C'était il y a bientôt quinze ans, souvenez-vous. Un vent de nouveauté, à ce qu'on disait, allait souffler sur la politique. Soirée au Fouquet's, yacht de Bolloré, footing en Ray-Ban : le style tranchait, il est vrai, avec celui d'un Chirac en bout de course. Nicolas Sarkozy, sur le fond, promettait de l'autorité, du Kärcher même. Il assumait un parler « vrai » qui n'était, en fait, rien d'autre que de la vulgarité et commençait déjà à écorner la dignitas romaine que l'on associait jadis aux fonctions régaliennes.

À l'issue d'un quinquennat marqué par une hypermédiatisation obscène, un immobilisme sur les sujets sécuritaires (pour lesquels il avait pourtant été élu) et une ouverture à gauche qui n'était que le nouvel avatar de la soumission de la droite, il décida de se représenter, cette fois face à François Hollande.

Ce fut un échec, comme on sait, mais un échec terriblement coûteux. Signe de l'épuisement de la politique, le débat final semblait opposer, non pas deux futurs chefs d'État, mais plutôt un entrepreneur douteux à un secrétaire de mairie syndiqué. De dignité, point. Mais surtout, le candidat Sarkozy avait apparemment, pour rattraper son retard, organisé beaucoup de meetings et monté ou laissé monter - c'est la Justice qui en décidera -, pour les payer, un système de fausses factures via l'entreprise Bygmalion.

Six mois de prison ferme ont été requis contre lui, cette semaine, dans cette affaire, par un ministère public étrangement intransigeant. Il a déjà été condamné à un an ferme, cette année, dans « l'affaire des écoutes », mais a fait appel. La justice passera.

Tout ça est très « ancien monde », n'est-ce pas ? Aujourd'hui, on ne s'embête pas avec la justice : a-t-on des nouvelles des procès des Benalla, El Guerrab, Avia, Ferrand et tant d'autres ? Que non ! En revanche, face à la « droite » que représente Sarko, on peut se déchaîner, c'est presque un enjeu de civilisation. La Macronie a sans doute aussi compris qu'une mise en examen opportune permettait d'assassiner discrètement ses alliés : ainsi du MoDem, dont les ministres (Bayrou et Goulard) durent démissionner très peu de temps après leur nomination.

Justice politisée, exécutif indigne, députés intouchables : les trois pouvoirs exhibent leur décomposition. Nicolas Sarkozy sera-t-il condamné ? Peu importe, en fin de compte. Au fond, ce système postmoderne, exhibitionniste, pourri par le copinage, sans ligne politique, ce système que l'on dit macronien, c'était déjà celui de Sarkozy.

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18 juin 2021 à 13:00

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