[Point de vue] Du passé faisons table rase ?
Une remarque liminaire : ne voyez dans ce propos nulle complaisance envers l’URSS et le communisme, que ce soit celui de Staline ou de toute autre obédience. Le communisme est une idéologie intrinsèquement nocive, l’Histoire l’a mainte fois prouvé, et tous ceux qui prétendent que seules ses incarnations passées sont fautives car infidèles au modèle théorique se leurrent, au mieux, ou mentent effrontément. L’URSS a été un empire totalitaire, brutal, asservissant ses peuples et les nations liges. Ni fleurs ni couronnes pour l’empire défunt, et surtout pas d’acharnement thérapeutique pour l’idéologie moribonde, dont l’agonie semble déjà si longue !
Dans l’hubris où la crise ukrainienne semble embarquer l’Occident, deux États baltes, la Lettonie et l’Estonie, se livrent à une éradication des monuments soviétiques. En Ukraine aussi, des monuments jugés trop russo-compatibles ont été détruits : par exemple, a été décapitée une statue dédiée à l’amitié entre l’Ukraine et la Russie. D’autres profanations ont eu lieu en Allemagne et en Bulgarie. Ne nous moquons pas trop fort, ce serait hypocrite et prétentieux. Avons-nous su empêcher des crétins de maculer la statue de Colbert ou de déboulonner des statues de Victor Schœlcher ou de Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie ? N’avons-nous pas donné à la Femen Inna Chevtchenko un asile politique bien généreux et un soutien officieux à ses entreprises subversives quand son CV mentionnait la destruction d’une croix à la tronçonneuse à Kiev ?
La majorité de ces lieux de mémoire détruits ou profanés récemment est dédiée à la Seconde Guerre mondiale et au lourd prix payé par les Soviétiques, principalement russes, pour une victoire sur le nazisme. Les suggestions de la propagande officielle de faire de la Russie une incarnation permanente du mal n’y peuvent rien changer, même si, au début de cette guerre, l’URSS et l’Allemagne nazie était alliées pour dépecer la Pologne. Que Roosevelt et Churchill se soient montrés naïfs à Yalta, que Staline les ait roulés dans la farine ne diminuent en rien le devoir d’honorer ceux qui ont consenti à tant de sacrifices pour détruire cette menace. En outre, l’adage latin de mortuis nihil nisi bonum (« ne rien dire des morts sinon du bien ») est sans doute un marqueur de civilisation qui devrait, avant tout acte de vandalisme, nous interroger : est-il un mort qu’il serait justifiable d’outrager ?
Notre époque consacre la dictature de l’émotion. Depuis Bernays en passant par Goebbels jusqu’aux modernes techniciens du nudge, façonner l’opinion publique pour orienter ses choix est le moyen le plus sûr, pour un dirigeant peu scrupuleux, de dérouler une feuille de route. Ces destructions sont peut-être des catharsis collectives orchestrées à dessein, comme les deux minutes de la haine inventées par George Orwell dans 1984 ?
Autre symptôme constaté sur notre époque malade : son incapacité à s’extraire d’une autre dictature, celle de l’instant. Bien sûr, dirigeants et médias en jouent et en abusent : seul le passé très récent est pris en compte, seules les conséquences immédiates sont envisagées. Quelle indigence de la pensée découle de ces temporalités étriquées. Rétablissons le temps long !
Des peuples antagonistes sont parvenus à se réconcilier : l’Allemagne et la France, par exemple. Cela ne s’est pas fait en occultant l’Histoire ou en la falsifiant. Ces damnatio memoriae modernes ne seront que des obstacles supplémentaires semés sur le chemin des futures réconciliations entre les peuples. Il faudra bien, un jour, que le ressentiment entre chaque ancien peuple vassal et la Russie héritière malgré elle de l’URSS s’étiole et disparaisse, mais ce sera impossible en travestissant le passé. En témoigne ce qui se passe entre la France et l’Algérie...
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Un vert manteau de mosquées
11 commentaires
Mon cher Rémy. Vous rêvez en parlant de la réconciliation Germano-Française. Ce sont deux peuples qui se détestent mais il faut bien faire semblant. Les affaires sont les affaires et les évènements actuels nous lèvent un peu le voile sur cette prétendue « réconciliation ». Je parle en connaissance de cause ayant des antécédents des deux côtés de la frontière. Je pourrais vous en raconter!…
Je ne crois pas que vous ayez raison. Que ces deux peuples ne se comprennent pas au quotidien est une évidence. Mais ils ont, je crois et si tant est qu’un peuple puisse éprouver un affect, compris combien les guerres passés les ont meurtris, combien il est indispensable pour ne pas s’anéantir l’un l’autre d’enterrer cette hache de guerre. (Je suis dans une situation sans doute similaire à la votre, mon père officier français ayant épousé une jeune allemande après la guerre, et mon expérience me confirme dans l’effectivité de cette réconciliation.)
Puissiez-vous avoir raison. J’en serais la première enchantée. L’avenir est plein de surprises.
Le prix payé par les soviétiques ? Comme pour l’Ukraine aujourd’hui, les bouchers dirigeants de l’ère Staline ont sacrifié de la chair à canons, baïonnette dans le dos, venue des républiques périphériques. La culture russe n’attache aucun prix à la vie humaine. Et vouloir détruire aujourd’hui des monuments à la gloire de l’URSS érigés par la volonté et sous l’occupation des « libérateurs » redevenus des bourreaux sanguinaires ne paraît pas une mesure inadmissible, sinon dans l’intellectuel éthéré de ceux qui ont bénéficié, eux, d’une VRAIE libération en 1945 pour une démocratie « non populaire ».
« Ni fleurs ni couronnes pour l’empire défunt, et surtout pas d’acharnement thérapeutique pour l’idéologie moribonde, dont l’agonie semble déjà si longue ! » Elle est très longue, car elle n’est pas moribonde mais à l’état de zombie toujours actif. En 1945 elle a colonisé la totalité des nouvelles structures administratives françaises, grâce à l’accord entre Thorez, de retour de Moscou les bras chargés de consignes, et de Gaulle pour qui seule comptait l’apparence du pouvoir. Depuis lors, le cancer n’a fait que croître et métastaser, aboutissant à la France macronienne actuelle. Etape suivante : la France nouvelle Chine communiste, voire Corée du Nord.
Ce n’est pas mon habitude, mais je ne serais pas si dur que vous envers de Gaulle. Je pense qu’il souhaitait absolument préserver les pouvoirs régaliens police justice armée diplomatie d’une main-mise communiste, et qu’il leur a concédé comme lot de consolation une chasse gardée à l’école et l’université. Avec le désastre que l’on constate 3 générations plus tard, il a sacrifié le temps long au temps court et l’a payé cash en 1968. Je peux bien sûr me tromper …
Les monuments qui parlent de notre Histoire font partie de nos racines. Pour nous détruire il faut d’abord nous en couper puis nous discréditer en nous déclarant odieux voire dangereux pour les autres . Le mâle hétérosexuel blanc est une cible de choix avec tout ce qu’il peut représenter de nocif pour une société laxiste. En vue de construire un autre monde une autre religion un autre style de vie il convient de rendre insupportable le précédent .
Est il possible de garder tous les monuments commémoratifs ( c est à dire sans autres utilité que commemorer )? A force, avec le développement de ‘histoire humaine nous vivrions au milieu de monuments. Il n ‘y aurait plus de place pour autre chose. On aurait du mal à circuler sur les places au milieu des statues surajoutées les unes aux autres Nus sommes obligés de choisir . On ne peut pas tout garder.
C est comme les publicités, elle se remplacent les unes les autres. Mais il reste une trace dans l’insconscient individuel et collectif.
Entre, éventuellement, « faire le tri » et permettre à n’importe qui de massacrer des monuments, il y a tout un monde. Enfin, il me semble.
donc ,si je vous comprend bien , quand la France sera musulmane ,ils sera normal de détruire toute les églises et les remplacés par des mosquées? rasészs tous les cimetières militaire et monument à la gloire des anciens.
1) Sur l’URSS, il faut distinguer deux périodes bien distinctes. De 1917 à 1941, et de 1941 à 1990 : avec la guerre tout s’inverse. En 1941 promotion du patriotisme russe, en 1943 réhabilitation de l’Eglise orthodoxe, en 1948 lutte contre les Jxxfs, désignés comme agents du sionisme international et de l’impérialisme américain.
2) Sur la France et l’Allemagne, on doit dire, et je l’ai vécu, que les Allemands n’aiment pas les Français, et que les Français ne comprennent pas les Allemands. Mais on doit se féliciter que l’invraisemblable propagande anti-allemande de la Troisième République, qui avait besoin de créer un ennemi extérieur, ait pris fin.
3) Sur « Du passé faisons table rase », il faut noter que le seul passé qui doit dispaître, pour les bolcheviques comme pour les wokistes, c’est le passé des Blancs.