Marine Le Pen et Samuel Étienne, comme un vieux souvenir

Marine Le Pen Samuel Étienne

Je ne voudrais pas rater une occasion de faire plaisir à Samuel Étienne. Il est si gentil, ce journaliste à tête de petit garçon blanchi sous le harnais de l'info juste, droite et républicaine. Alors, je voudrais lui dire que c'est grâce à lui que j'ai découvert Marine Le Pen.

Il ne s'en souvient sûrement pas, puisqu'il a l'air de la découvrir, ces jours-ci.

C'était fin 2008. L'émission s'appelait « Questions de génération » : chaque invité politique devait répondre aux questions de lycéens réunis sur le plateau. Ce jour-là, toute une classe était invitée. Une classe de banlieue, ou de quartier défavorisé d'une grande ville (ce qu'on dit – avec un racisme latent, je le note – quand elle est composée à parts égales de Blancs et de « racisés »).

La « prof » était elle-même racisée, et sans doute « décoloniale » avant l'heure. Tous regardaient, la peur dans les yeux, le grand fauve blond qui venait d'entrer dans l'arène - pardon, dans le studio : Marine Le Pen. Elle n'était encore, à l'époque, que la fille du monstre.

Et la gauche, on le sait depuis Trofim Lyssenko, ne croit pas à l'hérédité, cette fausse science bourgeoise... sauf quand il s'agit des Le Pen ! Là, la monstruosité se transmet de père en fille et en petite-fille, c'est bien connu. Donc, ils étaient tous là, pétrifiés, les yeux écarquillés. On les avait prévenus, chapitrés : attention à vos questions, elle peut mordre - voire vous manger, si elle a faim.

Pour ma part, ce que j'ai vu alors, c'est une grande femme qui, après s'être courtoisement penchée vers le petit journaliste, s'est lancée dans l'arène sans une once d'hésitation, tout sourire, les bras écartés comme si l'assemblée n'était la que pour l'acclamer. Je l'avoue, rien ne m'impressionne plus que le courage et je restai bluffée.

Face à cette enseignante au sourcil froncé, à la bouche pincée, face à ces ados terrifiés, elle resta pleinement calme, comme si elle n'avait rien remarqué, répondit avec grâce aux questions et sourit, sourit, sourit… à l'infini, comme on lance une bouteille à la mer en se disant que peut-être quelqu'un recevrait ce sourire et y répondrait, ne fût-ce qu’intérieurement. Notons que, ce jour-là, Samuel Étienne fut très courtois lui aussi, aimable, visiblement fort content d'une invitée qui allait faire monter l'Audimat™ de son émission.

Aujourd'hui, plus de douze ans après, il est devant un choix douloureux.

Si Marine Le Pen répond à son invitation - tardive et contrainte - sur Switch, la Web TV, et qu'il ne la reçoit pas chez lui - où il a enregistré les deux premières émissions -, il va surement rater l'interview de sa vie et manquer une augmentation de Switch followers record.

Mais c'est vrai que s'il la reçoit chez lui, outre un nettoyage de type Covid-19 nécessaire après son passage, il risque d'être boudé par Télérama, lynché par Libé, agressé par Obono ou Jadot… Avant de se décider, il ferait bien de prendre l'avis de l'Élysée qui lui donnerait le feu vert. Car il faut faire monter Marine Le Pen, et vite, pour que ce ne soit plus une classe mais la nation tout entière qui ait la peur de sa vie et vote, dans un an, pour la reconduction de la dictature sanitaire.

Attention, cependant : certains spectateurs pourraient - comme moi en 2008 - être impressionnés par les qualités de courage et de résistance à l'adversité de Marine Le Pen et en conclure que, par les temps de soumission qui courent, ce sont ces qualités-là qui comptent… C'est peut-être plus ce dilemme-là que la litanie usuelle – et usée - des « valeurs de la République » qui guidera leur choix.

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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