[Point de vue] Mélanie Lemée : le suspect placé sous surveillance électronique

Mélanie Lemée

Une décision de justice rendue par la Chambre de l’instruction (Cour d’appel) d’Agen, le 19 juillet dernier, provoque un nouvel émoi chez les partisans d’un durcissement de l’autorité judiciaire.

Yassine El Azizi, l’homme suspecté d’avoir tué, en juillet 2020, la gendarme et judoka Mélanie Lemée, vient d’être assigné à résidence sous surveillance électronique. Cette mesure met fin à trois années de détention provisoire en maison d’arrêt. Pour rappel, cet homme avait percuté avec la voiture de la jeune gendarme de 25 ans, alors qu’il roulait sans permis et sous l’emprise de stupéfiants. Au vu des faits qui lui sont reprochés, cet arrêt de la chambre de l’instruction peut légitimement susciter une colère d’un point de vue moral. Mais il doit néanmoins être juridiquement compris.

D’abord, rappelons et c’est essentiel, que Yassine El Azizi n’a pas encore été jugé. Depuis juillet 2020, l’affaire fait l’objet d’une information judiciaire instruite par un juge d’instruction qui doit enquêter à charge et à décharge. Trois ans déjà que l’instruction a débuté sans qu’aucune décision de renvoi devant le tribunal correctionnel ne soit prise. Par conséquent, il est nécessaire, en premier lieu, de s’interroger sur la durée insensée de certaines instructions.

Les magistrats instructeurs sont particulièrement débordés et ne parviennent plus à répondre à l’exigence du délai raisonnable. C’est d’ailleurs la raison officieuse pour laquelle de nombreux procureurs décident de renvoyer les dossiers en comparution immédiate au lieu d’ouvrir des informations judiciaires. On imagine alors à quel point certaines enquêtes sont bâclées.

Mais une fois que l’instruction est entamée, que faire du mis en examen ?

C’est ici qu’il convient de réaffirmer que la présomption d’innocence doit s’appliquer en toutes circonstances. Elle est un pilier de l’état de droit. Ainsi, Monsieur Ciotti, élu de la République, ne peut pas « tweeter », « l’homme qui avait tué la gendarme Mélanie Lemée en 2020 (…) a été remis en liberté sous bracelet électronique ». Il n’est pas acceptable de porter atteinte à ce principe fondamental car il appartient, seuls, aux magistrats, de juger « in fine » de la culpabilité, même si pour l’observateur public, la personne est manifestement coupable.

C'est  bien un questionnement sur la détention provisoire qu’il convient d’avoir.

Disons-le clairement, le principe est la liberté et l’exception la détention. C’est ainsi que Robert Badinter disait, « le Juge de la liberté et de la détention est d’abord, juge de la liberté avant d’être juge de la détention ». Dans ces mêmes colonnes, on réclame d’ailleurs l’application de ce principe de liberté pour le policier de Nanterre et on s’offusque de cette détention légalement infondée.

Mais on constate que l’exception est devenue et depuis longtemps, le principe. La détention provisoire est ainsi une sorte de « pré-peine ». Dans les pays anglo-saxons, et notamment aux États-Unis, il n’est pas rare de voir un accusé se présenter libre à l’audience mais d’être incarcéré au moment du délibéré. En France, ce système que l’on appelle vulgairement, le « mandat de dépôt à la barre » est relativement rare et provoque toujours un sentiment particulier. Une personne qui comparaissait libre est alors, en fin d’audience, dans cette même salle, menottée par les gendarmes, au milieu des avocats et du public, pour être emmenée directement en prison.

Ainsi, comme la détention provisoire est l’exception, et si les conditions sont remplies, le juge de la liberté et de la détention doit faire autrement. Il peut alors envisager ce fameux placement sous surveillance électronique en attendant la tenue du procès.

Rien n’empêchera alors les magistrats qui seront chargés de juger de cette affaire, de prononcer une peine de prison bien plus longue que trois ans, et qui aura donc comme conséquence de renvoyer Yacine El Azizi en prison.

Les usages sont malheureusement un peu différents et on observe peu de retour en détention. Ces questionnements sont récurrents et le pouvoir politique ne s’en empare par franchement. On aurait dû, depuis longtemps, légiférer sur ces questions. Il y a donc urgence à régler cette problématique fondamentale et pérenne.Ce d’autant que la France vient d’être une nouvelle fois condamnée, le 6 juillet dernier, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui rappelle à notre pays, la nécessité de remédier au problème systémique de la surpopulation carcérale. Au 1er juillet 2023, le taux moyen de suroccupation des maisons d’arrêt était de 121,7 %...

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

22 commentaires

  1. « C’est ici qu’il convient de réaffirmer que la présomption d’innocence doit s’appliquer en toutes circonstances. » Même en cas de flagrant délit? Rappelons aussi que le père Hamel a été froidement égorgé en plein jour par un « présumé innocent » sous bracelet électronique. De quoi se marrer si ce n’était aussi scandaleusement gravissime.

  2. Honte à cette justice! Honte aux juges! Première des choses à faire : interdire les syndicats dans la magistrature et en particulier le SM, car contrairement à ce qu’affirment les juges, ils ne sont pas indépendants puisqu’ils obeéssent à leurs syndicats.

  3. Définition du verbe « Tuer » dans le dictionnaire de l’Académie Française : Ôter la vie d’une manière violente. Je ne vois donc pas pourquoi Mr Ciotti ne pourrait pas utiliser le verbe tuer. Les faits, Rien que les faits. On aurait pu s’interroger si Mr Ciotti avait employé le terme « assassiner » qui implique une préméditation.

  4. J’ai honte de cette justice ou les juges et politiques ont multiplié et complexifié les procédures et ensuite viennent se plaindre d’être surchargés alors qu’ils effectue des taches qu’une simple organisation par même des non juristes pourraient effectuées.

  5. c’est une honte pour la justice quand on voit un policier qui est en prison pour des faits qui jusque la n’est pas établi est en prison et que les malfrats eux sont dehors honte a la justice française

  6. Oh, ça doit être les conséquences de la mise en application du nouveau délit « d’homicide routier » si cher à élisabeth et éric ! Ca commence bien !

  7. Les magistrats sont débordés ! Mais cela dépend de ce qu’ils ont à régler. Pour une demande de refus d’un mariage blanc vous avez une réponse positive sous 5 jours, mais là il est vrai que cela est une priorité. Mais le reste peu attendre, sauf si c’est l’inverse, l’actualité récente en est la preuve. et c’est l’isolement complet de la personne, car il semblerait qu’il ne puisse recevoir aucune visite de sa famille ! Deux poids deux mesures ainsi va la justice en France Zélée dans un sens, laxiste dans l’autre ! Certains penseront que je suis un peu « aigri » dans mes commentaires, mais je ne leur souhaitent pas de vivre ce que je vit, et vécu en ayant donné de mon temps pour essayer de faire bouger les choses, c’est souvent ce que j’ai vécu qui me fait dire ces choses !

  8. Maintenant que l’on a plus des « pro-euthanasie » dans ce gouvernement, il ne reste qu’à espérer que cette euthanasie ne sera pas seulement proposée aux gens honnêtes et pacifiques : je ne pense pas me tromper en disant que tous les Français civilisés seront d’accord de la proposer aux assassins, aux criminels et aux barbares qui se sentent malheureux dans notre pays mais qui n’arrivent pas à le quitter.

  9. Il est d’une extrême urgence de revoir la justice en profondeur. Comment avoir confiance dans cette grande institution qui régie tant de vies..

  10. J’ai un gros problème avec la « présomption d’innocence « … On arrête un homme, pris sur le fait et qui a :  » percuté avec la voiture la jeune gendarme de 25 ans, alors qu’il roulait sans permis et sous l’emprise de stupéfiants. » Et… il serait peut être innocent.. il faut que ce soit un juge qui décide que cette personne PRISE SUR LE FAIT est coupable ou non… ainsi ce ne sont pas les faits, mais la décision d’un juge qui définit la culpabilité ou non d’un individu… Et tant que ce juge n’a pas décidé, on peut relâcher dans les rues un assassin dangereux qui peut, comme celui-ci recidiver sous l’emprise de la drogue et de l’alcool …

    • Bonjour François47, Je suis d’accord avec vous. Les juges décident mais ne sont responsable de rien. Dans un cas flagrant de culpabilité, la personne qui remet en liberté le coupable, devrait être sanctionnée aussi durement que ce dernier en cas de récidive ou d’autres délits.

  11. elle aurait du sortir son pistolet , elle serait en prison ,mais toujours en vie.
    Merci à notre police .
    Respect pour cette jeune femme ,victime de la lâcheté.

    • Le prénom Kévin n’a rien de français, mais est un prénom anglais-saxon fevenu à la mode dans notre pays suite au superbe film « (danse avec les loups » où le rôle principal était joué par Kevin Costner. Matteo non plus, d’ailleurs. Ce serait plutôt un prénom espagnol, si je ne me trompe.

  12. Et après on nous dira qu’il faut avoir confiance dans la justice de notre pays. A-t-elle eu droit à une minute de silence à l’assemblée nationale et au sénat ?

  13. Grande tristesse pour la famille et les proches de cette jeune femme tuée en service, grande tristesse pour notre pauvre France. Les bienfaits de l’émigration de sont plus à démontrer, force est de constater que le monde politico-judiciaire est atteint de racisme anti France.

  14. Et le policier qui a tué Nahel en légitime défense est en prison , belle justice que celle de ce pays .

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