À la mi-septembre, la grippe dite espagnole commence à faire officiellement ses premiers morts dans le nord-est des États-Unis. Le virus serait né en Chine. Un bataillon américain qui effectuait un stage de formation dans la région de Canton serait revenu à son campement de base, dans la région de Boston, avec le virus dans ses bagages.

C’est à partir de Boston que les médecins et scientifiques commencent à suivre le trajet mortel du virus H1N1 avec certitude. Au gré des transports, les voyageurs contaminés commencent à propager ce virus qui aurait muté : d’une grippe aviaire, il serait passé au porc puis à l’homme. Une autre hypothèse médicale suggère que le virus aurait pu muter directement de l’oiseau à l’homme. Toujours est-il que le virus est particulièrement violent et virulent, se caractérisant par une mortalité 10 à 30 fois plus élevée que les épidémies grippales habituelles. Ajoutons que les mouvements des troupes alliées favorisent l’expansion de la pandémie. La progression du virus est foudroyante et commence à faire des ravages parmi les soldats et la population civile.

En réalité, la grippe espagnole est déjà sur le territoire français dès le début de l’année 1918. Les premières mentions dans la presse apparaissent au printemps. Mais on tente d’en minimiser les effets. Ainsi, Le Gaulois du mercredi 26 juin 1918 explique : "Cette affection – qui ne grandit pas quoiqu'on l’ait surnommée la grippe espagnole – est heureusement facile à conjurer par quelques lavages antiseptiques naso-pharyngiens et l’absorption d’un ou deux cachets de quinine [...] C’est la maladie de saison que nos pères appelaient tout bonnement le rhume des foins."

Le qualificatif de « grippe espagnole » vient du fait qu’en juin 1918, 70 % de la population de Madrid est contaminée en quelques jours, dont le roi Alphonse XIII (1886-1941), qui s’en sortira. De plus, l’Espagne, qui n’est pas directement impliquée dans la guerre, publie librement, sans censure, des informations sur cette épidémie. Les journaux français relaient l’information de cette grippe qui fait des ravages outre-Pyrénées mais cachent la réalité en France, afin que l’ennemi ne connaisse pas l’ampleur des dégâts.

Fin septembre-début octobre 1918, des dizaines de milliers de soldats sont contaminés et beaucoup meurent de « maladie contractée en service » ou de « broncho-pneumonie grippale », comme l’indiquent les fiches des morts pour la France. Plus de 22.000 soldats français auraient été victimes de la grippe espagnole, dont Guillaume Kostrowitzky (dit Appolinaire), le 9 novembre 1918[ref] Cependant, sa fiche du ministère de la Défense indique qu’il est mort des suites de « blessures de guerre ».[/ref]

Jusqu’à la fin de la guerre, la censure minimise l’épidémie mais la rubrique nécrologique des journaux s’allonge singulièrement. Dans certaines villes, on dénombre des dizaines de décès par semaine, dont beaucoup de jeunes personnes. Des préfets, comme en Charente-Inférieure, décident la fermeture de tous les établissements d’enseignement, publics et privés, et interdit toute réunion récréative. Pourtant, jusqu’en décembre, nombre de fêtes et rassemblements, même religieux, sont annulés partout en France.

Au total, la grippe espagnole aurait contaminé environ 700 millions de personnes à travers le monde. Elle a fait de 20 à 40 millions de morts, 30 millions selon l’Institut Pasteur, voire 100 millions selon certaines réévaluations récentes. En France, elle aurait causé la mort de plus de 200.000 personnes en quelques mois.

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09 septembre 2018 à 14:30

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