Plus transgressif que l’art contemporain : à quand saint Michel place Vendôme ?

Place Vendôme

Mauvais temps, ces derniers jours, pour les chefs-d’œuvre d’art contemporain à Paris : entre les chantiers chers à Anne Hidalgo et les poubelles abandonnées (grève oblige), on les distingue à peine. Il ne faudrait pas qu’à l’instar de leurs collègues italiens, il y a quelques années, des éboueurs zélés reprenant le collier soient tentés de s’en saisir à bras le corps et de les jeter, allez zou ! en même temps que tout le reste. Comme dirait La France insoumise, c’est en ces moments-là qu’on mesure l’utilité des ces métiers. 

Le célèbre artiste plasticien français Bernar - sans « d », s’il vous plaît, bande de ploucs - Venet est bien tranquille : ses installations métalliques sont si lourdes - sur Instagram, on peut voir la vidéo du convoi exceptionnel qui les a apportées laborieusement - qu’elles ne risquent pas de quitter par inadvertance, dans une benne, la place Vendôme où elles « se sont échouées », selon l’expression du site SortirÀParis.com. Bien trouvé : de loin, on croirait en effet un rafiot coulé il y a trente ans dans la rade de Brest. Ou bien les poutres d’un viaduc en construction que des ouvriers auraient laisssé choir le temps du week-end pascal. 

Il est convenu de trouver ça beau. En cherchant, sur Twitter, on trouve même une assez jolie photo ensoleillée même si, à dire vrai, on y voit surtout la colonne Vendôme. Disons, en tout cas, que l’ensemble imposant impressionne et que, comparé au plug anal et autres curiosités du même genre - car la place Vendôme est devenue, au fil du temps, galerie éphémère d’art contemporain -, cette ferraille est plutôt sobre. Et même, au risque de vexer l’artiste, presque classique. La transgression est une fuite en avant compliquée, surtout quand la première marche a été un bidet. Dès que l’on décélère, on est foutu. 

« La parabole de l’histoire », une « installation méthodiquement chaotique », « une vision presque irréelle d’une collision céleste - terrestre ». Le guide SortirÀParis ne craint pas l’emphase. « Deux sculptures, semblant tombées du ciel » : on l’a déjà dit, c’est bien par voie terrestre qu'elles sont arrivées, mais par quel biais ? La question reste posée. Pourquoi la place Vendôme est-elle devenue une extension de galerie d’art ? Depuis quelques années, on sait que la FIAC sort du Grand Palais et vient envahir les lieux emblématiques de la capitale… et en particulier la place Vendôme. On appelle cela joliment la FIAC hors-les-murs. Cela commence en octobre et peut se poursuivre bien plus tard, comme pour le Flying Dragon d’Alexander Calder qui, en 2022, est resté place Vendôme jusqu’en janvier. Mais nous sommes en avril… Ces barres de fer sur la place Vendôme sont un prolongement, lit-on, de l’exposition intitulée « Difféomorphismes et Discontinuité », du même artiste, dans les galeries Perrotin du Marais et de Matignon. Mais pourquoi investir ainsi la voie publique ? 

Ce qu’aux Sables-d’Olonne, on n’autorise pas à saint Michel, comment le permet-on à ces artistes à visée lucrative ? La loi de 1905 ? Comme si l’art contemporain n’était pas aussi une religion, avec ses grands prêtres, ses thuriféraires, ses anathèmes, et sa foi… il en faut pour s’extasier sur ces chefs-d’œuvre.

Le 15 avril, cette exposition temporaire se termine. Peut-on suggérer, pour la suite, une œuvre polémique, condamnée, conspuée, qui relancerait la machine à transgresser un peu fatiguée ? Si l’on accueillait, place Vendôme, une autre « sculpture semblant tombée du ciel », éminemment déviante ? Puisque l’art contemporain se nourrit de l’art ancien comme d’un écrin contrasté qui suscite le scandale, pourquoi, par une mise en abyme et un curseur poussé toujours plus loin, l’inverse ne pourrait-il pas être vrai ? Quoi de plus choquant, pour l’art contemporain, qu’une statue figurative et chrétienne ? Et pour pousser l’inversion jusqu’au bout, ce ne serait plus, cette fois, l’art contemporain des grandes métropoles qui viendrait aux sous-préfectures, mais le contraire : et si Les Sables-d’Olonne envoyaient, par convoi exceptionnel, leur persona non grata de bronze pour qu’il devienne un saint Michel hors-les-murs place Vendôme ? 

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Franchement c’est quoi encore cette horreur ! N’y a t il pas un peu de bon sens à place Vendôme pour retirer cela ? Alors que le conseil d’état fait déboulonner l archange gabriel d’une place on met des choses insignifiantes et de mauvais goût sur une place assez conséquente de paris.

  2. L’art est le reflet de son époque… le contemporain n’échappe pas à ce constat. Une époque « poubelle ».

  3. Très bien l’éditorial de Gabrielle Clauzel. Pour ma part, l’un n’empêche pas l’autre. A savoir : j’aime les statues de Vierge installées depuis des lustres sur les bords de nos petites routes, les Saints de nos places souvent devant les églises… Mais j’aime aussi certaines sculptures plus modernes installées temporairement dans des lieux où elles peuvent paraître insolites. Les oeuvres de Bernard Venet ont le mérite de nous faire découvrir l’espace autrement, de souligner de nouvelles lignes. C’est le cas sur la place Vendôme et ça l’était aussi devant le château de Versailles il y a quelques années.

    • Un « plug anal », une demi douzaine de poutrelles de ferraille rouillée entremêlées, un truc un forme de cornet acoustique qu’on aurait pu baptiser « trompe d’Eustache », titre auquel on a préféré « vagin de la reine » (ça fait plus parler), quelques bâches blanches entortillées autour d’un monument… voila « l’art moderne » ! On s’extasie devant ce qu’on peut pour paraître « in »…

  4. Sur le moment, j’ai cru qu’il s’agissait de bois de débardage tombés d’un camion pour servir de bois de chauffage mais oser qualifier ça de chef d’oeuvre, ça dépasse l’entendement. Ce n’est qu’une pollution pour la vue et pour l’esprit. Le meilleur endroit pour cette horreur serait la déchetterie. Je présume qu’il a fallu prévenir les éboueurs afin que, dans leur élan et en même temps que les autres déchets, ils ne ramassent pas ce tas d’ordures !……

  5. Ces dits « artistes » ont besoin d’un support historique pour valoriser leur travail. Placez ce tas de ferraille sur un rond-point quelconque, il passerait inaperçu.

    • De toute façon, ce n’est pas parce que ce tas de ferraille est placé à côté de la merveilleuse Colonne VENDÔME que ça le valorise. Tout le monde doit se demander ce que fait ce tas de ferraille dans un tel endroit. Comme les temps sont durs pour tout le monde, les ferrailleurs vont certainement le ramasser pour se faire 4 sous et désencombrer cette belle Place……

  6. Ah oui percher St Michel sur le haut de la colonne Vendôme là ce serait art moderne….en plus on pourrait mettre Napoléon à la place de St Michel qui sait ce que diraient les laïcards des Ssables d’Olonne et je ris déjà de la tête de ces ripoublicains de carnaval devant l’empereur… Au moins les déboulonneurs de statues auraient du mal, si haut (et plus près du bon Dieu qu’ils honnissent, aussi lol)… Bon ok faudrait un hélicoptère mais tout est possible si on veut.

  7. Quelqu’un m’a dit un jour: vous ne comprenez pas les oeuvres contemporaines car vous n’êtes pas initié..
    M’initier au traumatisme auditif, à l’interprêtation de taches informes sur une toile ou à l’agrément de caresser du métal rouillé, non merci! Considérer des escrocs ou des cinglés comme des génies artistiques, non merci!
    Je ne comprends pas l’apathie des parisiens devant le saccage de leur ville, qui était aussi la mienne. La plus belle ville du monde que j’ai quittée ( presque ) sans regrets depuis le début de son massacre…

  8. Chez nous ce genre d’œuvres d’art intéressent surtout les gens du voyage et certains voyageurs d’Europe de l’est (Roumanie, Hongrie, bulgarie) de véritables pros qui vous estimes le poid au 100 grammes près et qui vous disent sa valeur à la revente

  9. C’est étonnant que sous le nom ‘’d’art contemporain’’ on présente , ce qu’autrefois on aurait appelé des déchets, des detritus , des poubelles,des immondices, des ordures …. comme des ‘’oeuvres d’art de grands artistes “ qui de plus se vendent très cher. Tant mieux pour ces ‘’artistes “, il en faut pour tous les (mauvais) goûts

  10. On se demande qui a encore envie de visiter Paris ? Le con-tribuable parisien connaît-il le coût de ces prétendus chefs d’oeuvre ? Les décideurs, les maires de ces villes, la maire de Paris habillée en Dior sur le dos du con-tribuable spolié, ville au bord de la faillite, devront-ils rendre un jour compte de cette gabegie ? Ou sont-ils toujours classifiés en irresponsables les pauvres ?

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