Primaires républicaines : Ron DeSantis s’enfonce, Trump s’envole

trump

Ce devait être un événement médiatique de nature à relancer la campagne jusque-là officieuse de Ron DeSantis, principal challenger républicain de Donald Trump. Le gouverneur de Floride avait choisi d’officialiser sa candidature aux primaires du parti lors d’une conversation audio avec Elon Musk diffusée en direct, mercredi soir, sur Twitter. L’appui du fondateur de SpaceX et de Tesla, propriétaire du réseau social, était le bienvenu à un moment crucial pour DeSantis, qui patine dans les sondages. En face, Trump s’envole malgré ses déboires judiciaires. En mars dernier, 16 points les séparaient. Désormais, l’ancien président distance son concurrent de 34 points.

Malheureusement pour le gouverneur de Floride, rien ne s’est passé comme prévu. Les problèmes techniques se sont accumulés, retardant puis interrompant la conversation à plusieurs reprises. Un fiasco en direct qui a déclenché les sarcasmes de Donald Trump et de Joe Biden. L'ancien et l'actuel président ont, pour une fois, trouvé un terrain d’entente. Les commentateurs politiques n’ont pas été beaucoup plus tendres.

Pour Politico, cette performance ratée a donné, mercredi soir, une image de désordre qui risque d’aller à l’encontre de l’argument sous-jacent que Ron DeSantis tente de faire passer auprès des électeurs de la primaire : il est une alternative crédible et compétente « à la présidence chaotique de l'ancien président Donald Trump ».

Multiples sont les tentatives d’explication concernant les difficultés du gouverneur de Floride mais, au bout du compte, le problème est bien là : n’être qu’une « alternative » à l’indéboulonnable Donald Trump. « À certains égards, DeSantis semble entrer dans la course en tant que candidat "au cas où". Et ce n'est pas une position très enviable », note le Washington Post.

Et pourtant, ce pourfendeur du wokisme suscitait bien des espoirs du côté des républicains pressés d’en finir avec l’ancien président. Il allait réconcilier l’establishment et la base du parti, faire du « trumpisme sans Trump » ou encore s’imposer comme un « Donald Trump en plus présentable ». Mais pour le moment, rien n’y fait, les militants ne veulent pas d’une doublure plus « convenable ».

La vraie question, en réalité, concerne moins la sous-performance de DeSantis que les raisons de l’ascension continue de Trump dans un contexte qui lui est, apparemment, des plus défavorables. Premier ex-président américain à être inculpé, en avril dernier, déclaré récemment responsable d’abus sexuel, menacé d’une foultitude d’autres poursuites, Trump ne dévisse pas, bien au contraire. Pire : l’argument de l’« éligibilité » sur lequel misait DeSantis tombe lui aussi à l’eau. À la question « Lequel de ces deux candidats républicains a le plus de chance de gagner l’élection présidentielle de 2024 ? », les électeurs du GOP (Grand Old Party) répondent à 58 % Trump et à 27 % Ron DeSantis.

« Plus Trump perd, plus les républicains semblent l’aimer, pourquoi ? », s’interroge un chroniqueur sur le site conservateur anti-Trump The Bulwark, après avoir énuméré la liste des échecs et des mésaventures judiciaires de Trump. Loin de disparaître à jamais de la mémoire du parti, il améliore sa position auprès des électeurs républicains. Incompréhensible... à moins de renoncer à une rationalisation excessive de leur comportement. Là où nous voyons un obstacle, ne faut-il pas plutôt voir un chemin qui conduit à l'adhésion ? Peut-être est-ce justement parce que Trump porte en lui le « chaos » qu’il attire à lui une frange de la société que l’establishment démocrate comme républicain méprise et refuse de prendre en compte ? Aussi se tourne-t-elle vers un dynamiteur du désordre établi.

Trump est le miroir inversé des élites bien-pensantes et bien éduquées qui tentent à la fois de préserver leurs intérêts et d’imposer à l’ensemble de la société américaine leur idéologie. Il brise leurs tabous et leurs interdits. C’est parce qu’il est grossier, sacrilège et profanateur qu’il est écouté par le petit peuple des Blancs déclassés, les perdants de la mondialisation. « En 2016, j’ai déclaré : "Je suis votre voix". Aujourd’hui, j’ajoute : "Je suis votre guerrier, je suis votre justice, et pour ceux qui ont été lésés et trahis, je suis votre vengeance !" », déclarait Trump, en mars dernier.

Trump n’est pas un homme politique, c’est un archétype. Le « trickster » des mythologies et des légendes qui vient renverser les conventions et annoncer la nécessité d’un changement. Son populisme outrancier est une réponse à la fois fascinante et effrayante à la sécession des élites décrites par Christopher Lasch dès les années 90. « DeSantis pense, à tort, qu’il peut éplucher l’électorat MAGA comme une orange, analyse Alex Bruesewitz, un jeune consultant républicain proche de Trump cité par Le Monde. Mais, en 2016, Trump n’a pas gagné sur la lutte contre le wokisme ou contre Disney. Il avait promis de se battre pour les travailleurs américains, de mettre fin à l’immigration illégale, de s’opposer aux élites à Washington. »

Une analyse fouillée publiée par CNN en avril dernier montre la progression, ces dernières années, au sein du parti républicain, des « Blancs sans diplôme universitaire » qui représenteraient, aujourd’hui, plus de 60 % de tous les partisans du GOP. Une transformation de l’électorat républicain attribuée à Trump et qui constituerait son « arme secrète » pour emporter la primaire.

Cette catégorie de population progresse au sein du GOP mais diminue dans l’ensemble de la société américaine. Ce qui réjouit les analystes progressistes qui moquent la « panique blanche » de la base MAGA et dénoncent en boucle la « radicalisation croissante de Donald Trump ». Des propos qui évitent toute remise en question.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. « Son populisme outrancier est une réponse à la fois fascinante et effrayante à la sécession des élites décrites par Christopher Lasch dès les années 90 ».

    Pourquoi outrancier ? Pourquoi parler de « grossierté » ? :: « C’est parce qu’il est grossier, sacrilège et profanateur qu’il est écouté par le petit peuple des Blancs déclassés, les perdants de la mondialisation ». c’est l’auteur de l’article qui parle ! Surprenant… Pourquoi tant de haine (gratuite) et un tel mépris affiché (mais peut-être inconscient) pour l’Amérique d’en bas ?

    « Peut-être est-ce justement parce que Trump porte en lui le « chaos »  » => un « chaos » qui s' »est raduit par une absence de guerre, non ?

  2. « des « Blancs sans diplôme universitaire » qui représenteraient, aujourd’hui, plus de 60 % de tous les partisans du GOP. »
    Les « petits blancs » population d’origine des Etats Unis , et laminés pendant des années par les minorités issues de l’immigration et bénéficiant dans les universités de la discrimination positive. Les « petits blancs » sans diplôme sont aussi imperméables aux discours de la gauche qui culpabilisent et réécrivent l’histoire .

  3. Les électeurs de TRUMP seraient donc les idiots du village selon ses détracteurs. Cela me rappelle les critiques visant les électeurs du Front National… By the way, le complot anti TRUMP à l’oeuvre depuis 2016 s’apparente à un château de cartes dont toutes les cartes tombent petit à petit, tandis que les fake news des Démocrates sont dévoilées en parallèle ! Ceci explique peut-être l’enthousiasme des Américains pour TRUMP…

  4. Déjà, si les Américains ne réélisent pas Biden comme les Français ont réélu Macron, nous pourrons considérer qu’il s’agit d’un grand succès de la démocratie éternelle et universelle !!!

  5. RIDICULES les analystes progressifs cités ci dessus, mais REMARQUABLE la citation (sur la vidéo ci dessus) de D. TRUMP: elle SONNE JUSTE…  » Bon retour aux affaires, Mr Donald TRUMP « 

  6. Comme homme d’affaires, Trump a été régulièrement poursuivi pour ne oas avoir payé ses travailleurs. Trump, comme la plupart de ses adversaires des partis républicain et démocrate, sert les intérêts de la classe des milliardaires. Lui aussi est hostile aux droits des travailleurs. Lui aussi soutient le détournement de centaines de milliards de dollars fédéraux vers l’industrie de la guerre pour maintenir l’empire. Lui non plus ne respecte pas l’État de droit.Trump, dépourvu d’empathie et incapable de remords, est la personnification de notre société malade. Il est ce que la culture d’entreprise cherche à infuser chez ses adeptes. Il exprime, souvent avec vulgarité, la rage inchoative des laissés-pour-compte et est une publicité ambulante pour le culte du moi.

  7. Merci M. Lassez pour votre analyse originale et profonde des raisons de la montée de Trump dans l’opinion du peuple américain. Que BV nous donne toujours plus d’articles de ce niveau !

  8. Les pays qui soutiennent l’Ukraine n’ont pas intérêt à ce que cette guerre s’arrête! Voir mon commentaire ci-dessous.

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