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Félinologue et félinophile de grande race, Alain de Benoist n’a jamais caché sa dilection pour les animaux de manière générale. Son dernier essai consacré à « la place de l’homme dans la nature » (sous-titré « Réponse aux antispécistes ») en est une magistrale illustration. Comme toujours avec l’auteur de Ce que penser veut dire, le propos se veut aussi didactique que lumineux et profond, sans se perdre dans l’abscondité ou l’ésotérisme universitaire. Philosophe des idées politiques, avec une maestria vertigineuse, Alain de Benoist se montre aussi compétent en économie, en histoire du cinéma, en littérature ou, en l’espèce, en sciences naturelles.

Dédié à son ami, le biologiste Yves Christen, plume régulière de la revue Eléments, l’opus de Benoist se présente comme une réponse à la question posée par Christen, dans un essai éponyme publié en 2009 : L'Animal est-il une personne ? Déguster une huître revient-il à manger une personne ? Ce serait, en substance, l’avis de Yves Christen comme de la majorité des « antispécistes » pour qui écraser un moustique s’analyserait en un holocauste insecticidaire. Ce faisant, la postmodernité a dévié vers l’autre extrémité de celle qui a consisté, durant des siècles, notamment sous l’influence du christianisme, en un hyperspécisme hiérarchisant, l’irréductible différence entre l’homme et l’animal tenant au fait que ce dernier serait privé d’âme – à laquelle, à l’époque des Lumières, l’on substituera l’esprit puis, plus tard, la culture.

Lors même qu’elle s’infléchirait gravement sous l’empire de démarches déconstructivistes, la frontière entre l’homme et l’animal est fixée sur la capacité d’abstraction amenant l’homme à avoir conscience non pas seulement de lui-même, mais de sa propre conscience ainsi que de son historicité, voire de sa capacité indéniable d’interprétation symbolique, autant de marqueurs anthropologiques qui le distingueraient à jamais de l’animal – en ce sens, le philosophe et sociologue allemand Arnold Gehlen aurait dit que l’anthropologie ne s’écrit pas comme « le dernier chapitre » de la zoologie.

Loin de témoigner d’un entêtement logocentrique ou « gnoséocentrique » qui, d’une certaine manière – loin, bien sûr, de la théorie de l’animal-machine de Descartes –, resterait inflexiblement adossé, malgré tout, à la supériorité de l’homme sur l’animal, Alain de Benoist montre que la question de la place de l’homme par rapport aux autres animaux doit échapper au réductionnisme. De manière assez convaincante, il fait pièce aux thèses de Christen et des antispécistes comme à celles de leurs épigones en recourant à l’épistémologie de l’émergence qui repose sur des prémisses empruntées à Heidegger et à l’éthologue Konrad Lorenz : « La nature de l’homme a une part animale évidente, mais ce qui en l’homme est le plus spécifiquement homme l’éloigne de ce règne animal auquel tant d’autres traits le rattachent. Si l’homme diffère de tous les autres animaux, c’est qu’il y a chez lui des propriétés émergentes qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans le règne animal. Ces propriétés ne tiennent pas tant aux capacités supérieures qu’il déploie dans tel ou tel domaine, même si celles-ci sont difficilement niables, qu’à des caractéristiques générales qui lui sont particulières. »

On retrouve, là, une conception chère à l’anthropologie philosophique de « l’homme lacunaire » développée par Arnold Gehlen qui considérait que « l’homme est un être de culture par nature ». Aux termes de cet attendu, l’indifférenciation égalitariste pratiquée par les vegans, antispécistes, zoophiles et autres illuminés des « droits des animaux » (qui font de l’égalité une mêmeté) démontre la fausseté de leurs thèse dans la mesure où elle apparaît comme la manifestation d’un anthropocentrisme.

Dans le sillage de Rousseau, Alain de Benoist nous rappelle, avec sagesse, que l’animal n’a pas de droits, mais que nous avons des devoirs envers eux en raison d’une co-appartenance renvoyant à l’idée de cosmos.

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23 janvier 2021 à 17:12

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