La condamnation de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison, dont un ferme, ferait-elle réfléchir nos politiciens ? Le coup est dur, indépendamment des considérations bassement électorales qui présidèrent - le mot est juste - à des poursuites dont la rapidité et la vigueur n’avaient rien à voir avec l’idéal de justice cher à nos chefs d’État successifs. La manière dont l’ancien Président a été traité n’a pas ému que ses soutiens : quelle que soit l’opinion qu’on a du personnage, l’acharnement judiciaire dont il a fait l’objet, dans le fond comme dans la forme, scandalise à juste titre. Tout comme l’affaire Fillon, opportunément sortie quelques mois avant une élection…

Le scandale de cette affaire Sarkozy, au-delà de la soumission de l’autorité judiciaire au pouvoir, et de la détestation des magistrats envers celui qui les traita rudement de « petits pois », est celui de poursuites intentées sur la base d’écoutes téléphoniques entre un avocat et son client. C’est en cherchant autre chose, au terme d’une très longue enquête préliminaire, que les enquêteurs ont violé ce principe intangible du secret professionnel et ont suspecté Nicolas Sarkozy de trafic d’influence et de corruption.

Ne nous y trompons pas : le secret professionnel n’est pas là pour protéger l’avocat. Il protège son client, y compris l’honnête citoyen qui doit, comme au médecin ou au prêtre, pouvoir tout dire sans risque de « fuite ». C’est un acquis fondamental dans une société civilisée, et celle qui reviendrait sur ce droit absolu serait alors une forme de tyrannie. Le tribunal correctionnel de Paris a cependant estimé que ce secret n’était pas intangible. La phrase est lourde de conséquences. Elle sonne comme un avertissement du pouvoir des juges à destination de nos dirigeants passés, présents ou futurs.

Sur ce, le ministre de la Justice annonce à grand fracas une énième réforme de la Justice destinée à rétablir la confiance des citoyens. Au menu, un gadget (filmer les audiences), une mesure technique (la limitation de la durée des enquêtes préliminaires) et une pétition de principe : revenir sur les remises de peines et libérations anticipées instaurées depuis le début du siècle. Cette dernière proposition, seule compréhensible par les Français, est purement démagogique. Excellente dans son principe, elle est inapplicable en pratique, faute de prisons en quantités suffisantes et dotées de capacités d’incarcération dans des conditions dignes. La surpopulation carcérale impose les remises de peines, au risque de faire exploser le système. Sans construction et rénovation lourde d’établissements pénitentiaires, cette mesure ne sert à rien.

Ce n’est pas ainsi que l’institution retrouvera la confiance du peuple. C’est, en réalité, un système corrompu par l’idéologie et dépourvu de cohérence qu’il convient de réformer de fond en comble. Un livre entier ne suffirait pas à détailler toutes les mesures nécessaires. Citons, néanmoins, quatre principes qui devraient guider une telle réforme :

- rappeler que le juge est la bouche de la loi : il ne la crée pas, il n’est pas un pouvoir mais une autorité. Le gouvernement des juges est une hérésie dans un système démocratique ;
- simplifier le droit. Devenu illisible, le droit n’est plus au service de la nation mais sert de régulateur social au profit des uns ou des autres, quand il n’est pas utilisé pour restreindre l’accès au juge au travers de règles procédurales obscures et parfois iniques ;
- réduire les délais de jugement : en tous domaines, la durée des contentieux est anormale et nuit gravement à l’idéal d’une justice au service de citoyens ;
- instituer une politique pénale ferme et rapide au terme de laquelle les délinquants n’auront à craindre qu’une sanction juste et sévère.

Le reste est mesure d’applications, littérature ou effets d’annonce. Nos ministres veulent éviter, à leur tour, de subir le sort de Sarkozy ? Qu’ils remettent la Justice à la seule place qui lui convienne : au service de la justice.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/08/2022 à 18:00.

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04 mars 2021 à 11:01

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