamment étayé le dossier d'expulsion. On peut, dans cette hypothèse, espérer qu'il se préparera mieux en vue de l'appel devant le Conseil d'État. Mais force est de constater que cette décision du tribunal administratif révèle surtout les faiblesses intrinsèques de l'État de droit : la démocratie fournirait aux ennemis de la démocratie des armes pour la combattre sans qu'elle puisse se défendre.

Selon Winston Churchill, la démocratie serait « la pire forme de gouvernement à l'exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps ». Il expliquait aussi, dans le même discours, que « le peuple doit être souverain, souverain de façon continue ». Façon de rappeler la formule célèbre d'Abraham Lincoln pour définir la démocratie : « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. » Si l'État de droit est faillible, il doit être réformé. Les Français le demandent. Les plus coupables, dans cette affaire, ce sont nos dirigeants qui, y trouvant sans doute leur compte, ont laissé la situation empirer au risque de perdre définitivement la démocratie qu'ils prétendent sauvegarder.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

33 commentaires

  1. il faut lire le livre de Jean Eric Schoettl La démocratie au péril des prétoires – De l’Etat de droit au gouvernement des juges. Les politiciens élus prennent des décisions au nom de l’intérêt général de la société et les juges les démolissent au nom de l’intérêt des individus.
    On peut se demander dans quelle mesure les politiciens ne se satisfont pas de cette situation, ils prennent des décisions pour satisfaire leurs électeurs , mais au nom de leur idéologie non avouée comptent sur le juge pour l’entraver.

  2. « L’Etat de droit menace l’Etat » lit-on ici et là. C’est un truisme. L’Etat de droit a été conçu pour protéger l’individu contre l’arbitraire de l’Etat, il ne peut donc être une arme de celui-ci. Le problème, c’est que l’évolution de l’Etat de droit en a fait la protection des criminels contre l’Etat, et donc contre les honnêtes gens. C’est la conséquence d’un individualisme destructeur des sociétés, dans lesquelles seul compte le droit de la personne, et où l’intérêt général devient une abstraction.

  3. Non, le dossier n’a pas été « mal ficelé », il n’a simplement jamais existé et Darmanin et consorts ne pouvaient l’ignorer: un citoyen français né en France, dont les 5 enfants et les 15 petits enfants sont nés en France, est tout simplement inexpulsable. On peut lui pourrir la vie en le poursuivant sans relâche pour ses propos antisémites, ses propos homophobes, ses incitations à la haine, mais on ne peut pas l’expulser. Sauf à le déchoir de sa nationalité française. Il sera toujours marocain et le Maroc est prêt à le recevoir. Mais jamais ce gouvernement n’aura le courage d’utiliser la seule arme à sa disposition.

  4. Justice ! je pense qu’il faut entièrement revoir la définition du mot « justice » ; MAIS surtout ceux qu’ils sont sensés la faire appliquer . Jules Renard disait : « Dieu n’à pas mal réussi la nature ,mais il a raté l’homme « .

  5. « une atteinte grave et manifestement disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ». C’est le rôle de la justice de prendre des décisions qui privent de liberté et de vie privée, les prisons ont cet objectif , faut il les vider pour satisfaire aux fantasmes gauchisants.

  6. G Darmanin, cherchant à faire un coup médiatique, a évidemment dans la précipitation mal ficelé son dossier. Mais le prédicateur est beaucoup plus malin qu’on ne le pense. Fiché S depuis près de deux ans, il a réfréné son radicalisme et ses propos haineux. On sait pourtant que ses premiers prêches haineux datent de 1998… Illustration de la faiblesse de nos politiques et de leur mauvaises habitudes de remplacer action par communication.

  7. On ne va tout-de-même pas reprocher à Macron son respect des décisions des Juges : il leur doit son siège .
    Plutôt que l’expulsion improbable de ce dangereux malfaiteur, je reprendrais le conseil donné à Giscard pour calmer son hôte de Neauphle : la castration , pour laquelle je m’étais porté volontaire comme praticien .

  8. Nous sommes dans société des corrompus, dans une société en déliquescence dans laquelle depuis Pompidou tous sans exception ont contribués à l’islamisation de notre France.

  9. Je l’ai déjà dit ici, dans le cas présent les magistrats administratifs, n’ont fait qu’appliquer le droit face à un dossier très mal ficelé, négligence de Beauvau ou volonté cachée. Pour moi par contre cet Immam doit être viré fissa.

  10. M. Zemmour a été condamné pour moins que ça ! Deux poids, deux mesures ?
    Les faits donnent raison à Eric Zemmour

  11. Les directives européennes insistent lourdement sur le fait que chaque état de l’UE se doit de faire le nécessaire afin que les étrangers extra-européens puissent mener une vie familiale normale. Voilà donc l’origine de la décision de la justice administrative française, qui n’a fait que remplir sa mission, à savoir jouer le rôle de courroie de transmission pour la législation européenne.
    Il faut regarder la réalité en face, la France a renoncé volontairement à sa souveraineté dans presque tous les domaines, elle a perdu tous les attributs d’un État. L’espace Schengen nous prive du droit de choisir qui franchit nos frontières. Une fois sur notre sol, il suffit de s’y cacher assez longtemps pour être en droit de revendiquer d’y rester. Après quelques années, l’expulsion devient quasi impossible. Les associations se chargent du soutien juridique et les recours sont si nombreux que notre administration finit inexorablement par perdre.

  12. Espérons que l’appel devant le conseil d’état annulera la décision du tribunal administratif.
    Maintenant , il faut revoir cette loi et rapidement. Des types comme cet imam doivent impérativement être expulsé .

  13. je m’étonne que boulevard voltaire prenne pour argent comptant les propos de Darmanin. La justice a jugé que les raisons de l’expulsion n’étaient pas caractérisées, et quand on va voir les vidéos de cet imam on se demande pourquoi c’est à lui que Darmanin s’en prend. quand on voit Hassen Chalghoumi soutenir Darmanin dans cette expulsion et qu’on constate que cela ne choque personne on se questionne. je rappelle que Chalghoumi est fiché par les renseignements comme proche des mouvances islamistes et que quand il travaillait à Roissy on a désactivé son pass pour cette raison. et pourtant Chalghoumi est sur les plateaux télé, et pendant ce temps c’est Hassan Iquioussen qui est jeté en pâture aux médias alors même que les islamistes lui reprochent ses possessions disant qu’il ne faut pas juger l’homosexualité et le fait qu’il dise aux jeune musulmans qui vivent en France qu’ils doivent aimer la France ! y a quand même quelque chose qui cloche dans cette histoire. Darmanin étant aux commandes on peut être méfiant…

  14. Le Ministre Darmanin savait parfaitement ce qui l’attendait. Cet imam serait extrêmement difficile à expulser. Comme tous les autres qui, malgré leurs OQTF, paradent encore sur notre territoire depuis des années et des années. Et quid de la vingtaine de mosquées qui soutiennent cet islamiste radical ?

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