SNCF, universités, ZAD : qui est responsable du désordre ?

Quoi qu’on pense du statut des cheminots ou des revendications des étudiants bloqueurs, ce sont les Français qui doivent se déplacer pour travailler ou qui veulent passer leurs examens qui paient les pots cassés. Ils commencent à en avoir assez et à s’organiser. Une trentaine d’associations d’usagers réclament le remboursement des abonnements ferroviaires. Des syndicats, comme l’UNI, ou des étudiants, à titre individuel, saisissent en référé la Justice pour obtenir le déblocage de campus. Mais qui sont les vrais responsables de la situation ?

D’abord, les cheminots, bien sûr, ou, du moins, les syndicats les plus extrémistes, comme SUD et la CGT. Ils sont dans la tradition du syndicalisme politique : le temps où le PC pilotait la CGT n’est pas loin et l’extrême gauche, présente chez SUD, fait feu de tout bois pour mettre du désordre.

Dans les universités, une petite minorité, experte en agitation, impose sa loi à l’immense majorité, avec la complicité de l’UNEF, dont les dirigeants font leur apprentissage politique. Ils ont pour soutien ces professeurs qui participent aux AG et refusent d’appliquer Parcoursup, qui serait un instrument de sélection. On peut, sans doute, reprocher beaucoup de choses à cette plate-forme, mais pas de sélectionner les étudiants ni de leur interdire l’accès à l’université. Elle vise simplement à trouver une place à chacun et à détourner les étudiants de choisir une orientation qui ne correspond pas à leurs compétences.

Tous ces nostalgiques de 1968, qui ne rêvent que de convergence des luttes, s’ils savent user de rhétorique, n’ont pas mis l’imagination au pouvoir. Ils pourraient montrer leur mécontentement par des moyens qui ne lèsent pas les usagers et s’assurer, ainsi, le soutien de l’opinion. Pourquoi, par exemple, ne rendent-ils pas les trains gratuits ? Ils risqueraient, paraît-il, des sanctions pénales. Il est, sans doute, plus facile de s’attaquer aux victimes qu’aux responsables : les gouvernements et les dirigeants qui ont fait de mauvais choix stratégiques. Les étudiants pourraient prendre le risque de perdre leurs diplômes sans empêcher les autres de les passer. Mais non : ils exigent d’avoir tous la moyenne !

Il est insupportable, dans le cas de la SNCF comme des universités, qu’une minorité porte atteinte à la liberté d’une majorité. Mais, dans cette affaire, le gouvernement a sa part de responsabilité : il passe en force, en espérant que le mouvement des cheminots deviendra impopulaire ; il va de provocation en provocation, en laissant croire que le statut des cheminots serait responsable de la dette colossale de la SNCF ; il ne réagit pas au mouvement étudiant, ne fait aucun effort de pédagogie pour expliquer la nature de Parcoursup et craint de débloquer les facs. Tout comme il tergiverse pour déloger les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, auxquels il porte plus d’attention qu’aux agriculteurs qui n’arrivent pas à vivre de leur travail.

Macron montre ses muscles en assurant qu’il conduira jusqu’au bout la réforme de la SNCF, il refuse de délivrer des "examens en chocolat", mais il ne fait rien pour que la France et les Français aillent mieux. Il s’enferme dans ses certitudes et dédaigne qui ne le suit pas. Dernièrement, devant les députés européens, il appelait à "refonder l’Europe" et à défendre "l’idée d’une souveraineté européenne". Il se préoccupe plus de l’Europe que de la France. Il ferait mieux de lui redonner sa souveraineté et de tenir compte des aspirations des Français, qui sont loin de tous adorer la technocratie et le veau d’or de la finance.

Le vrai responsable de ce désordre, c’est un Président mal élu, qui n’a pas la confiance de ses concitoyens.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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