Pécresse, Attali : chacun sa vision du « Grand Remplacement »…

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On va dire qu’on progresse : le « Grand Remplacement » ne serait plus seulement cette « théorie du complot d’extrême droite », comme on peut le lire dans la fiche que Wikipédia consacre à cette expression, mais une réalité : une « indéniable réalité biologique », une « réalité historique avérée », un « fait avéré de l’Histoire des religions ». Dixit... Jacques Attali ! Dans une tribune publiée sur son blog, le 16 février, et intitulée « Le Grand obscurantisme ».


Avant d’y venir, on ne résiste pas, histoire de traiter le sujet du moment, au plaisir de faire un petit détour buissonnier par la polémique suscitée, en début de semaine, par Valérie Pécresse, après son meeting mythique où elle déclara : « Face à ces questions vitales, pas de fatalité. Ni au Grand Remplacement, ni au grand déclassement. » La formule était bien trouvée. Malheureusement, on ne fait pas piloter une Formule 1 à un (ou une !) automobiliste qui ne dépasse pas la quatrième sur l’autoroute : c’est l’embardée assurée dès que la chaussée devient un peu glissante. La preuve, dès le lendemain, la candidate des LR était « sommée de s’expliquer », comme on pouvait le lire sur le site de BFM TV. Et de rétropédaler : « Soyons très clairs, je suis le vrai rempart républicain à la théorie du “Grand Remplacement”… Je la déteste, je la combats, cette théorie est une théorie de la haine et de la peur. » Donc, on comprend que si Valérie Pécresse venait à être élue, elle se battrait de toutes ses forces contre la théorie du Grand Remplacement et non contre le Grand Remplacement ! On va en rester là, au nom du peu de charité chrétienne qu’il nous reste.

Mais revenons vite à Jacques Attali avant qu’on nous reproche d’exploiter ses propos en les tronquant ou les déformant. En quatre lignes, l’ancien sherpa de Mitterrand nous balaye de son regard d’aigle toute l’histoire de l’humanité (« De tout temps, les hommes », écrivait-on dans nos dissertations adolescentes).

« Des peuples ont sans cesse été remplacés par d’autres ; chaque pays d’Europe porte le nom d’un envahisseur ; l’Allemagne est même désignée sous le nom de trois d’entre eux (Alamans, Deutsch et Germains) ; et la France d’aujourd’hui porte le nom d’un occupant, qui prit la place d’autres habitants (les Gaulois, qui eux-mêmes, etc.)… » Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas vrai non plus. Ce n’est même pas vrai du tout si l'on en croit l'historien Jacques Dupâquier* (1922-2010), qui estimait que les Francs ne furent pas plus de 100.000 à envahir la Gaule alors que la population gallo-romaine s’élevait, à l'époque, à sept ou huit millions d'êtres sur le territoire de la France actuelle. Les Francs n’ont pas remplacé les Gallo-Romains.

Mais en s’appuyant sur cette récurrence très approximative, Jacques Attali nous présente le « Grand Remplacement » comme un phénomène inéluctable, une sorte de loi naturelle contre laquelle il serait vain de lutter : « Quoi qu’on veuille, ils viendront de plus en plus nombreux, d’Afrique et d’Asie, attirés en Europe par la sécurité qui leur manque tant. » Mais Jacques Attali « positive », car ces gens apporteront « leur travail, leurs compétences, leurs volontés, leurs énergies, leur créativité, leur cuisine, leur musique, leur vocabulaire, leur culture ». Pour Jacques Attali, le « Grand Remplacement » n’est donc pas une « théorie de la haine », comme l’affirme Pécresse, mais une réalité. Mieux : une véritable chance pour la France. Visiblement, on ne doit pas vivre dans le même monde.

Rien de nouveau, finalement, depuis Mitterrand. Là où l’on peut être d’accord avec Attali, c’est lorsqu’il écrit : « Chaque génération est remplacée par la suivante. Et, d’une certaine façon, la peur du Grand Remplacement renvoie tout simplement à la peur de la mort. » La génération Mitterrand n’échappe pas au phénomène et ce n'est pas une mauvaise nouvelle.

* In Naissance d’un peuple : l’histoire démographique de la France. Qui a peur du baptême de Clovis ? Actes de la Ve université d'été de Renaissance catholique, août 1996. 

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

73 commentaires

  1. Une « chance pour la France » selon Attali qui reprend ce poncif éculé que plus personne même parmi les gauchistes les plus extrémistes n’ose employer en 2021

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