Quand Mélenchon se réjouit de « la créolisation de la France »…

Mélenchon

Comment continuer à exister politiquement quand on est Jean-Luc Mélenchon ? Sa base électorale ouvrière est partie se réfugier chez Marine Le Pen ou dans le camp des abstentionnistes, tandis que ses dernières troupes se réduisent à des militants indigénistes dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’ils ne sont guère commodes, surtout à l’égard d’un vieux mâle blanc hétérosexuel tel que lui.

Longtemps, le patron de La France insoumise se fit fort d’être à la pointe du combat écologiste ; mais la promotion du quinoa ne suffit pas. Ce, d’autant plus que, depuis l’élection du trio infernal – Doucet, Hurmic et Appéré, à Lyon, Bordeaux et Rennes –, notre homme se trouve singulièrement ringardisé, ces nouveaux édiles sachant manifestement laver plus vert que vert.

« Et maintenant, que vais-je faire ? », comme chantait Gilbert Bécaud, naguère. Heureusement pour lui, il conserve dans la manche l’atout de la Sixième République. Une écrasante majorité de Français n’en a que faire ? Peu importe. Dans la foulée, il crée même un « think tank » – c’est décidément la mode en ce moment –, l’Institut La Boétie. Étrange intitulé que celui-ci : un autre comité Théodule, lui aussi nommé Institut La Boétie, sévissait, il y a quelques années. C’était un « think tank » libéral à la sauce néo-conservatrice ! Le gugusse ayant déposé ce nom à l’INPI, l’ancien sénateur trotskiste pourrait bien l'envoyer, un jour ou l’autre, dans les mines de sel…

Plus sérieusement, Jean-Luc Mélenchon, à l’occasion d’un de ces discours en forme de sermon qu’il affectionne tant, a donc annoncé à l’assemblée de ses fidèles : « Notre peuple s’est créolisé, le peuple français a commencé une sorte de créolisation qui est nouvelle dans notre histoire, il ne faut pas en avoir peur, c’est bien. On avance, on vit. » Ce n’est pas exactement le « Grand Remplacement » si cher à l’écrivain Renaud Camus, mais plutôt la « Grande Transformation », vocable finalement plus proche de la réalité.

Sur le constat, il ne dit finalement pas autre chose que le Rassemblement national ; à ce détail près que si lui s’en félicite, Marine Le Pen, elle, n’y voit pas que chemin pavé de roses. Certes, même en admettant que soient renvoyés immigrés clandestins et immigrés légaux s’étant rendus coupables de crimes sur le sol français, notre pays ne présenterait pas forcément un visage semblable à celui du siècle dernier. C’est ainsi, qu’on s’en félicite ou non.

Pourtant, la « créolisation » mélenchonesque ne serait-elle pas à deux vitesses ? En effet, à l’occasion de sa causerie, il s’indigne que le gouvernement puisse laisser plus de latitude d’action aux régions. « Ça veut dire des lois particulières, ce n’est plus la même loi pour tout le monde. Les lois qui se préparent sont des lois contre-républicaines. » Allons, allons, il y a bien longtemps que les lois ne sont plus les mêmes pour tout le monde, étant généralement plus sévères pour les « créolisés » que les « créolisateurs » : il suffit, pour s’en convaincre, de feuilleter la rubrique des faits divers dans les journaux. D’ailleurs, à propos de « lois républicaines », Jean-Luc Mélenchon aurait-il oublié celle du 10 août 1932, votée à l’initiative de la CGT et rédigée, entre autres personnalités de gauche, par Roger Salengro et Léon Blum, qui instaurait la préférence nationale à l’embauche, quelques décennies avant qu’un certain Jean-Marie Le Pen n'entende à nouveau la mettre à l’honneur ?

Et le patron de La France insoumise de rappeler, en un élan lyrique : « La Sixième République est un besoin vital de la nation française. » S’il le dit… En revanche, l’inverse est-il vrai ? Rien n’est moins sûr.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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